Merci à A. pour le prêt de ce livre traduit de l’anglais (Irlande) par Anna Gibson
Tout allemand qui se respecte connaît (au moins de nom) quelques romans de Thomas Mann (prix Nobel en 1929), dont Les Buddenbrook (1901), la Mort à Venise (1911) et La Montagne Magique (1924)… et je pense que tous les lycéens (encore aujourd’hui doivent lire la nouvelle/ le court roman « Tonio Kröger » (1903).
Moi-même j’ai découvert la littérature de son frère (Heinrich Mann « Der Untertan » / »Le sujet de l’empereur » ou « La fin d’un tyran/Professor Unrat » (mis en pellicule par J. Sternberg sous le nom « L’ange bleu » (avec Marlene Dietrich et Emil Jannings) – ses enfants : Klaus Mann (« Le volcan » et/ou « Mephisto – Histoire d’une carrière » – ce dernier a été filmé par Istvan Szabo avec Klaus Maria Brandauer) ou aussi Erika Mann (la seule journaliste qui a couvert le procès de Nuremberg)… j’arrête-là….

©Ullstein Bild/AKG
Thomas Mann, son épouse Katia et leurs enfants en 1924. De gauche à droite : Katia, Monika, Michael, Elisabeth, Thomas, Klaus et Erika. Seul manque Golo, le troisième de la fratrie.
Avec la lecture de ce livre volumineux et riche (601 pages), je suis donc entré dans un territoire plutôt connu et bien balisé, mais j’y ai toutefois découvert des informations éclairantes. Colm Toibin nous dresse un portrait éclaté mais néanmoins chronologique de ce grand homme (et finalement aussi de sa famille – notamment de sa femme Katia Pringsheim).
Présentation de l’Editeur Grasset
Personne n’aurait pu prédire un avenir aussi extraordinaire à ce garçon né dans une famille provinciale, bourgeoise et aisée du nord de l’Allemagne. Mais le jeune homme s’appelle Thomas Mann, et il se forgera un destin hors du commun. Une œuvre littéraire couronnée par le prix Nobel, une vie familiale mouvementée et souvent dramatique, et la traversée de toutes les tragédies politiques de la première moitié du siècle – voilà comment on pourrait résumer la vie du grand écrivain. Colm Tóibín a choisi de nous la raconter de l’intérieur et dans toute sa dimension romanesque.
Cette existence est peuplée d’autres figures inoubliables. Au tout premier plan, son épouse, la fascinante Katia Pringsheim. Avec et grâce à elle, Thomas Mann construit patiemment une œuvre protéiforme en même temps qu’une apparence de vie confortable qui le protège de ses démons : son attirance pour les hommes. Pour ses six enfants nés entre un voyage à Venise et un séjour au sanatorium – qui seront transposés dans La Mort à Venise et La Montagne magique – il restera à jamais ce chef distant d’une famille où l’on ne sait pas très bien comment s’aimer. Son frère Heinrich, ses enfants Klaus et Erika Mann, Christopher Isherwood, Bruno Walter, Alma Mahler et Franklin Delano Roosevelt – tous joueront un rôle dans la mue du grand bourgeois conservateur en intellectuel engagé face à la montée du nazisme, ou croiseront sa route dans l’épreuve de l’exil. Mais Colm Tóibín évoque avec autant de puissance les élans intimes et douloureux d’un homme secret en quête d’un bonheur impossible. Tous ces fils littéraires, sentimentaux, historiques et politiques s’entretissent dans une fresque qui se confond avec l’émouvant roman d’une vie : celle d’un génie littéraire et d’un homme seul qu’on appelait Le Magicien.
Ca débute en 1891. Thomas est encore à l’école mais se sent déjà à l’étroit dans la ville de Lübeck, dans cette famille bourgeoise … et ça se termine en 1950 à Los Angeles. Bon nombre des évènements et rencontres sont documentés, ont réellement eu lieu (parfois les lettres des protagonistes ont permis à C. Toibin de les retracer, réécrire en mode dialogues). Ce qui est un peu plus « osé » et signe du travail de l’écrivain, c’est d’affirmer que T. Mann était un homosexuel refoulé (ce qui reste selon les historiens toujours « open » et non documenté, les archives et la bibliographie restent quasiment muet sur ce côté). Le roman « Le magicien » fourmille de rencontres « actifs » n matière d’homosexualité.
