Oeuvre sans auteur – Richter

VOD et rattrapage toiles en temps de confinement :

Werk ohne autor - affiche

J’ai « enfin » pu voir le film de Florian Henckel von Donnersmarck (« La vie des autres« ). Le film a été le candidat allemand aux Oscars 2019. Je ne regrette pas de ne pas l’avoir vu au cinéma, il est agréable, mais très, très « classique ». Toutefois, il permet de se replonger – après coup – dans la vie et l’oeuvre du peintre Gerhard Richter.

Fresque historico-didactique qui permet à un Français qui ne connait rien à/de l’Histoire allemande de survoler une trentaine d’années « allemandes » (de 1937 – de l’exposition « Entartete Kunst » * que le futur peintre Kurt Barnert (Tom Schilling), encore un garçon (qui dessine déjà comme un grand), visite avec sa tante un peu exaltée…. (elle sera internée plus tard et gazée – scène que d’autres que Donnersmarck ont montré avec plus de tact)… Cette visite au Musée permettra à Donnersmark a faire un premier discours sur l’Art (keske c’est ?) vu par les Nazis !

la tante de Kurt - chez Richter = Marianne

Der kleine Kurt besucht mit seiner Tante Elisabeth (Saskia Rosendahl) die Ausstellung „Entartete Kunst“

* L’art dégénéré (Entartete Kunst)  est le terme qu’utilisaient les nazis pour désigner et dénigrer ce qu’ils considéraient comme l’anti-art, l’art « impur », par rapport à ce qui serait l’expression raciale purifiée du vrai art allemand. L’art moderne en général a été ainsi nommé, et persécuté en conséquence, au moyen d’une politique culturelle de contrôle systématique, de radiations, d’exils forcés, de déportations, d’autodafés, de confiscations, d’« expositions d’art dégénéré ». 

https://www.cairn.info/revue-le-coq-heron-2004-2-page-161.htm

Suivent la guerre, la destruction de la ville de Dresde, l’arrivée des russes (zone d’occupation qui deviendra la RDA), Kurt entre dans l’Académie des Beaux Arts de Dresden et deviendra dans les années 50 un peintre apprécié par les caciques. Il rencontre pendant sa 1ere année d’Etudes une fille (Ellie –  joué par la belle et sous-employée Paula Beer – nettement plus présente et employée dans « Frantz » de Ozon – et peut-être dans « Ondine » – de Petzold, ours d’argent à Berlin). Elle ressemble à la tante de Kurt et s’avère être la fille du médecin (gyneco) qui avait scellé l’extermination de sa tante (et est Directeur d’une Clinique à Dresden, avant de partir en Allemagne de l’Ouest (ou il sera également Directeur de Clinique). Ce médecin sera le grand méchant du film.

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Kurt et la fille se mettent ensemble (eh ben, on en aura des scènes d’ébats sans génie – et pour le reste ne compte que l’Artiste). Etant donné que Kurt veut travailler/peindre en-dehors des clous des canons de beauté de l’art communiste (l’art sous forme de Réalisme socialiste pour les masses prolétaires – en opposition à l’Art empreint du narcissisme des artistes « Moi, Moi, Moi… »). Les 2 vont – une fois mariés – quitter la RDA peu avant la fermeture des frontières et la construction du mur…

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Ils vivront à Düsseldorf ou Kurt sera accepté comme étudiant de l’Académie des Beaux-Arts (Kunstakademie) – et ou il fera son chemin sous la bienveillance de son Directeur (qui, dans le film) dont le personnage est librement inspiré par Joseph Beuys dont certaines idées et conceptions de l’Art sont égrenés dans des dialogues. Karl-Otto Götz, le vrai Directeur de la Kunstakademie était loin du personnage campé à l’écran)

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On aura bien entendu une confrontation entre l’artiste et le beau-père dans le sillage de l’éveil du propre style de Kurt (des photos tirées de quotidiens servent de modèle à ses peintures qu’il « brouille » …) …  et Kurt monte les escaliers vers le triomphe, et fera descendra la sienne nue d’un escalier (scène qui rappellera à certains un fameux tableau de Richter).

Von Donnersmarck semble à mon avis beaucoup plus s’intéresser au cheminement « biographique » – c’est vrai « dramatique » – de l’artiste que de son oeuvre – et ne trouve pas bcp d’idées pour montrer le processus créatif…

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Même un non-féru de l’art comprend rapidement que Kurt est un double de Gerhard Richter (dont les œuvres font partie des plus chères pour un artiste encore en vie).  Richter a en effet, surtout dans les années 60 et 70, cherché des photos dans des magazines, des journaux et des albums photos, les a découpées, placées sous un épiscope et projetées sur une toile vide (ce qui les agrandit). Sur la toile, il reproduit (avec du charbon de bois) l’image projetée, peint ensuite souvent en noir, gris et blanc, pour ensuite – la peinture est encore humide – prendre un pinceau (assez large) pour « effacer » les contours et « égaliser »… ce qui peut avoir des effets saisissants.

