Miss Islande

Roman des Editions Zulma traduit de l’islandais par Éric Boury (comme toujours en excellente forme) et couronné par le PRIX MÉDICIS ÉTRANGER 2019.

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Et je remercie Je me livre (Stéphanie)  de m’avoir adressé ce livre (c’est un livre qui voyage ! – concept que j’adore et qui reproduit en « grand » ce que nous pratiquons déjà dans nos divers Clubs de Lecture)

C’est désormais le 2e roman de cette auteure que je lis (après Ör )

4e de couv’

Islande, 1963. Hekla, vingt et un ans, quitte la ferme de ses parents et prend le car pour Reykjavík. Il est temps d’accomplir son destin : elle sera écrivain. Sauf qu’à la capitale, on la verrait plutôt briguer le titre de Miss Islande.

Avec son prénom de volcan*, Hekla bouillonne d’énergie créatrice, entraînant avec elle Ísey, l’amie d’enfance qui s’évade par les mots – ceux qu’on dit et ceux qu’on ne dit pas –, et son cher Jón John, qui rêve de stylisme entre deux campagnes de pêche…
Miss Islande est le roman, féministe et insolent, de ces pionniers qui ne tiennent pas dans les cases. Un magnifique roman sur la liberté, la création et l’accomplissement.

  • Hekla, le volcan

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Je suis d’accord pour le « féministe » moins pour l’insolent. J’aurai dit plutôt roman hymne à la liberté, à l’amour aussi. Un roman d’une certaine manière délicat, d’une poésie douce et simple (ou sobre – sans artifices), presque un long Haiku, ce qui est certainement dû aussi aux .

Ce que la 4e de couv’ ne dit pas, c’est qu’il y a aussi d’autres « larrons » dans l’équation de ce roman qui s’apparente plus à un journal : le père de Hekla, féru de volcans, et l’Homme Poète (de nom Starkadur  de Hveragerdi – ce nom n’est cité que quand ce dernier a bu..(!)) – avec lequel Hekla partage (un peu) la vie et le lit, son cœur penchant pour l’homosexuel J.John, de sa meilleure amie Isey aussi.

Sirius-Bar-Wrapped

« Je suis réveillée. Le poète dort. En dehors des étoiles qui scintillent au firmament, le monde est noir. Une phrase vient à moi puis une autre,une image se dessine, cela fait toute une page, tout un chapitre qui se débat dans ma tête, pataud comme un phoque pris dans un filet. J’essaie d’accrocher mon regard à la lune par la lucarne, je demande aux phrases de s’en aller, je leur demande de rester, il faut que je me lève pour les écrire avant qu’elles d’évanouissent. Le monde sera alors plus vaste et, cette nuit encore, je serai plus grande que je ne suis réellement, je prie Dieu de me venir en aide pour rendre le monde plus petit en me donnant un océan noir, lisse et tiède, en me donnant une jolie nature morte avec un moulin hollandais comme sur le calendrier de la librairie SnaebjPorn ou bien de mignons petits chiots comme sur le couvercle de la boite de chocolats Noi dans laquelle Jon John range ses coupures de journaux, je le désire et, en même temps je ne le désire pas, j’ai tellement envie de continuer chaque jour à inventer le monde….. Blotti sous la couette en duvet de canard, le poète ignore tout du phoque qui se débat dans ma tête, il tend le bras vers moi, je le laisse faire et je cesse de m’accrocher aux mots, demain matin ils auront disparu, j’aurai perdu mes phrases. Chaque nuit, j’en perds quatre. « ( p.136/137) 

1963, l’année du « dream » de M.L. King, de l’assassinat de J.F. Kennedy, de la « naissance » de l’Île Surtsey (éruption d’un volcan sous-marin) et ses soubresauts de la libération des femmes du joug de la société/des convenances…. Occasion pour Audur Ava Olafsdottir  de décrire (d’une certaine manière de l’intérieur) le devenir d’une écrivaine dans une société dominée par les hommes et de juxtaposer cette envie de « liberté d’expression », de poursuite d’un rêve, à la vie de Isey (qui aurait bien aimé écrire, mais qui va suivre la voie « classique » de tomber enceinte et devient femme au foyer (et mère), contrairement à Hekla (qui « refuse d’être une femme comme les autres » (p.160).

femme qui écrit

Cette « trame » est enrichie par la poésie, la littérature islandaise, par des réflexions sur la difficulté d’être homosexuel dans cette société, de la « jalousie » d’un auteur qui constat que l’autre est plus doué (« je t’ai épié… à ton insu… pendant ton sommeil…pour essayer de comprendre, bafouille-t-il. Là au moins j’ai le sentiment…que nous sommes égaux… Quand tu dors. Parce que tu n’écris pas… et tu n’es pas…meilleur écrivain….que moi… Et... » (p. 164)  de l’omniprésence de la nature (âpre) et brille par ses ellipses et une structure faite de lettres, instantanés, des choses de la vie transformées en pure littérature… ainsi qu’enfin de la douleur d’écrire :

« …- les mots m’évitent, dès qu’ils me voient, ils prennent la fuite comme un banc de nuages noirs poussés par un vent propice. Il en suffit d’une quinzaine pour écrire un poème et je ne les trouve pas. Je suis au fond de l’eau, oppressé  par le poids de tout un océan salé et froid, mes mots n’atteignent jamais le rivage. » (p.200)

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Très beau roman fait d’instantanés saynèteux, de scènes survolées mais d’un concret concis, dont la brièvetude (parfois seulement 2 pages) est sous-tendue par une grande émotion (mélancolie aussi) qui nous touche.

« Brûle cette lettre. Ou plutôt, déchire-la en mille morceaux, jette-les en l’air et laisse-les retomber sur ta tête et tes épaules comme une averse de neige, ma chère amie. » (p.240)

Merci Philisine (Stéphanie). Je préfère nettement ce voyage islandais à celui que j’ai fait récemment avec Askja (mais celui-là était écrit par un Français qui choisit de nous pondre un roman tous les 15 mois…)

Pour finir ici la (belle) critique de Miss Islande par Je me livre

https://jemelivre.blogspot.com/2019/12/les-livres-lepreuve-du-temps-2-miss.html

 

A propos lorenztradfin

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4 commentaires pour Miss Islande

  1. Hey ! Je ne lis pas ton article, on va me prêter ce livre. Je les ai tous lus, et je suis impatiente. Je te lirai plus tard, je ne veux pas être influencée
    Bises !

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  2. Philisine Cave dit :

    Je suis vraiment ravie que tu aies aimé cette lecture. Tu en parles très très bien et de façon complète. Je t’embrasse. Je prends le lien demain.

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