
Voilà, enfin un film qui m’a ému et touché comme l’avaient fait « Bridges of madison » ou dans une moindre mesure « Out of Africa » et « Patient anglais ». Et rien n’y m’avait préparé. Une sorte d’uppercut sensoriel – if ever ça existe. Réalisé par Maryam Touzani et Nabil Ayouch (je vais aller voir leur 1er film « Adam » un de ces quatre).
3 personnages, un atelier de couture de caftans : un homme marié (depuis 25 ans) cachant son homosexualité (elle est bien au courant) devant la société, son épouse (dont on apprend doucement qu’elle est atteint d’une maladie longue) et un jeune apprenti qui perturbera l’équation à deux. L’atelier de couture (également magasin) permettra de faire entrer le monde d’extérieur (avec ses clientes entre tradition et modernité), et sera également le théâtre d’une ode à l’artisanat (en juxtaposition à la fabrication à la machine – broderie, tout est fait à la main – et j’ai souvent pensé à « Phantom Thread » dans lequel la caméra s’attarde également souvent sur les mains, les tissus, les gestes d’une sensualité forte.

Le film est lent et assez long (2h). Lent ne veut cependant pas dire ennuyant, si on se laisse couler dans la langueur qui va avec la lenteur, si on accepte de prendre le temps … (d’aucuns diront qu’on peut couper telle et telle répétition de geste, une sortie à l’hammam aussi – on voit l’homme y aller 6 fois… mais la vie n’est-elle pas fait de schémas récurrents aussi ?)…

Finalement le film vit des gestes, des regards, des non-dits qui hurlent, brûlent. Bien entendu, les acteurs y sont aussi pour quelque chose. Les regards, la voix de l’immense Lubna Azabal m’ont transpercé. Elle joue une femme « forte », un roc qui s’effrite à cause de sa maladie, mais qui résiste, porté par un amour en majuscule.
Oui, finalement c’est aussi ou surtout un film d’Amour (au détour d’une conversation entre les 2 hommes on est secoué par le lien qui unit les deux époux depuis 25 ans), paré d’une histoire de transmission et de transgression. Resteront (comme pour le film « Bridges of Madison ») quelques scènes qui m’ont remué : la « danse » des 3 devant la fenêtre, une scène de lavage de cheveux (une amie m’a dit qu’elle lui rappelais une scène semblable dans « Out of Africa »), les dernières images qui donnent un sens plus profond au kaftan bleu (même si le spectateur « affuté » se doutait bien de cette conclusion) … et bien d’autres.

Film d’une douceur cruelle incroyable face à une société, un état qui punit sévèrement l’homosexualité (en rétrospective je repense au livre « L’épouse d’Amman » dans lequel est relaté entre autres le mariage cache-homosexualité d’un homme).
Film empreint d’une poésie de l’intime brodée par les regards et gestes, de gros plans, de silences. Un beau moment suspendu qui nous incite à faire place à la compréhension de l’autre, à l’acceptation de ce qui est autre, à la compassion, à la tendresse, à la capacité de faire face à l’adversité, dans une douceur tenace.

je note
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Critique brodée par des mains agiles sur le clavier. On devine la texture de ce film à étoffe, ainsi que l’épaisseur de l’ourlet qui dissimule des réalités inavouables.
Tu m’as donné envie.
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Ma compagne l’a trouvé trop long… deux autres copines l’ont encensé….avec des termes genre ‘magnifique’… un tisseur de mots comme toi trouveras des fils qui depassent mais la petite Madeleine en toi sera touchée. Je mets ma main sur le fer à repasser.
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moi aussi j’ai beaucoup aimé ce film et rien ne m’y préparais . chroniqué par ailleurs dans mon blog
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Ping : Soutien au cinéma français – avril 2023 | Coquecigrues et ima-nu-ages
Une de mes filles l’a vu hier soir et a également beaucoup aimé ! Pour la fin elle a également été une spectatrice affûtée sans que je sache pourquoi…puisque je vais aller le voir semaine prochaine.
Bonne fin de semaine.
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