Livre Inter – Evariste (FH Désérable)

« ….. et c’est là qu’Évariste entre en jeu (et déjà je ne comprends plus rien) : il démontre que pour qu’une équation irréductible de degré premier soit soluble par radicaux il faut et il suffit que, deux quelconques des racines étant connues, les autres s’en déduisent rationnellement. Inutile de hocher la tête en guise d’approbation, je le vois dans vos yeux : pas plus que moi vous n’avez pigé un traître mot….(p.62)

selecdeserable

Tout, non, beaucoup est dit dans ce seul paragraphe de la manière de François-Henri Désérable de raconter la courte vie de Evariste Galois dans son livre intitulé « Evariste », la vie comète de celui qui a révolutionné les mathématiques et qui va mourir à 20 ans dans un duel.

On dirait que c’est un peu à la mode de prendre comme sujet et/ou héro un illustre (in-)connu du lointain passé et de relater sa vie dans des couleurs scintillantes (derniers exemples pour moi : les livres de Patrick Deville (Viva, Peste & Cholera), Echenoz (Ravel, Courir) ou Lola Lafon – La petite communiste qui ne souriait jamais). Mais passons.

En effet, l’époque dans laquelle a vécu Evariste se prête parfaitement à des excursions, apartés et discours enlevés (occasion de parler des parents du génie méconnu, de la révolution de 1789, la révolution de 1830, la pandémie de choléra, d’évoquer les Raspail, Nerval, Dumas, Cauchy) – de fait le livre ne parlera pas beaucoup de mathématiques (sur les 165 pages peut-être 2 pages + avec quelques excursions chez les maîtres (et prof) de mathématiques qui n’ont pas réussi à gravir la Montagne….

Pour celui qui n’a pas envie de lire le livre champagnesque – voici au moins un traité de chez Wikipedia (nettement moins enlevé et plaisant mais factuel):

http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89variste_Galois

Je dis « plaisant » parce que je me suis souvent amusé, ce mélange de langage (« Six mois. Six putain de mois à passer avec des hommes… » (p. 111) parfaitement ciselé et de haute volée qui côtoie un style parfois limite « vulgaire » mais drôle, ça vous donne un roman très original.

Ainsi Guillaume Pinaut écrit-il dans http://www.zone-critique.com :

On peut toutefois se demander en quoi ce livre vaut mieux qu’une émission en deux volets de Stéphane Bern, trois tomes de Max Gallo ou douze heures de Josée Dayan. Pour le dire sans détour, cela passe par le choix des armes. Que l’on nous pardonne cette image assez facile mais dans son précédent recueil de nouvelles, l’écriture de M. Désérable était acérée comme le couperet de la machine infernale du bon Docteur Guillotin qui en constituait aussi le protagoniste essentiel. Ici, les balles sifflent en tous sens jusqu’à l’heure du duel qui signera la fin du jeune mathématicien. Car Évariste constitue au premier chef un formidable rattrapage pour ceux qui roupillaient au fond de leur classe d’Histoire passé le récit de l’Empire. L’auteur se joue avec alacrité des images d’Épinal, passe en revue – et ce au pas de charge – la chute de la monarchie restaurée, multiplie les clins d’œil comme à la parade. Cela donne des phrases comme : « Le 27 juillet 1830 tombait un mardi. Le 28 un mercredi. Le 29 un roi. » Il mêle, souvent ironique et péremptoire, des scories d’époque – la nôtre – aux développements d’une belle prose classique et, suivant ce rythme où rien ne pèse ni ne pause, frappe des médaillons pop aux airs de friandises. C’est français en diable comme dirait M. Neuhoff – qui en fait de diable, s’y connaît davantage en français, parfois clinquant, souvent réjouissant. Pour peu que l’on consente à de telles directions, on y trouvera bien du plaisir.

Je laisse également le lien vers le blog de Astrid Manfredi (http://laisseparlerlesfilles.com/2015/02/02/evariste-de-francois-henri-deserable-une-equation-litteraire-savante-et-fievreuse/) dont j’aime bien les récits de lecture.

Encore un petit exemple de son style bigarré qui joue avec les mots comme Evariste avec les chiffres et formules :

(Quelle fut sa réaction quand il ….entre dans le royaume des mathématiques?) « Un mélange, je crois, de plaisir et de soulagement, d’allégresse, de joie, une éclatante révélation, de celles qu’on ne connait qu’une ou deux fois dans sa vie – ce que dut ressentir Rodrigo de Triana perché en haut du mât de La Pinta dans la nuit du 12 octobre 1492, ou vous-même Mademoiselle, juchée pour la première fois sur un autre mât, moins grand mais non moins raide que celui de La Pinta, jubilant néanmoins aussi bruyamment dans votre chambre que le vigie de La Pinta dans la nuit. » (-p.40)

Pour moi un joli intermède mais qui sonne un peu limite exercice de style – et défoulement joyeux avec et sur les mots…..(les pages 110 – 140 sont tout simplement sublimes) François-Henri Désérable, je te garderai à l’œil.

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7 commentaires pour Livre Inter – Evariste (FH Désérable)

  1. Philisine Cave dit :

    Je vais lire ce roman bientôt et j’ai hâte surtout qu’Évariste Galois n’est absolument pas un inconnu pour la mathématicienne que je suis : c’est même un dieu qui s’est tué trop tôt, le con !!!!!

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  2. lorenztradfin dit :

    et FH Déserable le dit bien presque dans ce ton « ce con »…… Le « roman » est bien parmi mes 5 préférés de la liste LI….

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    • Philisine Cave dit :

      les mathématiciens le pensent tous, parce qu’Évariste a développé la matière de façon énorme en si peu de temps : on n’a pas que perdu sa vie, mais des années de recherche, parce qu’il était visionnaire et génial. Il n’y a pas de mot pour résumer son talent et malheureusement sa perte scientifique.

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  3. lorenztradfin dit :

    Merci pour cet éclaircissement d’une « spécialiste » – je découvre cette facette de toi – (je n’ai jamais trouvé la porte des mathématiques….)

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