La beauté dure toujours

La beauté dure toujours

Présentation de l’Editeur (Gallimard)

« Dans cette ville de cyniques, où personne ne croit en rien de peur de se faire avoir, je voudrais parler de Felice et Noé qui sont les seules personnes de plus de vingt-cinq ans à croire à ce qu’ils vivent. Je voudrais parler de ça, de l’amour d’un homme et d’une femme, parler de l’impossible qui a lieu, parler de ceci qui n’a aucun témoin, de ceci tellement intime qu’il est invisible à ceux qui ne le vivent pas, je voudrais parler de ceci dont on ne peut qu’interpréter les signes ou inventer les scènes. Je voudrais savoir pourquoi deux personnes peuvent rester côte à côte, se frotter longuement l’une à l’autre, et y prendre plaisir ; et continuer pendant des années. » Lors d’un été de canicule, secoué par la crise des Gilets jaunes, un romancier désabusé veut croire qu’on peut encore écrire sur le grand amour. Et le vivre. Felice et Noé, une avocate et un dessinateur que tout semble séparer, l’entraînent alors dans le secret de leur couple : le goût du risque, la soif de désir et de beauté. Avec ce roman d’enquête intime, Alexis Jenni choisit la ligne claire et dessine l’amour dans toutes ses dimensions, sensuelle et spirituelle.

Drôle de roman qui tour à tour envoûte et/ agace.

La littérature (internationale) regorge de romans sur les débuts de l’amour ou des moments d’exaltation et nous offre pléiade d’écrits sur le délitement d’un amour, les phases mélancolico-dépressives qu’il déclenche. Mais qui parle du couple et de l’amour qui perdure ? Alexis Jenni essaie de capter ce qui fait qu’un couple dure, mais il en fait un peu trop et se perd aussi dans des méandres que d’autres lecteurs que moi ont interprété comme la tentative de remplacer ou plutôt faire mieux qu’Houllebecq.

Son « dispositif » : un narrateur-écrivain (qui par ailleurs va un jour déjeuner avec Houllebecq – et il l’éreinte !) propose un nouveau livre à son Editeur et va observer deux amants ( Noé – un dessinateur et Félice, avocate – qui sera particulièrement touché par les laissés pour compte des gilets jaunes).

« quand je les vois ensemble, je sens un mouvement particulier de l’air qui me donne des frissons sur l’avant-bras, qui me donne une envie d’écrire. » (p.43)

Les deux se sont rencontrés 12 ans auparavant – dans une galerie dans laquelle Noé a exposé ses œuvres. A ce moment Félice est (encore) marié. La scène est vu des deux protagonistes (qui parlent à tour de rôle – avec de temps en temps les réflexions du narrateur)

 C’est Noé qui est venu. Il fallait qu’il vienne car sans lui je ne m’en serais pas sortie, il fallait que quelqu’un vienne et me prenne et me sorte pour dénouer l’enchantement qui me retenait prisonnière dans la grotte de mon mari, dans antichambre du royaume des morts dont il avait fait recouvrir les murs de moquette épaisse pour que l’on n’entende pas crier, ni pleurer, ni les remerciements éperdus qui étaient bien pires que des pleurs. Sortir de là, je n’aurais pu le faire seule ; j’attendais que l’on m’emporte. » (p.68)

Le lecteur passe ainsi d’une voix à l’autre comme dans un musée des mots/maux changeant de perspectives, remplissant les vitrines d’exposition de métaphores et de reflexins.

« L’amour laissé à lui-même c’est un oiseau qui se lance dans le vide (chez « Carmen » c’est un oiseau rebelle – nda) en déployant ses ailes, et tout content de voler, de voir le monde de haut, il ne pense plus à bouger une fois qu’il est en l’air, il profite du moment. Il croit voler, mais plutôt il plane, au bout d’un moment il se pose. – Mais qu’y faire ? – Battre les ailes. – Se débattre ? SSe battre contre la gravité grâce à l’épaisseur de l’air ? – Quoi d’autres, pour continuer de voler ?…. (p. 245)

Epaisseur supplémentaire du roman : des réflexions sur l’Art, l’influence de l’amour sur la créativité, la différence entre écrire et dessiner… sujets chers à Jenni.

Dessin d’Ernest Pignon Ernest
La Rochelle, espace Encan, août 2010

Le sexe, la réunion charnelle, le désir est très présent – sans que Jenni réinvente le genre.

« …alors que mes mains, mes simples mains posées simplement sur lui, lui donnent ce frisson avant même toute caresse, eh bien cela me fait revivre, cela me guérit d’années d’immobilité intérieure, cela me remplit d’amour. (p. 121)

Pablo Picasso (1881-1973) (d'après) Femme endormie, homme assis à ses  côtés. -[...] | lot 334 | Estampes Anciennes et Modernes chez Audap &  Mirabaud | Auction.fr
Pablo Picasso (1881-1973) (d’après) Femme endormie, homme assis à ses côtés

« L’art, je ne sais pas si c’est bien la peine qu’il existe, mais il a un usage personnel qui suffit pour que l’on en fasse. L’artiste, c’est celui qui dessine la femme qu’il aime et qu’il désire, parce qu’il en veut encore et que le monde tout entier, et le temps tout entier, ne lui suffiront pas pour aimer cette femme-là, il lui faut au moins l’univers, et l’éternité. L’artiste est celui qui se se réveille après l’amour, qui se lève pour aller chercher ses outils et dessine l’amoureuse encore endormie, enveloppé dans le drap qu’ils viennent tous les deux de froisser, parce que dans son corps éreinté la même flamme qui les a embrasés brûle encore, et le profil de l’endormie se détachant sur l’oreiller l’émeut encore, et de cette émotion il veut s’approcher, encore. L’art c’est ce seul mot : encore. (p. 202)

Le roman n’étant pas d’un seul tenant, cachant en lui-même une multitude de romans et images et idées – tantôt d’une langue simple tantôt avec une emphase ou littéralité – est limite exigeant même s’il se lit d’une traite.

H. Craig Hanna, peintre génial et ingénu au MNHA | Le Quotidien
H Craig Hanna

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