Benedetta – Croire ou ne pas croire

J’avais hésité de voir ce film (trop de brouha dans la presse : « navet libidineux », « brûlot outrancier » ou « on est sortis au milieu du film ». J’ai lu les critiques de Newstrum qui s’était « laisser prendre » par « l’art du conteur » et de Princecranoir/Le tour d’écran toujours en avance et renseigné – merci pour la « poire d’angoisse » – qui m’ont donné envie…

Et je n’étais pas déçu. J’ai finalement cru à l’histoire que nous conte Verhoeven en se basant sur un livre de Judith C. Brown qui lui s’inspire d’une religieuse (Benedetta Carlini) au 17e siècle .

Chez Verhoeven nous sommes en 1599 à Pescia en Toscane. La petite Benedetta entre (à l’Age de 8-9 ans?) en couvent (scènes du début du film) – et on la retrouve 18 ans plus tard sous les traits de Virginie Efira. Benedetta a des visions (elle se dit choisie par Jésus et « mariée à lui »), sera trouvé avec des stigmates et deviendra l’abbesse du couvent (en remplacement de mère Felicita (une excellente Charlotte Rampling).

D’abord esquissé, éclot une liaison charnelle entre la novice Bartolomea (Daphné Patakia – que j’avais vu jusqu’ici seulement dans « Paris-Brest » de P. Lloret). Cette liaison mettra l’inquisition en branle (Felicita va chercher le nonce de Florence (Lambert Wilson) pour confondre et juger Benedetta. Pendant ce temps la peste règne en Italie.

Ok – je suis un homme, mais franchement je n’ai pas eu l’impression que les scènes érotiques entre Bartolomea et Benedetta étaient « lubriques » ou « gratuites ». Je ne me rappelle pas d’un regard lourd sur le corps des deux femmes – j’avais plutôt l’impression d’une certaine « neutralité » presque dans le genre, « c’est comme ça que ça se passe, si ça vous plait ou pas ». Même la scène « scandaleuse » de la statuette de la vierge Marie transformé en godemichet n’est pas « exploité libidineusement » (on peut juste se demander – comme l’a fait Strum dans son article – si c’est possible en réalité (la statuette était un cadeau de la mère et un objet fétiche pour la petite Benedetta – comme je me doute qu’en une réalité « vraie » Bartolomea abusée /violée par son père et ses frères se livrera si vite et proactivement à des étreintes charnelles – mais ça c’est une autre question).

J’ai par ailleurs retrouvé un article des Cahiers du Cinema (n° 762) – numéro qui parlait en janvier 2020 – càd avant la pandémie des « films les plus attendus de 2020). La rédaction avait reproduit 2 pages du storyboard de Verhoeven pour la scène de la vision de Benedetta qui se déshabille pour se joindre à Jésus sur la croix (« faut il faire un plan en plongée à la verticale ?…. Comment cadrer cette étreinte si les bras de Benedetta sont plus courts que ceux du Christ » ?)

Par ailleurs, il faut féliciter Verhoeven pour cette capacité de nous laisser libre arbitre de croire ou non aussi bien à l’histoire qu’il raconte, de nous laisser seul juge de croire aux visions divines ou de plutôt penser que la belle Benedetta n’était qu’une bonne actrice (et menteuse). Le spectateur est balloté, souvent indécis aussi – et se réjouit comme un gosse quand l’Eglise (hypocrite, avide) sera « punie ». Et quand il voit que la seule personne qui semble avoir vraiment de la foi est Benedetta – jouée parfaitement par Miss Efira qui devient de mieux en mieux avec chaque rôle.

Je sais que Verhoeven aime jouer avec des auto-références mais 2 drôles de moments de flash de « Recall » : une fois un zeste de Basic Instincts quand Benedetta est assise devant Bartolomea et ouvre ses jambes (juste un peu) pour se masturber devant celle-ci et une étrange similitude de Lambert Wilson, blessé par terre après un passage à tabac avec …..Schwarzenegger.

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6 commentaires pour Benedetta – Croire ou ne pas croire

  1. princecranoir dit :

    Je constate que le cinéma de Verhoeven alimente chez ses spectateurs les plus perspicaces des visions qui renvoient vers ses précédentes œuvres. Tu évoques « Basic Instinct » et « Total Recall » à juste titre, deux films à l’issue desquels le spectateur est laissé dans le flou quant à la nature profonde du personnage principal. Je me permets d’en ajouter deux autres que je viens de revoir (et qui feront sous peu l’objet d’articles sur le Tour d’Ecran) : dans « le quatrième homme », sorte de trouble triangle amoureux entre deux hommes et une femme qui explorent toutes les combinaisons, il est aussi question d’adoration d’une image christique à travers une scène quasi identique à celle que les Cahiers ont publié en storyboard pour « Benedetta ». L’autre écho nous emmène dans une autre forme de couvent, celui de Las Vegas et ses « Showgirls », temple de la luxure dans lequel les femmes se mènent la vie dure sous le regard d’hommes qui profitent de leur ascendance. Cela ne rappelle-t-il pas quelque chose ? J’ajoute qu’entre Nomi la danseuse et Benedetta la nonne, il n’y a pas tant de différence.
    En tout cas grand merci pour le lien vers mon article.

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  2. Très bon article. Même ressenti , le seul truc qui m’a gênée c’est la grosse voix d’homme quand Benedetta est possédée par Jésus. J’adore Efira, elle est d’un naturel déconcertant et donc bluffant . Bien aimé.

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  3. CultURIEUSE dit :

    Bon. J’aurais dû rester alors… mais je me suis vraiment ennuyée en première partie. Virginie Effira est bien, mais je n’y ai pas cru. Son physique magnifique et bronzé ne cadre pas du tout avec le personnage.

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  4. Philisine Cave dit :

    Pas vu et pas envie de le voir malgré ton excellent article, très bien documenté.

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