« Le vision du monde la plus dangereuse est celle de qui n’a pas vu le monde. » (A. von Humboldt)
[“Die gefährlichste Weltanschauung ist die Weltanschauung derer, die die Welt nie angeschaut haben. (The most dangerous worldview is the worldview of those who have not viewed the world)”]
Lu dans le cadre de la sélection du jury du Prix PFCaillé.
Je n’avais pas lu ce livre au cours de la phase de présélection (il y avait au total 12 candidats pour le prix 2022 – la sélection finale => 5 livres) et me suis attelé à la lecture fin juillet/début août. Comme d’habitude je ne dirai rien sur la qualité de la traduction (nous en discuterons/débattrons mi-septembre lors de la réunion qui choisira le/la lauréat(-e). Je ne parle donc ici seulement en « lecteur lambda ».
Traduction de l’espagnol par Eric Reyes.
RÉSUMÉ
« « Comme c’est curieux, dit John. L’homme est allé sur la Lune, en Antarctique et se déplace à travers la galaxie. Mais personne n’a jamais posé le pied sur cette écume. » Les chutes Murchison grondaient au-dessus de nos têtes, absorbant nos regards vers ce cœur spumescent d’où naissait la cascade. […] Il est communément admis qu’il ne reste sur la planète plus aucun lieu inconnu de l’homme et que tout a été plus ou moins quantifié. Mais en foulant les sentiers poussiéreux de Budongo naissait dans mon esprit la conviction qu’il existait un monde vivant impossible à appréhender, car encore dissimulé. »

Je « connaissais le « Dodo » (un oiseau de l’île Maurice, exterminé par les Hollandais au XVII esiècle) – à travers un roman « Le bal du Dodo » (Geneviève Dorman – Grand Prix du roman de l’Académie Française en 1989 (!) – j’étais depuis 6 ans en France). Gabi Martinez nous parle d’autres animaux tels que le Moa, la Danta (une sorte de Tapir), le Bec-en-sabot, le Yeti, le tigre coréen (le tigre de l’amour) mais de la grande barrière de corail aussi (la plus grande structure vivante de la planète…)
Récit de voyage, essai ethnologique et/ou zoologique autour d’animaux réels ou imaginaires, éteints ou en voie d’extinction, récit sur l’homme et sa relation ou non-relation avec ces bêtes (ou structures vivantes) et enfin sur la force destructrice de l’Homme.
« C’est alors que m’est venu l’idée d’un projet à première vue su saugrenu qu’il ne manqua pas de paraître idiot : voyager pour, selon toute apparence, ne pas voir. Soit. Le poète n’a-t-il pas dit que le chemin se fait en marchant et que ce que l’on trouve sur la route compte souvent davantage que n’importe quelle destination de rêve ? La destination n’étant autre que le cheminent, son déroulé comme les lieux que l’on a traversés. Dans ce livre, aucun animal n’est un objectif en soi, une destination. Son rôle n’est autre que moteur, et son ronronnement le chemin qui m’a ouvert les yeux sur des réalités insolites, des expériences que je conçois comme autant d’apprentissages. » (p. 15 – 16)
J’ai trouvé qu’il y avait un côté Sylvain Tesson mâtiné de réflexions d’un Patrick Deville, voyageur (voir « Amazonie« ), ce qui rendait la lecture aisée et intéressante.
Dans le chapitre dédié au Moa (une sorte de grand « kiwi » avec une ressemblance à l’autruche aussi) dans lequel l’auteur décrit son voyage (et sa recherche) du Nord au Sud de la Nouvelle-Zélande (chapitre par ailleurs truffé de références à Peter Jackson (« King-Kong », « Le seigneur des anneaux »…), le curieux voyageur par internet que je suis découvre par ailleurs également un lieu surprenant Moeraki et ses pierres rondes …

Owen déduisit que cet os, d’abord attribué à un aigle, appartenait en réalité à un « nouvel » animal. Étant parvenu à corroborer scientifiquement ses suppositions, le 30 octobre 1839, Owen déclara officiellement qu’il avait un jour existé des moas. Les fouilles qui s’ensuivirent partout sur le territoire néo- zélandais permirent de reconstituer l’un de ces oiseaux qu’abrite la galerie des Géants au Hunterian Museum à Londres. Des tibias, des fémurs et des crânes formidables furent embarqués pour une traversée transocéanique à bord de baleiniers, suscitant une « moamanie » qui poussa à l’assemblage aléatoire d’os, à l’ajout irraisonné de vertèbres, au point de donner vie à certains oiseaux invraisemblablement grands. Mais c’était il y a presque deux siècles. De nos jours, à Dunedin, rien ne subsiste de cette fièvre osseuse. Car, au bout du compte, chose que les Maoris savent bien, moa en langue polynésienne veut dire « poulet », ce qu’il a toujours été pour eux, et restera à jamais : un grand poulet. Un ensemble protéique qui un beau jour s’épuisa. (p. 148)
Qui aime les voyages, là de plus aux quatre coins du monde en un seul livre (Australie, Pakistan/Afghanistan, Nouvelle-Zélande, Corée, Lac Victoria ainsi que le Venezuela – le chapitre sur la Danta contient une description affolante de la fête du Jour de la Race – « Dia de la Raza » ) et qui est ouvert à confronter mythes et réalités et comprendre la bêtise de l’Homme (et sa force destructrice [« la terre a perdu 60% des ses populations animales…. »]) aussi – ce livre est pour vous !!
Je suis une « fan » du Shoebill depuis des années ! Le bec en Sabot . Cette bestiole est étrange quand elle es déplace, ou qu’elle reste plantée debout à te regarder sans bouger…
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Ah, c’est drôle – en allemand on dit bien « Schuhschnabel' » (= shoebill) … G. Martinez en parle magnifiquement bien dans son 1er chapitre… !.
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Balaeniceps Rex est son nom latin
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