Dramatiquement bien trouvé et « illustrée » la naissance d’un tableau qui chez Richter s’appelle « Tante Marianne ») et d’un autre qui rappelle l’oeuvre « Onkel Rudi »

Tante Marianne-Richter

Tante Marianne-Richter (le garçon est Richter)

Onkel Rudi

Onkel Rudi – Richter

Le film montre également comme je l’ai indiqué plus haut la genèse du tableau « (Ema) Nu sur un escalier) – 1964) »

Ema (Akt auf einer Treppe) - Richter

Pour quelqu’un intéressé à la « vraie » vie voici une sorte de biographie « internet » de l’artiste qui depuis a évolué dans une tout autre direction (voir aussi mes bafouilles sur les expositions à Grenoble 2009 et Paris – rétrospective 2012 à Paris) avec pleins de tableaux….:

https://www.gerhard-richter.com/fr/biography

Travaillant d’après photo et libéré de l’idée dépassée que l’on se faisait de la peinture et de ce qu’elle devait être, Richter se sentit libre de choisir n’importe lequel des sujets qui l’intéressait: « Des cerfs, des avions, des rois, des secrétaires. Ne plus devoir imaginer, oublier tout ce que l’on entend par peinture, couleur, composition, spatialité, ce que l’on savait et pensait. Tout ceci cessait d’être les prémices de l’art »3. À coté du sentiment d’être libéré de toute contrainte, Richter portait un intérêt tout particulier à la problématique, en terme dialectique, de l’objectivité et de la subjectivité que la peinture d’après photo occasionnait. « Quand je peins à partir d’une photographie, ma pensée consciente est exclue » disait–il lors de ses méditations relevées dans ses écrits personnels de 1964-5.

« La photo est l’image la plus parfaite qui existe; elle ne change pas, elle est absolue, et donc indépendante, inconditionnelle, sans style. C’est la raison pour laquelle elle a pour moi valeur de modèle par la manière dont elle relate et par ce qu’elle relate ».

Lesende - Femme lisant

« En même temps que Richter prenait du plaisir à peindre des sujets éclectiques tout en étant conscient des nombreux problèmes liés à leurs sélections, il était naturellement attiré par certains sujets plus que d’autres – affinités qui allaient se manifester seulement au cours des années à venir. Les avions militaires, les portraits de famille (à la fois sa propre famille et celle des autres) et les groupes de personnes étaient caractéristiques des œuvres de Richter à partir de ce moment …. Les images de presse trouvées dans les journaux et les magazines étaient également parmi les motifs et les thèmes les plus récurrents. Storr indique que: « Au cours des débuts de Richter et tout du long […] la conscience de la mort est, explicitement ou implicitement, la caractéristique qui définit de nombreuses œuvres. Comme ce que fit Warhol dans ses peintures « Désastres », Richter révéla l’épouvantable fascination du public pour la souffrance et l’exploitation que les médias font de celle-ci ». Cela a été clair dès ses premières œuvres comme ….
En 1965, Richter peint Oncle Rudi [CR: 85], qui était son propre oncle maternel, décédé lors de la dernière année de guerre. Cette même année, Richter représenta un autre membre de la famille qui est décédé à cause du Troisième Reich, Tante Marianne [CR: 87], sa tante maternelle qui a été admise dans un hôpital psychiatrique pour cause de trouble mental et qui fut laissée pour morte suite au programme d’Eugénisme nazi. Ce n’est sans doute pas par hasard que cette même année, Richter peint Monsieur Heyde [CR: 100], un psychiatre qui avait aidé les nazis à mener ce programme et était, par voie de conséquence, complice de l’assassinat de sa tante. ….. « 

Tulipes - Tulpen 2017

Tulpen – Tulipes – 2014

Le film (en deux parties) est un chouia trop long (par ailleurs, je ne comprend pas la séparation en 2 parties – un Scorcese n’aurait jamais fait ça !), trop « beau » aussi, saute de manière inouïe les époques, passe rapidement, un quelques trait de caméra sur le « choc culturel » entre l’Allemagne de l’Ouest et l’Est, nous montre (un peu répétitif) comme le couple/ l’artiste vit comme isolé du monde « réel ».

Toutefois on passe un bon moment (confinés comme nous le sommes jusqu’au 11 mai encore), si on n’est pas trop « regardant », il instruit, rappelle des choses, nous offre des acteurs avec une belle présence….. mais ce film ne trouvera pas la force de « La vie des autres » ni une place dans le panthéon du 7e art.

 

 

A propos lorenztradfin

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8 commentaires pour Oeuvre sans auteur – Richter

  1. personnellement, j’ai beaucoup aimé, y compris la longueur du film qui n’avait certes pas besoin d’être coupé en deux puisqu’on le voit en une séance… Moi j’ai bien aimé le côté beau dans la montagne aux jours heureux, mais évidemment pour le reste, je connais moins cette histoire que toi,La vie des autres, génial film , est à mon sens tout à fait différent dans l’esprit, dans le propos et esthétiquement aussi. Bon, je ne suis pas aussi cinéphile que toi, je suis comme pour les livres dans l’émotion d’abord et ce film m’a beaucoup touchée, moi qui n’aime pas les histoires d’amour, celle-ci m’a émue, plus que tout le reste de l’histoire en fait. Bises, camarade !

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  2. AAAAAAHHHH! je me trompe de film ! je confonds avec le film de Terence Malik !!! mais vraiment, le confinement ne me réussit pas ! J’ai moins aimé celui-ci, effectivement ! Sorry !

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  3. princecranoir dit :

    Un film avec Paula Beer (le Chant du Loup) et qui évoque la vie du peintre Gerhard Richter est sûrement fait pour moi.
    Je me souviens des critiques élogieuses à sa sortie, mais la durée m’avait freiné je l’avoue.
    Je te sens mitigé, pas totalement sous le charme.

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  4. CultURIEUSE dit :

    N’empêche, ça donne envie..

    Aimé par 1 personne

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