Lu dans le cadre du jury Shadow-Cabinet (nous lisons les 10 livres candidats au Prix du Livre Inter et élisons – avec un buffet champêtre – « notre » Livre Inter).
Présentation de l’Editeur (Fayard)
Fort et fantaisiste, Gérard illumine l’enfance de sa fille, Lou. Mais il traîne avec lui des secrets et des fantômes. Est-ce de là que surgissent ses subits accès de cruauté, qui exercent sur Lou fascination et terreur?
Vers la violence rappelle comment nos héritages nous façonnent, entre chance et malédiction.
« Il ne m’avait pas légué la douceur, la confiance ni la foi. Pourtant j’héritais de lui les trois choses auxquelles je tenais le plus au monde. J’héritais de lui l’absence, la joie et la violence. »
Plus grand que la vie, Gérard illumine les jours de sa fille, Lou. Fort et fantaisiste, ce baby-boomer aux allures d’ogre ensorcèle tout : les algues deviennent des messages venus des dieux, les tempêtes des épreuves militaires, ses absences des missions pour les Services Secrets. Mais que fait cette arme dans la table de nuit ? Qui sont ces fantômes d’une famille disparue, surgissant parfois au détour d’une conversation, dans un silence suspendu ? D’où viennent, surtout, ces accès de cruauté — ceux-là même qui exercent sur sa fille fascination et terreur ?
A travers l’histoire d’une enfance trouble, dans ces paysages de l’ouest français où la mer et la forêt se confondent, Vers la violence rappelle comment nos héritages nous façonnent, entre chance et malédiction.

» De manière générale , Gérard n’aimait pas que je m’amuse avec d’autres que lui. Il consentait bien sûr à ce que je passe du temps avec des escargots, mais n’appréciait pas l’idée que j’aie des amis. Dès mes 6 ou 7 ans, il prit en grippe les autres enfants, à qui il trouvait, sans les connaître, des défauts imaginaires et qu’il dénigrait gratuitement, sans égard ni rai son. Gérard voulait que mon esprit lui appartienne : rester maître de mon royaume.«
3e roman de l’auteure (je n’en avais lu aucun, et je n’avais pas trop envie de le lire, après l’avoir vu dans l’émission « La Grande Librairie » en 2022. Là j’étais « obligé »).
Comment la fascination et admiration d’une enfant pour son père, qui l’éduque « à la dure », peut se muer au fil des années à une quasi-terreur.
Roman donc au centre duquel il y a la relation « père-fille » – sujet à priori intéressant pour moi qui voue une admiration (totale) pour ma fille. Mais comme ce père-là, je ne suis pas un « affabulateur », je n’ai pas perdu 2 enfants d’une 1ere union, je ne suis pas policier ni marin, ni mi- anarchiste sur les bords non plus.
J’ai beaucoup aimé la 1ere partie qui évoque par petits pas une relation (qu’on pourrait tout à fait décrire de) toxique. Fans ce début, la narratrice est encore jeune. C’est par son entrée en adolescence – et sa vie d’adulte que je commençais à perdre mon à priori positif, même si le « mal-être » de Lou, la narratrice, transpire par toutes les lignes, écrites, de plus, dans une langue qui manie à la perfection les métaphores surprenantes, les expressions peu vues ailleurs. Décrire p.ex. le pas chancelant d’une personne en utilisant l’image d’une quille qui vacille, et ne sait si elle tombe ou pas… m’a surpris.
Il n’a jamais frappé ma mère, mais : l’a menacée de disparition, traitée de connasse et de vioque une bonne centaine de fois, a tendu son poing au-dessus d’elle, lui a agrippé les seins de colère et d’excitation mêlées dans la cuisine, lui a rappelé qu’elle n’était pas bonne à grand-chose, puis lui a rappelé le contraire, qu’elle pouvait tout faire, qu’elle était bien plus intelligente et talentueuse qu’elle n’osait se le figurer. L’a comblée et humiliée, parfois dans une même phrase, un même geste, l’a tordue. Une seule chose était certaine : sans lui, elle ne s’en sortirait pas.
Ce qui est « embêtant » quand on a (finalement) envie d’aimer un livre (aussi après avoir entendu par mes amis/co-membres de notre jury Shadow-Cabinet des oh! et ah!, « émouvant », « mon préféré de la liste ») c’est qu’on a l’impression de lire un livre pas si « nouveau » que ça, que d’autres ont traité le sujet « encore mieux » (je pense p.ex. à « Sa préférée » de Sarah Jollien-Fardel) ou à certains livres de V. Despentes qu’elle cite par ailleurs dans son roman.
Peut-être c’est aussi parce que je suis un homme que j’avais un peu de mal de me mettre dans la peau de cette femme marquée à jamais, et pourtant j’aime la danse qu’elle pratique.
Auprès et loin des villes, auprès et loin de la mer, auprès et loin de la violence, auprès et loin de mon père, j’avais appris – comme l’apprennent tos les déplacés et les incertains – l’art du grand écart. Devenir danseuse dans ces circonstances avait coulé de source.
Danser : une logique d’écartèlement, d’incapacité à se fixer, de non-aptitude au repos.
Danser : l’art des changements permanent et de l’immatérialité……Danser, c’était se savoir banale et rare, brûler de l’intérieur, s’élargir sans le montrer. C’était laisser sa vvie intérieur s’ensauvager et dicter la loi : laisser tous les non-dits s’exprimer en mouvements, tout remonter à la surface de la peau et vibrer. (p. 237)
Pour souligner le désaxement (dû à ce père) de la narratrice il y aura aussi une petite excursion au « sommeil indien » (jeu d’asphyxie). Enfin, le père, aura également droit à la « parole » [des mots griffonnés « Pour ma défense » (1/3; 2/3 ; 3/3) (Gérard par Gérard, notes pour autobiographie)] qui donnent un petit éclairage du point de vue de l’Homme mais qui ne changent pas la teneur ou le propos du livre.
Somme toute j’ai donc un avis mitigé. Je ne le mettrais pas sur le podium de notre prix (et ne le vois à priori pas non plus couronné du Prix du Livre Inter 2023).