Sans chiens ni curés – Livre Inter 2017

« L’homme des bois » Pierric Bailly (P.O.L.)

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La vie d’un autre en 153 pages. Double portrait de l’auteur  (en filigrane) et de son père (en grand) mort mystérieusement accidentelle dans le Jura, coin de la France au centre de l’oeuvre de P. Bailly (le dernier livre lu de lui en 2011 – déjà dans la sélection du Livre Inter: michael-jackson-le-livre   )

C’est un très beau petit récit (je n’ose pas dire roman) qui entremêle les réflexions d’un auteur (très peu) sur son écriture, sur la vie de son père, sur sa relation avec lui, sur la campagne, la région jurassienne…

« Il m’arrive à penser à cette histoire comme à une sorte de roman noir, un polar sans coupable sinon la nature, la campagne française, la vie rurale, la forêt jurassienne. » (p. 153)

Il y a une petite musique douce, mélancolique, avec parfois le sourire en coin ou teinté par des micro-événements qu’un Surréaliste n’aurait pas renié (ahh cette scène dans la voiture avec l’urne (les cendres du père) et les bouteilles d’eau….!) (p. 131)

L’homme qu’était le père de P. Bailly était « un homme idéal sur le papier » (p. 104) … »Il n’était pas comme les autres. Il ne faisait pas son malin. Ou alors, pas de la même façon que les autres. Il n’était pas viril, ne jouait pas les machos…. Ce n’était pas un bourrin. Pas un mec comme on l’imagine, qui raconte des blagues et qui rigole fort. Il était doux et attentionné, je l’ai déjà dit. Cela plaisait aux femmes. » (p. 105)…. « mais c’était trop beau pour être vrai.… » (p. 107)

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Par petites touches, dans une langue simple, sans fioritures, parfois en alignant des substantifs et/ou objets P. Bailly nous le décrit ce père à visage et intérêts multiples et son rapport avec lui.  Se greffe sur cette description du père une « enquête » (vers la page 88) pour vérifier/ déstabiliser la « version élaborée à partir de l’enquête de la gendarmerie » (la chute du père d’une falaise : accident ou suicide ?).

Enfin il y a des réflexions sur la région, la nature. Le lecteur apprend ce qu’est une « reculée » (« tout simplement une entaille dans le plateau, une échancrure. C’est tout de même plus large que les mots ne le laissent imaginer. Ça prend la forme d’une vallée fermée, d’un cul-de-sac…. » (p. 55), se promène dans les forêts, sur les chemins réalisés sur d’anciennes voie ferrées, sur la route entre Lons, Logna et La Frasnée, lelong Le Drouvenant…et assiste à des fêtes du genre « soufflacus » (p. 29)

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(La Frasnée)

Franchement j’ai passé un très très beau et émouvant moment avec ce livre doux-amer (lecture glissée à mi-parcours de la lecture de « Le grand Paris » de Bellanger pour respirer un peu, prendre de l’oxygène...) .

C’est un beau double-portrait (qui m’a par ailleurs souvent fait penser à mon père à moi – qui est mort aussi, avant de pouvoir profiter de sa retraite) et c’est, d’une certaine manière, un texte politique aussi (parce qu’il parle de la « province », parce qu’il parle des gens qui chantent encore du Léo Ferré lors des enterrements, parce qu’il raconte la (petite) vie de(s) salariés en quête de plus…. (ahh ces « Lady Chatterley du Jura » que le père rencontre et avec lesquelles il ne peut vivre…)  et parce qu’il parle d’un « homme droit »…. ! Franchement, ça fait du bien dans les temps qui courent !

*le titre de mes bafouilles est sortie de l’avis de décès que P. Bailly va insérer dans le journal (le père n’aimait pas les chiens, ni trop les curés) 

A propos lorenztradfin

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8 commentaires pour Sans chiens ni curés – Livre Inter 2017

  1. on te sent touché, ça fait envie ce livre…

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    • lorenztradfin dit :

      … oui parce qu’il est « straight », direct, sans chi-chi, simple et parle de choses simples… Ce qui est, dans ma vie citadine (malgré tout) et (surtout actuellement parfaitement) noyé dans des traductions, au vu des élucubrations de la campagne présidentielle ,une véritable bouffée d’oxygène… Nous connaissons tous des livres sur les pères, mères, grand-mères et vu que ce type de littérature nous renvois à nous, à notre finitude, à nos non-actes, nos rdv ratés….. oui, pour ça je suis content que ce livre se trouve dans la liste du Livre Inter (et je sais qu’un autre autre ami de notre Club du Shadow Cabinet était également « ému »)

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  2. Elisa dit :

    Par petites touches qui touchent et font mouche… Voilà qui donne envie. Merci pour le partage 🙂

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