En faisant le tri dans mes livres (j’ai « fêté » ma 1ere année dans mon nouveau domicile), je suis tombé sur une anthologie de la poésie allemande des années 70. (Reclam).
Je la feuillète (garder/pas garder ?) et tombe sur un poème que j’avais stabilobossé en 1980 (!). Autre précision, je lis actuellement le dernier livre de Emmanuelle Richard (« Hommes »), une autrice féministe qui mérite le détour, et qui parle dans ce dernier livre – entre autres ainsi : « J’aurais bien aimé, quelquefois, avoir une aventure sans qu’il soit question de penser à un lendemain sans délai. Sans qu’ils escomptent quelque chose d’instantanément sérieux. J’aurais bien aimé accéder à une intimité sans gravité avec des hommes ni amoureux ni terrifiés, juste pour le plaisir« . Il y’avait donc une sorte de synchronicité, une pensée en unison….
Il s’agit de « Im ersten Licht » (que je traduis par « Aux premières lueurs du jour » – tandis que l’Anthologie Bilingue de la poésie allemande titre « Point du jour« ).
Le poème a été publié la 1ere fois en 1976 et est considéré comme un des poèmes les plus connus de Karin Kiwus. Un poème qui fait penser, dans sa structure et musicalité aux slams d’aujourd’hui et fait partie des « Alltagsgedichte » (les poèmes traitant de la vie de tous les jours).
Un couple a passé une nuit ensemble [belle nuit d’été, ils ont bu bcp (« saouler sans réfléchir/ pour se vider la tête/ pour ne plus être capable de penser/ au point d’être incapable de penser ==> « gedankenlos getrunken« )]. La femme, au réveil, se rend compte qu’il n’est pas le bon cet homme… Il a certes été son « instrument » quand elle a fait sa toccata, son improvisation jouissif… mais n’est, à y penser, pas de taille…. La lumière du jour est plus crue que celle de la nuit. L’ivresse s’est envolée.

Ce qui est fort, mais aussi difficile à traduire, ce sont les métaphores musicales (soit les substantifs soit dans les adjectifs à double-détente) (« Klangkörper » = caisse de résonance pour un violoncelle p.ex./ corps sonore ?, « verstimmt » (adjectif pour un instrument désaccordé mais aussi utilisé pour exprimer de « mauvaise humeur » (de mauvais poil), « dumpf » (utilisé pour des sons « sourds » mais aussi « terne » pour des couleurs – toutefois « étourdi » est également indiqué par les dictionnaires, mais contient un peu le sens de « encore pompette » « , « un peu ivre« ) et rate ainsi peut-être (à mon avis) les allusions à l’instrument du plaisir (tout relatif) que la femme à pu essayer etc… Autre « difficulté » : « ausladend » – l’anthologie préfère « mangeur de place« , mais va plus loin que le simple fait de le voir « gros« , « ample« , « large » sachant que cet adjectif allemand est traduit pour des arbres par « retombant« , pour un toit qui dépasse = « débordant » (!)…(« fesses débordantes, flagadas ou tombantes ?? ») .. Finalement on a le choix ….
Piqué j’étais donc d’un coup d’une envie de traduire ce poème dans ma langue d’emprunt pour comparer ensuite ma version avec celle de l’Anthologie Bilingue de la Poésie allemande.
Aux premières lueurs du jour
Wenn wir uns gedankenlos getrunken haben aus einem langen Sommerabend in eine kurze heiße Nacht wenn die Vögel dann früh davonjagen aus gedämpften Färbungen in den hellen tönenden frischgespannten Himmel wenn ich dann über mir in den Lüften weit und feierlich mich dehne in den mächtigen Armen meiner Toccata* und wenn du dann neben mir im Bett deinen ausladenden Klangkörper bewegst dich dumpf aufrichtest und zur Tür gehst und wenn ich dann im ersten Licht deinen fetten Arsch sehe deinen Arsch verstehst du deinen trüben verstimmten ausgeleierten Arsch dann weiß ich wieder daß ich dich nicht liebe wirklich daß ich dich einfach nicht liebe | Quand nous aurons bu pour nous vider la tête Pour passer d’une longue soirée d’été A une courte nuit torride Quand les oiseaux très tôt S’échappent à l’aube tamisée et s’envolent Vers un ciel fraichement tendu qui sonne et se pare de couleurs subtiles, quand, dans les airs, je m’étire amplement et solennellement dans les puissantes souvenances de ma toccata[B1] *. et quand toi, à mes côtés, tu remues ton corps, large caisse de résonance [B2] et quand tu te relèves encore assourdi et te diriges vers la porte et quand, dans les premières lueurs du jour, j’aperçois ton gros cul ton cul tu sais ton triste cul, usé et mal luné alors cela me revient et je sais que je ne t’aime pas vraiment que je ne t’aime tout simplement pas |
[B1]= Pièce instrumentale brillante écrite généralement pour un instrument à clavier (clavecin, orgue, piano) et dont la structure de forme libre, proche de l’improvisation, fait valoir la virtuosité de l’exécutant
[B2]Ton corps sonore – « mangeur de place » (ds la version de l’Adpa)
L’anthologie propose une traduction qui diverge donc en divers points :

Personnellement je pense que le traducteur n’a pas saisi toutes les nuances faisant allusion à la musique.
Je suis preneur d’autres idées, propositions, critiques, remarques…. !!

Je l’ai vu aussi ce tableau l’an dernier à Vienne. Impressionnant.
Tout comme l’est ce poème que je découvre et dont j’ignorais l’auteur, qui ménage son effet avant de nous clouer avec la franchise de ses mots crus.
Sur la traduction, je me garderai de donner mon sentiment, je laisse cela aux experts.
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Oui la salle avec les tableaux de E. Schiele est magnifique, avec des tableaux d’une beauté rugueuse enivrante. Chaque lecteur est « expert » et a/ aura son ressenti devant les mots comme chaque spectateur est « expert » devant une toile. By the way : Vu à 4 « EO » – 1 personne s’est ennuyé à mort, 3 ont (plus ou moins) appréciés. Personnellement j’y ai vu des emprunts à T. Malick… Quel culot de nous offrir en un film la comédie, le « thriller », le mélo…. Un jour plus tard j’ai vu « Chronique d’une liaison passagère » …. douche écossaise cinématographique – bavard contre quasi muet … Merci pour ton passage.
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Quelques emprunts à Malick, y compris dans la mystique du récit, en effet. La variété des rencontres et l’étrangeté de la proposition formelle peut décontenancé j’en conviens.
J’ai loupé le Mouret. Visiblement j’ai bien fait.
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Moi, je l’ai aimé. Il m’a évoqué Rohmer.
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Mouret est en général très rohmerien.
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Je n’ai pas dit que je ne l’ai pas aimé. Dans le rétroviseur je constate juste qu’il y a deux modes cinématographiques : un qui s’appuie sur les images, l’autre sur la mise en image de paroles presque W. Allen-esque…. Mise en scène élégante…. mais moins abouti que le dernier pour moi.
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Ouioui, je t’avais compris!
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Ah il n’est pas mal, mais moins bien que d’autres films de lui, à mon goût.
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C’est vrai qu’il s’agit toujours d’une variation sur les inconstances de l’amour. Vu le titre, c’est sa’s doute encore le cas. Jusqu’ici, il a toujours fait montre d’une touche et d’une sensibilité délicieuses.
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Le « cul mal luné » c’est bien trouvé. J’aime bien aussi la caisse de résonance.
Comme je ne connais quasiment rien en allemand j’aurais du mal à juger la version originale.
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Izarre, j’
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