Lucertola – L’enfant lézard – Das Eidechsenkind

Livre lu dans le cadre du Prix Caillé 2021 – L’Editeur Zoe à soumis la traduction de Benjamin Pécoud pour l’Edition 2021, il concourt donc avec une bonne dizaine d’autres livres. La short-list du prix sera annoncée avant les vacances d’été.

Je ne parlerai ici pas de la qualité de la traduction et ne parlerai que de mon ressenti de lecteur (franco-allemand). Toute opinion ne sera que la mienne et en aucun cas celle du jury dans son ensemble.

Présentation de l’Editeur :

Dans le pays d’accueil, il est d’abord un enfant qui n’a pas le droit d’être. Il vit caché sous le buffet, dans l’armoire ou au fond du cagibi. Les heures passent, les jours, les mois, l’enfant se métamorphose progressivement en lézard et se faufile dans la cage d’escalier. Bientôt il se glisse dans les appartements et le petit immeuble décati se mue en une galerie de portraits : il y a le couple de concierges, leur caniche noir et le Padrone qui d’une voix tonitruante impose sa loi ; mais aussi le vieux professeur, la violoniste qui perd doucement la tête, le gros Carlos. Et Emmy, bien sûr, la jeune voisine complice, qui finit par se sentir à l’étroit dans l’imaginaire de l’enfant lézard.

« L’enfant lézard » est un texte de fiction….. qui par certains aspects rappelle « Kaspar Hauser », de manière limitrophe d’une situation – toutes proportions gardées – vécu par Anne Frank ou si on élargit le focus aux habitants de l’immeuble dans lequel l’enfant lézard doit se cacher à ‘L’immeuble Yacoubian (de Alaa al-Aswany). Certains aspects font penser aussi à Claustria (l’affaire Fritz)

Nous sommes dans les années 1960 et 1970. Vincenzo Todisco parle d’une famille italienne de « travailleurs (saisonniers) immigrés » (« Gastarbeiter »). Et nous sommes en Suisse (cependant pays pas nommé directement, seul quelques « indices » nous guident : les bonbons « Sugus » et un professore qui parle le suisse allemand (Schwyzerdütsch). A l’époque les travailleurs immigrés (Max Frisch disait d’eux : « Nous avons appelé des forces de travail, ce sont des hommes qui sont venus« ) venaient sans avoir le droit de faire venir leur famille. Leurs épouses ne pouvaient les rejoindre que si elles travaillaient également à plein temps dans les usines p.ex. Leurs enfants n’étaient pas autorisés. Au cours des quatre premières années, le pays d’accueil ne leur permettait pas à travailler en Suisse plus de neuf mois par an (il fallait donc revenir dans le pays d’origine – période non payé bien entendu…). Ensuite ils ont pu rester toute l’année. Les immigrés qui ne souhaitaient pas placer leurs enfants chez des proches ou les confier à un foyer prenaient souvent les enfants avec eux (en les cachant !). Et vous vous imaginez bien que l’œil vigilant des concierges, de la police et leurs contrôles inopinés, les dénonciations faciles pesant tous les jours sur la famille le risque d’être expulsée….

L’enfant lézard, qui auparavant était resté chez sa Nonna Assunta, va, une fois arrivé en Suisse, devoir vivre caché (et cela jusqu’à son adolescence….). Le choix de Todisco est de ne pas lui donner un nom. L’enfant n’existe pas, rase littéralement les murs, doit se cacher dès que quelqu’un frappe à la porte, n’a pas le droit de s’aventurer dans l’escalier, d’être vu, et ne parlons pas de l’extérieur.

Avec les années (les parents qui ont l’idée de construire dans leur pays d’origine une maison et d’y revenir « plus riche »…) l’enfant lézard va explorer l’immeuble, passant de cachette en cachette. Va s’introduire peu à peu dans les appartements des autres occupants, va faire la connaissance d’un professore (qui lui prêtera des livres), d’une femme qui joue au violon, d’une jeune fille, les enfants des autres familles….

Une bonne idée de Vincenzo Todisco est d’avoir fait de cet être caché un observateur parfait, avec une acuité qui devient encore plus grande par la sècheresse, la précision, la courtitude des phrases.

V. Todisco dit dans des entretiens que c’est son premier livre écrit en allemand (il avait écrit 4 en italien auparavant). et fait la différence entre la langue de tête (l’Allemand) et la langue des tripes/du ventre (l’Italien) (Kopf- und Bauchsprache). Son allemand est parfait – et d’une précision qui fait mal et rend triste, et surtout, ce qui est assez étonnant, elle nous permet quasiment physiquement ressentir l’enfermement (et les évasions) du garçon qui sait se faire lézard.

Le Français a le même effet.

Par ailleurs, le livre résonne également avec notre époque (je pense aux tentatives de réduire l’immigration – en Suisse et ailleurs), les enfants seuls dans les rues de Paris et ailleurs. Et souligne (d’une certaine manière que les rêves, la littérature (de la BD aux « vrais » livres et la musique sont des moyens de nous élever et de laisser derrière nous (ne serait-ce que pour un moment) la solitude.

Un très beau roman qui vaut le détour.

Lien vers le blog de la lectriceencampagne qui en parle aussi en de bons termes – sa conclusio :

Il faut se préparer un peu pour cette lecture qui peut affecter le moral, en ces temps qui (re) confinent. On y ressent une solitude intense et inquiétante. C’est donc un très bon livre, remarquable par sa capacité à nous faire éprouver ce qu’il diffuse, et c’est en cela que sa lecture n’est pas aisée. Mais c’est vraiment un sujet qui reste d’actualité, sur la séparation, la privation de liberté et les liens humains qui nous sont si nécessaires pour le rester nous, des êtres humains.

https://lectriceencampagne.com/2020/10/15/lenfant-lezard-vincenzo-todiscoeditions-zoe-traduit-par-benjamin-pecoud/

A propos lorenztradfin

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7 commentaires pour Lucertola – L’enfant lézard – Das Eidechsenkind

  1. Lu et chroniqué, un livre et un personnage si étranges qu’ils mettent mal à l’aise, mais c’est réussi côté effet sur la lectrice. Zoé est une très belle maison d’édition, je trouve

    J’aime

    • lorenztradfin dit :

      ah, j’ai oublié que tu en a parlé. Je vais mettre un lien…..
      et en relisant ton texte – bien que tu a souligné que c’est son 1er en allemand. « langue de cœur » pour l’italien est une belle idée et touche parfaitement le sens, mais pour info : en allemand il parle de « Bauchsprache » celle du « ventre » « des entrailles » et non de « Herzsprache » – ce qui est intéressant.

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  3. Il me plaît bien,le pitch de ce roman -là ! Et tu en fais un coup de cœur en plus.

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