Le silence

Et je vous écoute, dit Bobby. (…)
– Mais vous ne m’entendez pas.
– Qu’est-ce que je n’entends pas ? (…)
– Le silence.

(Belle) traduction de François Happe.

Présentation de l’Editeur (Gallmeister)

En cet été de 1974, dans la banlieue irlandaise de South Boston, Mary Pat Fennessey mène une existence routinière. Un soir, Jules, sa fille de dix-sept ans, ne rentre pas à la maison, et sa trace disparaît dans la chaleur moite de la ville. La même nuit, un jeune Noir se fait mortellement percuter par un train dans des circonstances suspectes. Ces deux événements sans lien apparent plongent les habitants de Southie dans le trouble.
D’autant que la récente politique de déségrégation mise en
œuvre par la ville provoque des tensions raciales et qu’une grande manifestation se prépare. Dans sa recherche effrénée de sa fille, Mary Pat, qui croyait appartenir à une communauté unie, voit les portes se fermer devant elle. Face à ce mur de silence, cette femme en colère devra lutter seule pour faire éclater la vérité, si dévastatrice soit-elle.
Grand roman américain, Le Silence met à nu le coeur sombre d’un pays en plein désarroi à travers le portrait d’une mère au coeur brisé.

Voilà, un nouveau livre de Denis Lehane – et contrairement au « Silence » du titre c’est plein de fureur et de rage et emplis d’actes de vengeance qu’un Benjamin Whitmer n’aurait pas renié. Juste que c’est une femme qui va se révolter et se cogner contre le mur de « silence » que lui oppose la pègre irlandaise, sans scrupules, mue par l’avidité qui va avec la drogue. Mary Pat, une mère élevant seule son enfant (qui lui reste), Jules, va, à la disparition de celle-ci, à sa recherche de plus en plus effrénée.

Dennis Lehane (dont je ne peux oublier l’immense fresque « Un pays à l’aube ») se concentre dans ce livre (pour une fois non pas traduit par Isabelle Maillet) sur l’année 1974 quand la mairie a décidé de transférer une partie des élèves d’une école vers une école voisine (dans laquelle 90% des élèves ont tous les tares : ils sont pauvres/ noirs et vivent dans des HLM. (« le busing »). Des familles blanches (pas mal d’irlandais) ont protesté contre l’initiative avec des émeutes.

« Appelez-les niaks, appelez-les nègres, appelez-les youpins, « micks », métèques, ritals ou bouffeur de grenouilles, appelez-les comme vous voulez, pourvu que vous leur colliez un nom quelconque qui enlève une couche d’humanité à leur corps quand vous les évoquez. »

Dans ce chaudron il y aura, sur les quais du métro, la mort d’un jeune noir (Auggie Williamson) qui a eu la mauvaise idée, sa voiture étant en panne, de passer par le quartier blanc…. Un policier (Bobby) va mener l’enquête et d’une manière ou l’autre Jules semble être impliquée.

Dennis Lehane dépeint non seulement une/ des communauté(s) – noir, irlandais…, mais aussi une situation politico-économique explosive, rajoute dans le mixeur le portrait d’une femme (et mère) et d’une pègre mafieuse – tout cela absolument réaliste. Et on se réjouit de la manière forte avec laquelle la mère-lionne se défend (même si c’est un peu too much, à mon goût).

Foutez-moi la paix, dit-il très tranquillement. Et ne revenez pas, madame Fennessy.
Elle tend la main et lui tapote le genou.
– George, s’il est arrivé quoi que ce soit à ma fille et que tu y es mêlé…
– J’ai dit foutez-moi…
– Marty ne pourra pas te sauver. Personne ne pourra te sauver. Jules, c’est mon cœur. (Elle serre son genou un peu plus fort.) Alors, ce soir, prie – à genoux, George –, prie pour que mon cœur réapparaisse sans une égratignure, sinon il se pourrait bien que je revienne et que je t’arrache le tien de ta putain de poitrine.
Elle plonge son regard dans ses yeux éteints jusqu’à ce qu’il cligne des paupières.

Parfait pour les vacances – et écrit comme le scénario d’un film noir d’action.

Autres avis : Matatoune et Simone

A propos lorenztradfin

Translator of french and english financial texts into german
Cet article, publié dans Livres, Traduction, est tagué , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

5 commentaires pour Le silence

  1. Un pays à l’aube, c’est certain, c’est pour le moment l’œuvre de sa vie, mais Le silence est quand même très très bon.

    Aimé par 2 personnes

  2. Matatoune dit :

    Quel régal ce roman noir ! C’est vrai la mère est certes un peu too much, mais c’est quand même jubilatoire ! Car la critique sociale y est juste et frappe toujours aussi fort pour cet écrivain qui est resté silencieux pendant six ans. Merci pour le lien 🙂

    Aimé par 1 personne

  3. princecranoir dit :

    Du bruit et de la fureur dirait-on… Il y avait déjà une chappe de silence qui s’abattait sur « Shutter Island ». Superbe ironie, Scorsese à réalisé aussi un film intitulé « Silence » qui n’a aucun rapport avec celui-ci.
    En tout cas, tu bien donné envie d’y goûter.

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire