Dernier livre des 10 candidats au Prix du Livre Inter 2022 :
Présentation de l’Editeur (Christian Bourgeois)
Nous sommes en France, à la fin des années 1990. Dans une ville de banlieue pavillonnaire, une adolescente regarde passer les trains qui filent vers Paris. Elle a des projets plein la tête : partir, devenir hôtesse de l’air et surtout, plus urgent, s’acheter des vêtements de marque.
Mais comment faire quand on n’a pas assez d’argent de poche et que la vie dont on rêvait se révèle être un champ de cactus ?
Car en attendant, sa famille vacille et ses repères sont chamboulés. En moins d’un an, sans renoncer à ses désirs, elle devra tout apprendre : comment classer ses émotions, tenir tête à ses copines, assumer des responsabilités trop grandes pour elle et vivre ses premières expériences sexuelles.
Si l’adolescence est une ligne de crête menant à l’âge adulte, l’attachante héroïne de Grande Couronne s’y tient en équilibriste, oscillant entre le trivial et le terrible. Mais elle a une arme : une vision au laser grâce à laquelle elle dresse un tableau de son époque et de ses émotions aussi drolatique qu’impitoyable.
Le lecteur est prévenu, tout le programme est bien indiqué dans la présentation par l’Editeur :
Vêtements de marque (un vrai catalogue – name/ brand dropping – du désir consumériste « Elle avait même changé de tenue. Elle portait une salopette en jean sur une marinière rouge et des baskets montants imitation Reebok qui venaient du marché d’Argenteuil. Je lui avais demandé pourquoi elle n’avait pas acheté les vraies et elle m’avait répondu, Les vraies quoi? Elle ne savait même pas qu’elle portait des contrefaçons. Pour elle c’était juste des chaussures. Elle se sentait bien dedans, que ce soit des Reebok, des Kibok ou des Pétaouchnok. Ces histoires de logo ne lui faisaient ni chaud ni froid. J’ai haussé les épaules, dépitée, à quarante-deux ans on ne refait pas l’éducation des gens » (p. 165/166), une famille qui se désintègre (père parti avec une nouvelle, la mère en plein descente de dépression…), expériences sexuelles (pipes tarifées dans le cadre d’un réseau – Magritte (!)- (pour s’acheter enfin de belles fringues, chaussures, sacs de marque, ou des pizzas: « La pizza m’a coûté vingt-quatre francs, c’était la moitié d’une pipe et plus d’une semaine d’argent de poche. (p. 139) !), masturbations (réussies et ratées) à la pelle, le trivial absolue d’une vie morne qui côtoie le plus terrible, le plus sordide… (la soirée « romantique » chez René (Renaud), rasta et gérant d’une pizzeria (+ vendeur de shit), avec une description de son appart’ « …. la vaisselle sale débordait de l’évier. Sur le bar il avait des laisses, des muselières (René élève des Dobermann …) et des piles de courrier. Des filtres de Marlboro jonchaient la table basse avec des cendriers, des briquets cassés…il m’a tendu un verre, un ancien pot de Nutella, l’étiquette était encore collé dessus.…. (p. 233/234) et en conclusion « … je me suis concentrée pour fixer le moment: le visage pâle de Renaud dans la vapeur du cannabis, le jappement des chiots repus, les cubes de lard sur ma langue, la lune au-dessus des voies ferrées. C’était ma première nuit d’amour, je voulais m’en souvenir à jamais. » (p 241) [pour info complémentaire – il n’avait pas un seul attouchement, ni un seul baiser : « … j’avais compris que notre intimité aurait l’animation d’un bled de l’Orne un soir d’hiver… il ne pratiquait pas le sexe oral: la fellation c’était humiliante pour la femme et le cunnilingus c’était haram chez les rastas (p. 249) » ].
Regard désabusé mais aigue et lucide sur notre société (regard pour moi toutefois trop « adulte » et avec un langage qui devrait être rare chez une fille de 14 ans, faisant un stage d’observation (chez le juge d’enfants du tribunal de Bobigny), aussi mure qu’elle soit….(ok, elle brille en rédaction à l’école, mais quand-même)…

La littérature française avait déjà un cas semblable avec le roman « insolent » de R. Queneau « Zazie dans le métro » et sa charge subversive.
Là le sordide, la médiocrité des existences se mêle d’un tragique qui prend parfois à la gorge dans ce roman « d’apprentissage » sombre du début du 21e siècle. C’est à des moments, au détour d’une phrase, émouvant, brute et crûe en même temps. Il y avait des moments ou il fallait avoir un cœur accroché face au glauque (c’est un bobo de 67 ans qui le dit et qui n’a jamais eu affaire avec le proxénétisme de mineurs ….et qui n’a jamais pensé que le BHV est le « paradis »).
Je sors donc un peu « mitigé » (ou est-ce secoué dans ma tour d’ivoire ?) de cette lecture (c’est un 1er roman) mais garde en tête quelques scènes, images, réflexions, énormités (tel que le « déguisement » en Anne Frank…, »Anne Frank, c’est cool. Ca change de Pretty Woman. »(p. 208) et les scènes traumatisants avec quelques clients – pardon avec les « zguègues« .
Je sens que les débats autour du Prix du Livre Inter 2022 seront très très animés.
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Aujourd’hui (dimanche 7 Mai, sans aucun débat avec mes chers amis (on n’a fait jusqu’ici qu’un seul rdv d’échange de livres..) mon hitparade (sommaire) est le suivant :
Pour le moment sans hiérarchiser – le Top 5 = Tous les 5 ont des qualités qui se défendent, tous ont des faiblesses ou au moins des caractéristiques qui peuvent être rejetées – aucun toutefois me convainc à 100% (genre 5*****) – « même pas » « Feu » qui est resté longtemps mon préféré (qu’est-ce que le psychanalyste joué par Philippe Dayan dans la série de ARTE « En Thérapie » me dirait ???). Le livre de Salomé Kiner offre la possibilité de lectures de passages à haute voix qui font mouche et accrochent. Ce qui est aussi le cas pour le livre de A. Wauters (et de « Feu » pardon).
Nathalie Azoulai – La fille parfaite (P.O.L)
Maria Pourchet – *Feu (*Fayard)
Tanguy Viel – *La Fille qu’on appelle (*Minuit)
Antoine Wauters – *Mahmoud ou la montée des eaux (*Verdier)
Salomé Kiner – *Grande Couronne (*Ed. Christian Bourgois)
(les livres suivants n’ont à mon avis pas bcp de chances)
Nicolas Mathieu – *Connemara (*Actes Sud)
Julia Deck – Monument national (Ed. de Minuit)
Philippe Jaenada – Au printemps des monstres (Ed. Mialet-Barrault)
Véronique Olmi – *Le Gosse (*Albin Michel)
Constance Debré – Nom (Flammarion)
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