L’été indien

Présentation de l’Editeur (P.O.L.)

Éric Planchon naît dans un village de l’Hérault des années soixante-dix. Son père est un vigneron amoureux de ses ceps ; sa mère, déçue par son mariage, se réfugie dans une inquiétante passion amoureuse pour le présentateur du journal télévisé Jean-Pierre Pernaud, et un non moins inquiétant intérêt pour le tri sélectif des déchets. Élevé dans cette atmosphère électrique où il apprendra à cultiver des qualités diplomatiques, Éric rencontrera d’autres personnages hauts en couleur lors de son service militaire, de son premier travail dans un restaurant pour touristes, puis dans une compagnie d’assurances. Il subira Bousillot, un gradé hargneux, connaîtra l’étonnant « Termite de Dieu », l’aumônier du régiment devenu fou. Embauché comme saisonnier au Cerf Radieux, un restaurant du Cap d’Agde, il sera initié aux ficelles du métier par son patron, Bridet, ancien champion de lancer du poids, et, sans succès, à celles de la drague par Jérôme, le cuisinier. Sa première expérience amoureuse se nouera dans les locaux des Assurances de l’olivier avec une collègue, Sylvie, mais pâtira de leurs premières vacances dans les sentiers périlleux des Pyrénées. L’amour non exprimé qui le liait à ses parents lui apparaîtra alors dans des circonstances inattendues, à la fois graves et loufoques.

Quille militaire

Je n’ai pas oublié son roman loufoque, La Fonte des glaces (2017), lu à l’époque dans le cadre du Prix du Livre Inter. Roman dans lequel le héros prenait pour compagnon de sa fin de vie un manchot empereur empaillé et qui nous avait bien fait (sou-)rire. 

Dans ce nouveau roman (je n’avais pas accroché du tout à « L’arbre d’obéissance » (2019 et ai fait l’impasse sur les livres suivants), j’ai été surtout surpris par la manière de J. Baqué de jouer avec la langue et d’utiliser une large palette stylistique. L’évènement le plus anodin devient un terrain de jeu qui fait sourire la partie la plus sérieuse en nous. C’est souvent jouissif et donne envie de lire à voix haute pour bien déguster certaines trouvailles.

Eric et la gent féminine étaient tristement complémentaires, un peu comme un pare-brise et l’insecte qui s’y écrase. Jeune, il ne faisait pas très jeune; devenu adulte, il semblerait figé à un âge médian; vieil homme, protégé du grand âge par une matérialité défaillante, comme si le temps lui passait à travers sans s’y arrêter. (p. 60)

C’est un roman « d’apprentissage » – on suit le bébé qui sort du ventre de sa mère (« Eric Planchon s’exfiltra des tiédeurs amniotiques sous le regard éberlué de sa mère pourtant informée de son arrivée imminente » (1ere phrase) jusque à sa trentaine (environ).

Eric est le fils d’un couple dysfonctionnelle (« le couple tragique » comme disent les villageois) – on suit son adolescence: garçon qui a « intériorisé son devoir de neutralité » (dans les affrontements de ses parents) ce qui lui posera quelques problèmes quand il s’agit d’aborder les filles/femmes. « Adapté au conflit intrafamilial, à un territoire bien délimité, celui-ci devenait un boulet dans les opérations extérieures menées en des contrées peu connues. Autrement dit, Éric ratissa les estivantes et se prit râteau sur râteau ». La mère fan absolue, on dirait presque amante, du speaker (pendant 32 années !!) du 13h de TF1 Jean-Pierre Pernaut – elle se rêve « même » en femme du Président Pernaut, est également une amoureuse des containeurs poubelle pour le tri sélectif (faisant la « police » contre les gens qui ne font pas bien le tri.) Son mari travaille dans les vignes.

Eric on le suit à l’école, au foot, au job d’été, au service militaire et une fois entré dans une assurance comme (aide-) comptable. Un champs de possibles pour décrire avec tendresse et un certain mordant satirique matinée de critique sociale les années 70, sans oublier quelques saynètes absurdes (comme l’était déjà « La fonte des glaces ») non exemptes d’une certaine nostalgie pour la France des « sans dents ».

Sa description de la 1ere visite à l’ANPE est un petit bijou. Sa présentation de certaines personnages vaut également son pesant de plumes acérés.

« Le patron avait une patronne. Ancienne sauteuse de haies, Mme Bridet était le contraire d’une otarie. Elle semblait issue d’un bloc de poussière dégrossi à la va-vite, golem né du tripotage machinal d’une argile pigmentée par un sculpteur absorbé par quelque pensée autrement plus impérieuse que la réalisation de cette commande sans intérêt. Eléonore Bridet absorbait la lumière comme un trou noir; si elle avait eu un passé stellaire, il n’en restait qu’un effondrement massif….. » (p. 66)

La psychologie des foules a été fignolée, pas celle des files. Une foule fait peur, il y a des précédents. Sous la foule, les pavés. De bonasse elle peut, comme la Méditerranée, se retourner en un instant, devenir houleuse, tempétueuse, naufrageuse…(…)…Moins dangereuse, la file a été moins étudiée. Toutefois, la considérer comme une sous-espèce ou un début avorté de foule est une erreur. L’individu constitue la cellule de base de la foule comme celle de la file mais dans cette dernière il n’est pas le maillon transcendé d’un collectif, non, plutôt la goutte têtue d’une figue ou d’un nez. une file recèle le potentiel d’agressivité d’une foule en plus discursif, conditionné en portions individuelles, car personne ne veut perdre sa place, il y manque l’aération des grands emportements. » (p. 106)

Je pourrais en citer encore des paragraphes entières, on voit que Joël Baqué a fignolé son texte jusqu’à la plus petite virgule. On s’amuse bien, mais en fin de compte j’ai eu un sentiment qu’il y avait un trop plein d’idées, de trouvailles, de métaphores pour adhérer à 100% à ce texte de 156 pages (seulement).

Et, je viens de lire que J. Baqué est un autodidacte et a certainement mis pas mal de choses vécues personnellement. Donc je dis bravo, malgré mes « réserves » toutes relatives. Et le titre vient d’une chanson de Joe Dassin.

A propos lorenztradfin

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2 commentaires pour L’été indien

  1. L’écriture a l’air assez gaguesque, sophistiquée dans son genre… Je ne voyais pas les éditions POL dans ce style…

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  2. lorenztradfin dit :

    Si si ça leur arrive de glisser des textes ‘humoristiques’.

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