Sélection Livre Inter 2021 – Un jour ce sera vide

En voyant les méduses de la 1ere de couv’ je pensais à la Gorgone et aux monstres hybrides…. Je me suis fourvoyé.

Présentation de l’Editeur + 4e de couv’ (christian bourgeois éditeur)

C’est un été en Normandie. Le narrateur est encore dans cet état de l’enfance où tout se vit intensément, où l’on ne sait pas très bien qui l’on est ni où commence son corps, où une invasion de fourmis équivaut à la déclaration d’une guerre qu’il faudra mener de toutes ses forces. Un jour, il rencontre un autre garçon sur la plage, Baptiste. Se noue entre eux une amitié d’autant plus forte qu’elle se fonde sur un déséquilibre : la famille de Baptiste est l’image d’un bonheur que le narrateur cherche partout, mais qui se refuse à lui.
Flanqué d’une grand-mère à l’accent prononcé, et d’une tante « monstrueuse », notre narrateur rêve, imagine, se raconte des histoires, tente de surpasser la honte sociale et familiale qui le saisit face à son nouvel ami. Il entre dans une zone trouble où le sentiment d’appartenance est ambigu : vers où va, finalement, sa loyauté ?
Écrit dans une langue ciselée et très sensible, Un jour ce sera vide est un roman fait de silences et de scènes lumineuses qu’on quitte avec la mélancolie des fins de vacances. L’auteur y explore les méandres des sentiments et le poids des traumatismes de l’Histoire.

Roman sur l’enfance, ou plutôt une enfance, narrée en apparence par un garçon d’une petite dizaine d’année, en mode « je », mais en langage d’adulte. Ce qui m’a au début perturbé – niveau de langue trop choisi, trop instruit. j’ai donc supposé avec le temps, que l’adulte qu’il est devenu regarde dans le rétroviseur et donne des mots (parfois des formules estupendo) aux émotions ressenties dans l’enfance tout en laissant pleins de non-dits.

Le garçon narrateur passe l’été auprès de sa grand-mère et s’ennuie, observe d’autres familles qui vont à la plage, ne joue avec personne : Rien ne m’est plus étranger qu’un garçon de mon âge. »

Tout va changer avec la rencontre avec Baptiste avec lequel il va d’abord mettre à mort des méduses échoués sur la plage… combattre l’ennui et découvrir une autre « famille » idéale/idéalisée.

« Les méduses sont les cerveaux des naufragés, les méduses communiquent entre elles et j’en ai tué tant que les entends désormais hurler dans l’écume. J’ai libéré leurs âmes en trifouillant leurs méninges de la pointe de mon bâton. […] je voudrais me purifier dans la mer pour tout oublier, mais tout seul je ne sais pas. Je n’ai pas cette légèreté qui permet aux autres enfants de se défaire de leur vêtements d’un geste et de courir dans les vagues tendant les bras comme pour des retrouvailles. » (p. 50)

C’est par ailleurs sur cette page 50, il y avait, comme en écho « un comptage de pas » qui rassure le garçon et joue (déjà?) un rôle énorme dans « L’enfant lézard » : »Il n’y a pas longtemps pourtant, je comptais les pas qui me séparaient de la plage, c’est-à-dire de Baptiste. J’étais à soixante -quinze enjambées de la vie.  »

« À demain. » Me voilà l’heureux destinataire d’un rendez-vous. Pour la première fois depuis mon arrivée, j’ai quelque chose à faire. Un projet. Une foule de questions aussi. Est-ce qu’il a voulu me dire demain à la même heure ? Est-ce qu’il a dit « demain » comme il aurait dit « à bientôt » ? Voulait-il dire qu’on allait rejouer ensemble ou seulement se saluer d’un signe de tête ? Est-ce lui qui va venir me chercher ? Faut-il attendre au même endroit ? Que va-t-on faire ensemble ? Cette rencontre a-t-elle vraiment eu lieu ? (p. 16/17)

Le roman se décompose en 3 parties (Baptiste, Les monstres, les mondes engloutis).

Chaque « partie » comporte un nombre inégal de petits chapitres aux titres simples et évocateurs –  » Les Méduses », « La Mouche », « Le Baptême » ou « Les Fourmis », « Le baiser, Pipi au lit…etc … dans lesquels le narrateur, dans une langue délicate et pleines d’images, présente les émois, les sensations les plus infimes, les questionnements et les rêves qu’un garçon de cet âge peut avoir: « une odeur âcre de tilleul et de chicorée. Une odeur que je n’ai jamais sentie ailleurs et qui sera désormais et pour l’éternité l’odeur d’ici, de l’ennui et de mes dix ans. »

L’histoire du garçon, de sa famille (sa grand-mère, une tante) se dévoile par tous petits bouts tout en laissant toujours une part d’ombre.

 » Maman dit que vous êtes juisse », dit-il après un long silence., comme s’il s’agissait de dissiper un malentendu et qu’il avait attendu d’être sûr que nous soyons seuls pour en parler. Je redoutais ce moment depuis notre deuxième rencontre, quand il s’était retourné sur le phrasé coupant de ma grand-mère. Il fallait bien trouver une explication à la présence de ce petit garçon à la peau pâle et aux cheveux frisés, seul avec une vieille dame qui roulait les r sur une plage de Normandie. D’autant plus qu’elle avait cru bien faire en offrant à sa famille un bol de foie haché en l’honneur de notre amitié naissante. (…) j’étais sceptique quant au choix du présent : un mélange d’œuf dur, d’oignon, d’ail et de foie de volaille grossièrement coupés formant une pâtée marron à l’odeur âcre. J’aimais le foie haché comme j’adorais ma grand-mère : dans l’intimité du foyer. Offerts à la vue de tous, l’un et l’autre m’embarrassaient terriblement. »

Ah cette maman de Baptiste.

La description qui est fait d’elle m’a rappelé la mère d’un élève en 6e (« Sexta » en Allemagne). Moi, fils d’un manutentionnaire, lui fils d’un médecin. La mère était à mes yeux toujours habillée comme dans les illustrés, toujours impeccable, bcp plus aimant avec mon copain que ma mère avec moi. Hugo Lindenberg arrive très bien à mettre en mots cette admiration pour un mirage (on n’est jamais qu’un observateur de l’extérieur)

La construction du roman par une ronde de « moments » (étirés et/ou décrites de manière très détaillée/précises) permet au lecteur à se mettre dans un carrousel d’émotions (qui passent de la jalousie à l’angoisse en faisant le détour par l’ennui et/ou le désir, avec un zeste de cruauté (la « tante » bien névrosée/dépressive, sa grand-mère juive-polonaise).

Et ce qui étonne particulièrement dans ce premier roman c’est que malgré la précision et sensibilité énorme du garçon narrateur, il y a et il restent des non-dits (chapeau l’artiste !) que nous devons remplir nous-mêmes.

La Haye (2018)

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5 commentaires pour Sélection Livre Inter 2021 – Un jour ce sera vide

  1. C’est bizarre, tentant et repoussant à la fois, comme « l’enfant lézard » qui a produit cet effet sur moi
    ( et un autre chez Zoe, Martha et Arthur )

    Aimé par 1 personne

  2. Là je ne sais pas. Je ne pense pas que cette histoire soit pour moi.

    Aimé par 1 personne

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