Mon traitre

« Alors j’ai parlé de guerre propre. Je ne sais pourquoi. J’ai toujours eu ce mot aux lèvres en évoquant la lutte menée par les républicains irlandais. Guerre propre. Une guerre propre. Une guerre menée non pas au nom d’une religion comme les antipapistes d’en face, non pas au nom d’une domination, comme ceux d’en face encore, mais au nom de la liberté, de la démocratie, de l’égalité. Une guerre où l’ennemi est le soldat, pas le civil. Une guerre où lorsqu’on s’en prend à un lieu public, on laisse suffisamment de temps pour qu’il n’y ait aucune victime. Oui, une guerre où l’on se soucie des victimes »….(p. 154-155)

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C’était il y a un peu plus de 6 ans. J’avais lu d’un coup « Le quatrième mur » et « Retour à Killybegs » de Sorj Chalandon. En 2019, j’ai lu une « pochade » de Chalandon « Une joie féroce » et fermais en novembre l’année dernière le récit/roman « Enfant de salaud« .

Par un concours de circonstances et grâce à A. de notre Club de Lecture j’ai « rattrapé » la lecture de

roman (paru en 2008) qui raconte l’autre face de « Retour à Killybegs » (paru en 2011).

Présentation du roman chez Grasset :

Mon Traître est l’histoire d’Antoine, luthier parisien qui découvre l’Irlande des violons. Il ne sait rien du Nord. Peu lui importe. Ses héros sont archetiers, grands luthiers de légende. La guerre n’est pas encore passée par lui puis, un jour, elle s’impose. Antoine va devenir Tony, pour les gens de Belfast, parce qu’il les verra vivre et souffrir et se battre. Et qu’ils l’aimeront en retour comme un fils. Et puis il y a Tyrone Meehan. L’Irlande est sa bataille. Il boit, il chante, il vous enlace, il vous prend le bras pour parler en secret. Il est engagé à jamais, sans que jamais rien ne le trahisse. Il est l’insoupçonnable. Tyrone donc, l’ami d’Antoine, son frère, son traître à lui. Tyrone n’est pas Denis (le personnage réel qui a inspiré Tyrone). Leurs regards se ressemblent pourtant. Sorj Chalandon n’est pas Antoine, leur douleur est pourtant la même. Denis Donaldson a été exécuté le 4 avril 2006, alors que Sorj Chalandon écrivait l’histoire de Tyrone Meehan. Il a été tué par une arme de chasse, dans le petit cottage familial qui le cachait. Nous ne savons pas qui tenait le fusil. Personne n’a été accusé ce jour.

« Mon traitre » raconte (finalement) la même histoire que « Retour à Killybegs » mais en miroir. Du point de vue du « petit Luthier français » qui « part un peu naïvement » à la guerre en Irlande…. et qui doit apprendre que Tyron, vétéran admiré de la guerre contre les anglais, ami était également un traitre, « mon traitre ». On n’apprend presque rien sur les motivations de la trahison. Pour ça il faut lire « Retour à Killybegs » raconté du seul point de vue de Tyron (qui par ailleurs y ne laisse que peu de place au « luthier français »).

La première fois que j’ai vu mon traître, il m’a appris à pisser. C’était à Belfast, au Thomas Ashe, un club réservé aux anciens prisonniers républicains. J’étais près de la porte, à côté de la grande cheminée, assis à une table couverte de verres vides et de bouteilles mortes. C’était la place préférée de Jim et de Cathy O’Leary, qui m’ouvraient un lit quand je venais en Irlande du Nord. Jim O’Leary était un ami. Il avait fait de la prison pour transport d’armes. Il était menuisier mais catholique. Et donc chômeur, comme sa femme. Et il a été chômeur jusqu’à la fin. (Premières lignes du roman)

Belfast, la beauté de l’Irlande, la guerre, la violence, la résistance contre l’oppresseur…. dans une langue sèche, poignante, intense…. C’est réussi et (presque trop) court (216 p). Belle structure (le va-et-vient entre Paris et Belfast, des extraits d’interrogatoire de Tyron… – ce qui augmente la tension.

Je ne sais si c’était une bonne idée de lire les deux livres « à l’envers » mais ce qui est sur, les deux se complètent parfaitement, et je comprends que les deux romans ont servis de base pour une pièce de théâtre (Meirieu, Varraut).

Il m’a tendu la main. Une main de paysan, ou d’ouvrier, de labeur, de pauvre. Une main abîmée, creusée de temps, une main de terre et de brique. Il m’a demandé de tendre la mienne. De la poser à plat, paume en l’air, à côté de la sienne. Ma main de vernis, de colophane, de bois….

Ce qui est sûr par contre qu’il contient des passages qui résonnent (voir l’extrait en entrée) particulièrement fort à ce moment de la guerre (je préfère ce terme nettement à « opération spéciale ») entre la Russie et l’Ukraine.

A propos lorenztradfin

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Un commentaire pour Mon traitre

  1. Il manque à ma liste, j’ai lu retour à Killibegs et d’autres, j’aime cet auteur pour sa sincérité et la façon qu’il a de me toucher, à chaque fois, sans grandiloquence ni esbrouffe. . Je vais lire, un jour, mon ami le traître ( quel beau titre…)Merci pour ta chronique

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