La terre invisible

La terre invisible _ Mingarelli

La vie n’est pas toujours un « long fleuve tranquille » – et je me suis fait un peu rare ces derniers temps. Pour « recommencer » doucement je vous parlerai ci rapidement d’un petit livre lu. Hubert Mingarelli vient de décéder récemment -et ce livre a été sur la première sélection du Goncourt 2019. J’avais déjà lu il y a des années un livre de lui (« Quatre soldats ») et rajouté un peu plus tard » La dernière neige » et l’ai « abandonné depuis.

Présentation de l’Éditeur

En 1945, dans une ville d’Allemagne occupée par les alliés, un photographe de guerre anglais qui a suivi la défaite allemande ne parvient pas à rentrer chez lui en Angleterre. Il est sans mot devant les images de la libération d’un camp de concentration à laquelle il a assisté.

Il est logé dans le même hôtel que le colonel qui commandait le régiment qui a libéré le camp. Ayant vu les mêmes choses qui les ont marqués, ils sont devenus des sortes d’amis. Un soir, le photographe expose son idée de partir à travers l’Allemagne pour photographier les gens devant leur maison. Il espère ainsi peut-être découvrir qui sont ceux qui ont permis l’existence de ces camps. Le colonel met à sa disposition une voiture et un chauffeur de son régiment. C’est un très jeune soldat qui vient d’arriver et qui n’a rien vu de la guerre.

Le photographe et son jeune chauffeur partent au hasard sur les routes. Le premier est hanté par ce qu’il a vu, et le second est hanté par des événements plus intimes survenus chez lui en Angleterre. Le roman est ce voyage.

« Photographe », « camps de concentration », « Allemagne d’après guerre » – et voilà les raisons pour lesquelles je me suis finalement  à ce petit livre.

Le début du roman est situé à Dinslaken (à quelques encablures au Nord de la ville de Duisburg (l’est de ce que vous connaissez comme le « Ruhrgebiet ») et le lecteur va, en compagnie du narrateur et de son chauffeur faire un voyage le long du Rhin et ses ponts détruits…

Destroyed_Krefeld-Uerdinger_Rheinbruecke_1945

Dès la page 18 (sur 182 petites pages) nous comprenons/apprendront le choc qu’ont été les images de la libération d’un camps sur les soldats, images qui les accompagnent longtemps, longtemps, peut-être pour toute la vie…  Mingarelli, connu pour son écriture blanche (il gomme très souvent de ses phrases tout adjectif ou adverbe, pour ne laisser que le nu de la structure « basique ») accéléré sur cette page 18  le rythme du récit, la phrase devient longue, sans ponctuation, effrénée, choquée… pour « retomber » ensuite dans son écriture « silencieuse »… sans plus jamais revenir à ce flux ininterrompu de pensées haletantes.

Finalement « qu’est-ce qu’on a vu? » Impossible à dire, à mettre des mots dessus.

C’est donc par l’image, une/des photo/-s que le narrateur souhaite fixer l’inexprimable. Sortir des villages qu’il traverse les personnes qui y vivent (de force si nécessaire; en tant que « vainqueur » c’est facile….).  Est-ce eux qui sont les « monstres » ? Ceux qui ont su (ou pas ?!). Est-ce que ça se voit…. ?

Il est, comme le dit le résumé du livre, accompagné lors de ce périple par un jeune soldat qui est arrivé « trop tard » – n’a pas combattu (et qui en est un peu désolé)….

Le « roman » avance très doucement. Il est finalement constitué surtout de vignettes, les rencontres avec les habitants, (leur banalité/gentillesse/colère), la description des paysages désolés (et souvent par contraste tellement beaux)….

Rheinlanbdsschaft

Pas de véritable montée crescendo, un drame arrivera, presque par surprise (même s’il couvait )… et s’arrêtera sur une question.

Des fois – je ne sais pourquoi – le déroulé du récit m’a fait penser à « La route » de  Cormac McCarthy (sans atteindre la noirceur  de celui-ci – normal : l’écriture de Mingarelli est « photographique » et gomme plutôt que d’en rajouter laissant le lecteur « se débrouiller » avec les non-dits, les silences et suggestions).

Je ne suis pas d’accord avec pamolico  pour qui le livre est « un peu vain » avec une « intrigue qui tourne vite en rond »… L’écart entre nos appréciations je le résumerai bien par une duel entre Bach & Wagner…. Pour moi une oeuvre contemplative qui n’a pas besoin de tonnes de mots ou de phrases pour toucher et de faire réfléchir.

Toutefois, là je donne à Pamolico, ce n’est pas un livre de plage, de consommation rapide. C’est presque de la poésie avec des blancs. (je me répète).

 

 

A propos lorenztradfin

Translator of french and english financial texts into german
Cet article, publié dans Livres, est tagué , , , , , , , , , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

5 commentaires pour La terre invisible

  1. ceciloule dit :

    Je ne suis pas adepte de la littérature de plage non plus, simplement je n’ai pas vu l’intérêt de ce roman qui m’a vite ennuyée. Poésie ne veut pas forcément dire inaction et vanité… d’autant que les rebondissements à toutes les pages me font généralement refermer le livre aussi sec, ce n’est donc pas ça qui m’a manqué mais davantage un but.

    Aimé par 1 personne

    • lorenztradfin dit :

      Merci pour ton passage. Pour moi, le but, c’est d’écrire les ravages laissés par des images indélébiles…. et quant à la « lecture de plage » – ce n’est pas un qualificatif « négatif » pour moi comme serait davantage le genre/la notion « roman de gare » / »littérature sentimentale » …. Pour moi c’est du « easy reading », ou on ne se pose pas trop de questions, ou les pages avancent sans qu’un grain de sable (ou comme chez Mingarelli « les graines de lupin ») font grincer les structures métalliques des ponts détruits sur le majestueux écoulement du Rhin….

      J’aime

  2. princecranoir dit :

    Tu en parles très bien, même s’il semble que certains mots te manquent. La couverture intrigue au moins autant que le contenu et le style, contemplatif et lacunaire, que tu décris. Et puisque c’est intrigant, alors on a envie de se laisser intriguer. 😉

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire