Présentation de l’Editeur (Gallimard)
On l’appelait le « mage du Kremlin ». L’énigmatique Vadim Baranov fut metteur en scène puis producteur d’émissions de télé-réalité avant de devenir l’éminence grise de Poutine, dit le Tsar. Après sa démission du poste de conseiller politique, les légendes sur son compte se multiplient, sans que nul puisse démêler le faux du vrai. Jusqu’à ce que, une nuit, il confie son histoire au narrateur de ce livre…
Ce récit nous plonge au cœur du pouvoir russe, où courtisans et oligarques se livrent une guerre de tous les instants. Et où Vadim, devenu le principal spin doctor du régime, transforme un pays entier en un théâtre politique, où il n’est d’autre réalité que l’accomplissement des souhaits du Tsar. Mais Vadim n’est pas un ambitieux comme les autres : entraîné dans les arcanes de plus en plus sombres du système qu’il a contribué à construire, ce poète égaré parmi les loups fera tout pour s’en sortir.
De la guerre en Tchétchénie à la crise ukrainienne, en passant par les Jeux olympiques de Sotchi, Le mage du Kremlin est le grand roman de la Russie contemporaine. Dévoilant les dessous de l’ère Poutine, il offre une sublime méditation sur le pouvoir.
C’est mon ami T. qui m’a passé ce roman (dans le cadre de notre Club de Lecture), encore en bonne position dans divers prix littéraires 2022.
Un homme (de type Machiavel paré d’un joueur ou mâtiné d’un « Raspoutine ») s’est retiré des affaires publiques (et n’a pas encore été suicidé) après avoir perdu les faveurs du « tsar ». Il raconte sa vie, son ascension et sa « retraite », à l’auteur qui retranscrit les échanges et ces « mémoires ». Et ce qu’il raconte glace, puisque le cheminement de la Russie (de Eltsine à Poutine) jusqu’à l’invasion de l’Ukraine y est dessiné d’une clarté sidérante, d’une logique imparable.
Da Empoli s’est semble-t-il inspiré de Vladislav Sourkov (« le cardinal gris » ou comme l’écrit le FT : Grey cardinal, éminence grise, a modern Rasputin, a Russian Richelieu ) pour créer son personnage Vadim Baranov. Les autres personnages du roman existent tous (Boris Berezovsky, Mikhaïl Khodorkovski, Limonov (voir aussi le roman de E. Carrère du même nom lu il y a plus de 10 ans….).

Le grand-père de V. Baranov : « La révolution a été une catastrophe sans précédent. Mais il est vrai que sans elle j’aurais fini fonctionnaire, dans le meilleur des cas, courtisan. ….On ne sait jamais rien. Tu ne contrôles pas les choses qui arrivent, pire, tu n’es même pas capable de savoir si elles sont bonnes ou mauvaises. Tu es là, tu attends une chose, tu la désires de toutes tes forces. Elle se produit enfin et, juste après, tu te rends compte que ta vie est gâchée. Ou le contraire. Le ciel te tombe sur la tête et après un peu de temps te rends compte que c’est la meilleure chose qui pouvait t’arriver. Crois-moi, la seule chose que tu peux contrôler c’est ta façon d’interpréter les événements. Si tu pars de l’idée que ce ne sont pas les choses, mais le jugement que nous portons sur elles qui nous fait souffrir, alors tu peux aspirer à prendre le contrôle de ta vie ». p.42
Da Empoli puise dans l’histoire des dernières année en Russie : pour ne citer quelques « stations » ou épisodes : la guerre en Tchétchénie, les jeux olympiques de Sotchi, la lutte contre des oligarques (montés au firmament grâce à Eltsine et grâce à une corruption galopante) – leur remplacement par des personnes choisies par le « Tsar » en guise de remerciement ou afin de les enchainer davantage…. S’ajoute à cela la pratique de la constante réécriture de l’Histoire, l’instauration d’un régime expansionniste (à la recherche de la gloire de la Grande Russie) ainsi que quelques pages sidérantes. Vous vous rappelez peut-être de la rencontre de Poutine et Mme Merkel lors de laquelle un Labrador (Koni) fait quasiment paniquer Mme. Merkel (elle a, c’est connu, la cinophobie, phobie des chiens). Da Empoli raconte (chapitre 23) cette rencontre en s’amusant du fait que le chien est devenu un instrument de Poutine qui devient en quelques sorte « ministre des affaires étrangères », sous la coupe duquel « nos partenaires ont commencé à nous regarder d’un autre œil et, pas à pas, nous avons regagné le respect que nous avions perdu sur la scène internationale….D’abord c’est une femelle, ce qui établit sa supériorité automatique sur ses collègues mâles. De plus, elle descend en ligne direct du chien préféré de Brejnev et on dit que son nom vient de Condoleezza Rice, l’ex secrétaire d’Etat américaine. Bref, elle a la politique dans le sang. ... » (p. 206-207)

Belles analyses (cachées dans les dialogues), une masse d’informations, presque un cours d’histoire, cours de science-po dans une langue d’une sobriété et précision bienvenue. Et surtout tout cela est ancré dans une cruelle réalité ante-portas. Et pourtant, da Empoli a fini son livre en juin/juillet 2021 (!!) après 4 années (!!) d’écriture, ce n’est donc en aucune manière un livre qui « profite » de la guerre en Ukraine, écrit à la hâte pour surfer sur une vague…. non, tout ce qui est écrit prend une dimension prémonitoire et explicative de ce qui se passe aujourd’hui là bas. Et c’est glaçant.
Peut-être pas un (très) grand roman d’évasion (je n’ai pas ressenti une once d’empathie pour le personnage) ni un feel-good-book mais un roman qui interpelle, qui interroge, qui est ancré dans une réalité qui entre chaque jour dans nos foyers.
Pamolico en parle bien ici https://pamolico.wordpress.com/2022/10/16/le-mage-du-kremlin-giuliano-da-empoli/
Par ailleurs, le roman vient de recevoir le Grand Prix du Roman de l’Académie Française 2022. (Et il reste « goncourt-able »)
Cette photo de Mme Merkel et Proutine qui assiste goguenard est glaçante. Merci pour la chronique, du coup je ne le lirai pas! Bises
J’aimeAimé par 1 personne
Je n’avais pas recherché d’images de cette rencontre mémorable entre Merkel et Poutine… la photo choisie illustre tellement bien cet épisode et tout le reste. C’est glaçant, effectivement, et fort instructif.
Merci pour le lien !
J’aimeAimé par 1 personne
Je vois que c’est un « roman » pas très fictif…Un récit historique plutôt ? Mais il a l’air très bien documenté…
J’aimeAimé par 1 personne
C’est fictif mais « d’après des faits réels ». Je ne le classerai pas dans les romans « historiques », trop ancré dans notre réalité à nous. Mais ce que dit/raconte le personnage principal est « inventé », l’auteur s’est mis dans sa tête…
J’aimeAimé par 1 personne
Ping : Le mage du Kremlin, Giuliano da Empoli – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries
Merci pour le lien !!
J’aimeJ’aime