Présentation de l’Editeur (Gallimard)
« Les mots français que j’entends ma mère prononcer le plus souvent sont cholestérol et contrariété. Je m’étonne qu’une femme ayant tant de mal à amadouer sa langue d’adoption puisse connaître deux termes selon moi si savants. Contrariété l’emporte de loin. Elle finit par se l’approprier comme s’il la débarrassait du devoir d’aller mieux, et qu’une fois prononcé, rien ne l’obligeait à développer, tout était dit, contrariété.
Les soirs où l’affrontement avec son mari devient inévitable, elle assène le mot ruine, en italien, c’est la note la plus aiguë de son lamento, la rouiiiina, dont le sens est sans équivoque : c’est l’émigration, le départ maudit, la faute originelle, la source de tous ses maux, la contrariété suprême. »
En 1954, la famille Benacquista quitte l’Italie pour s’installer en banlieue parisienne. Les parents, Cesare et Elena, connaîtront le sort des déracinés. Dans ce bouleversant récit des origines, leur petit dernier, Tonino, restitue avec fantaisie cette geste. Il raconte aussi les batailles qui ont jalonné sa conquête de la langue française.
Avec Porca miseria, Tonino Benacquista trace la lumineuse trajectoire d’un autodidacte que l’écriture a sauvé des affres du réel.
Tonino Benacquista dont certains livres ont été adaptés au cinéma (Les morsures de l’aube, Malavita) et qui a pas mal travaillé comme scénariste (« Place Vendôme » – N. Garcia; « Sur mes lèvres » (J. Audiard); « De battre mon cœur s’est arrêté » (J. Audiard) nous offre en petits chapitres (comme des nouvelles nées d’anecdotes de sa vie) une sorte d’autofiction douce-amère qui dans un premier temps semble se dérouler dans du terrain archi-connu (l’origine italienne – et donc racines italiennes – des parents; souvenirs, souvenirs, les amis du quartier, père alcoolique, mère « mélancolique » etc…) et qu’on déroule presque automatiquement tout en notant que, Tonio, le seul de la fratrie qui est né en France, ne revendiquera jamais une certaine « »italianité » que ses futurs confrères de plumes lui demandent sans cesse.
C’est avec « étonnement » que le lecteur (notamment quand il vit comme moi un peu entre deux cultures), qui sait à priori quand il ouvre le livre que Benacquista est devenu auteur et scénariste (et un excellent manipulateur de mots), apprend que les parents de Tonino B. ne parlaient presque pas le français et qu’il a eu du mal a lire des romans quand il était jeune. C’est à la « découverte » de ce fait que le chromo (auquel on s’attend mine de rien) prend des formes plus surprenantes. Ce garçon qui a du mal à lire (par ailleurs drôle de chapitre sur la lecture du 1er paragraphe de « La guerre du feu » (Rosny) sera « sauvé » à la lecture par Bradbury, Cyrano de Bergerac, Gotlib et surtout Maupassant (« Une vie »).
Ah si notre héros [il s’agit toujours de Cyrano] avait déboulé en personne dans Andromaque, il aurait ouvert les yeux d’Hermione sur les sentiments d’Oreste, il aurait rabattu le caquet de Pyrrhus en trois passes d’armes, il aurait délivré Andromaque de son deuil » !
Je rajouterai – en écho à ceci – que moi, à l’époque en France depuis 5 ans, j’étais scotché par ce roman de GdM (et ai lu ensuite les volumes de la Pléiade consacrés à Mots passants) et suis de plus un « fan » inconditionnel de Cyrano (et dois mes 1eres excursions dans le monde SF à Bradbury).

Lire c’est entrer dans une cathédrale. Ecrire c’est y mettre le feu. Lire c’est un patriarche qui vous veut du bien. Ecrire c’est une petite trainée qui n’en fait qu’à sa tête. Lire c’est l’excellence des autres. Ecrire, c’est l’insuffisance de soi.
Le remplacement de la réalité par les rêves et l’imagination est une grande force du jeune Tonino… et ses « anecdotes », « nouvelles », même son idée de rajouter une autre fin de vie à ses parents, en sont la preuve par trois. On comprend mieux comme ce rétif à la lecture à trouvé la voie par l’écriture.
Récit touchant, très bien écrit et incitant à la réflexion. Chacun peut y trouver un bout qui renvoie à sa propre enfance, la découverte de la lecture, du monde et des autres. Mais pour être honnête je n’étais pas vraiment touché, ni remué – tout en saluant lors de ma lecture (polie) quelques passages avec un grand sourire de bien-être ou une pointe de nostalgie.
C’est drôle, Maupassant m’a aussi ouvert des portes(après Zola, pourtant) et je suis passée par Bradbury et aussi Gotlib bien sûr!. La tragédie grecque, c’est le théâtre (Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque qui aime Hector qui est mort…)Mais toi, tu as dû commencer à lire en allemand, non?
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En effet…..
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