Thomas Mann (1926) © Gallica/BnF
J’ai toutefois été un peu perplexe et désemparé face à l’accumulation, parfois sans véritable transition, d’anecdotes et situations ; s’ajoute à cela que C. Toibin n’est pas un grand styliste.
Par contre, là ou il est très fort, c’est d’emmener le lecteur en voyage dans l’histoire houleuse de l’Allemagne et de l’Occident de la première moitié du XXe siècle (et cela à travers cet écrivain qui en 1914 est encore un quasi-belliciste et qui devient, avec bcp de retard par rapport à ses enfants et sa femme, et après un passage « libérale », un véritable anti-nazi), même s’il a mis du temps pour choisir son camp (notamment par peur pour sa belle-famille, juive). C’est par ailleurs sa femme qui finalement joue un rôle presque aussi important dans le livre que lui, « le magicien ».
Un été en famille, entre le Lavandou et Sanary Photo DR
Par ailleurs, je ne me rendais pas compte non plus du nombre d’exilés allemands à Sanary (ou T. Mann a croisé Lion Feuchtwanger, Klaus Mann, Wilhem Herzog, Walter Bondy, Ludwig Marcuse, Franz Werfel – le frère de Thomas Heinrich Mann lui avait choisi – comme Joseph Roth plutôt Nice) villégiature dans laquelle T. Mann séjourna avant de partir vivre en Suisse, ainsi qu’avant de s’exiler aux Etats-Unis (1938) (Notons aussi qu’il n’a plus vécu en Allemagne jusqu’à sa mort). [Sanary était appelé un temps « Sanary-les-allemands » avant d’obtenir le sobriquet « Sanary-les-juifs » – Les petites communes Sanary et Bandol hébergent autant de célébrité que Hollywood ou les quartiers bohèmes de grandes ville disaient un jour Klaus et Erika Mann]
Biographie-romancée (voir ses affirmations – pas si farfelues que ça au demeurant – sur l’homosexualité refoulée de T.M. ainsi que les dialogues (pas toujours retraçables par des documents) ) qui se lit d’une traite sans pour autant livrer des clés pour les grands œuvres littéraires de T. Mann (souvent citées en mode mineur ou « en passant »).
Cette biographie a l’air intéressante mais je crois que je préfère dans un premier temps lire Thomas Mann et les autres écrivains membres de sa famille que je n’ai pas encore lus. Par lequel vaut-il mieux commencer ? Le frère ou le fils ou la fille ?
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Je lirai Klaus et regarderai le film Dr Unrat L’ange bleu…..
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Merci pour ce conseil ! Je lirai donc Klaus Mann.
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Même Marcel Duchamp est passé par Sanary! A part ça, faut-il toujours choisir son « camp » sexuel? Il a sûrement été bi, en tous cas psychiquement.
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J’en apprends grâce à toi !
Si le nom de Thomas Mann ne m’était évidemment pas inconnu (« mort à Venise » oblige), celui de Karl est une découverte. Je connais le célèbre film de Sternberg mais j’ignorais qu’il s’agissait d’une adaptation littéraire. Bonne occasion de revoir mes classiques.
🙏
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Klaus, pas Karl, désolé.
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En effet : Klaus – son œuvre n’a été « redécouverte » qu’après la guerre. (notamment Mephisto et Der Vulkan (la mise en pellicule de ce roman sur l’émigration des allemands ne vaut pas la peine (Ottokar Runze). Mephisto avait reçu l’oscar du meilleur film étranger 1981) avec K.M. Brandauer. C’est Heinrich, le frère de T. Mann qui a écrit le livret pour Sternberg – et W. Staudte (RDA !) a tiré un très beau film de « Der Untertan » (qui passe souvent à la télé allemande https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00391718/document
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Merci pour ces précisions. Je me suis en effet emmêlé les crayons entre les membres de la famille.
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T’es parfaitement excusé.
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