
Un article de Pamolico et un autre de Nyctalopes m’ont donné envie de renifler cet auteur dont je n’ai encore jamais rien lu.
Eh ben, j’ai dû m’accrocher tant c’est noir, noir, j’avais peur au fil de la lecture que je devenais de plus en plus atrabilaire. C’est fort mais ce n’était pas ce dont j’avais besoin dans ces temps de « fatigue pandémique« .
Présentation de l’Editeur (Payot-Rivages)
Louise a une trentaine d’années. Après la mort accidentelle de ses parents, elle a dérivé dans la drogue et l’alcool. Aujourd’hui elle vit seule avec son fils Sam, âgé de 8 ans, sa seule lumière. Elle est harcelée par son ancien compagnon qui, un jour, la brutalise au point de la laisser pour morte. L’enquête est confiée au groupe dirigé par le commandant Jourdan, qui ne reste pas insensible à Louise.
Parallèlement un tueur de femmes sévit, pulsionnel et imprévisible, profondément perturbé. Au coeur de ces ténèbres et de ces deux histoires, Jourdan, un flic, un homme triste et taiseux, qui tente de retrouver goût à la vie…

Atmosphère, atmosphère – on dirait que c’est surtout cela qui intéresse H. Le Corre – créer un tableau sombre et poisseux dans ou devant lequel se débattent les personnages clés (et ceux qui n’apparaitront que furtivement souvent en mode cadavérique) : Jourdan, le policier qui n’en peut plus de la violence et noirceur qui règne le monde actuel (il lutte avec une colère grandissante), sa femme en train de le quitter, sa fille s’éloignant de lui (puisque le boulot le rend mutique);
Louise qui subit les violences de son ex; Christian qui porte son « sac à dos » pesant (merci maman incestueuse pour m’avoir rendu maboule, la guerre au Tchad ne m’a pas aidé non plus…), des maris qui tuent femmes et enfants….drogue, prostitution …
318 pages dans une langue à phrases souvent courtes, parfois sans verbe, sèche, coupante comme le couteau du petit Sam…et des portraits brossés rapidement et avec acuité… Ah non, elles ne sont pas toujours courtes ou claquantes …
« Il ne criait pas. C’est à peine s’il avait haussé le ton. mais il parlait en découpant chaque syllabe avec les couteaux qu’il devait avoir dans la gueule à ce moment-là, et chaque syllabe partait comme une gifle. Il avait croisé les bras, appuyé sur le bureau penché en avant. Un sourire méprisant s’étirait sur sa figure en un masque sur le point de se déchirer pour révéler quelque monstre écorché.
Jourdan ne le quittait pas des yeux, soutenait son regard gris-bleu qui l’avait fait surnommer Bel-Œil, le regardait se raidir dans son costume coûteux à fines rayures, sa chemise violette, le col serré par une cravate bouton d’or, repoussant en arrières ses cheveux argentés, il attendait que ce clown à dégaine de barbeau, qui avait grenouillé aux Mœurs à Lille pendant près de dix ans, conclue sa diatribe d’imprécations menaçantes, sanctions, mutation, rapport, conseil de discipline, puis se taise et le congédie pour qu’enfin il puisse sortir sous la pluie et fumer une putain de cigarette en les envoyant tous se faire mettre. (p. 77)
Il y a aussi des références littéraires qui vont bien avec l’ambiance (Les fleurs du mal – Baudelaire p. 40/41)
Ange plein de gaieté, connaissez-vous l’angoisse,
La honte, les remords, les sanglots, les ennuis,
Et les vagues terreurs de ces affreuses nuits
Qui compriment le coeur comme un papier qu’on froisse ?
Ange plein de gaieté, connaissez-vous l’angoisse ?
Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine,
Les poings crispés dans l’ombre et les larmes de fiel,
Quand la Vengeance bat son infernal rappel,
Et de nos facultés se fait le capitaine ?
Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine ?
Une petite lumière d’espérance (d’où mon « outrenoir » de Soulages) donnera à un moment une bouffée d’oxygène au lecteur, mais sera rapidement étouffée, bâillonnée…
« Il vide son verre. Il aimerait se rasseoir et rester là en face de cette femme et parler avec elle. Il aime sa voix un peu éraillée. Comme si quelque chose s’y était brisé, il y a longtemps. Un voile, comme une élégance tragique posée sur tout ce qu’elle dit, même quand la rage et le chagrin la font déparler. Il faut partir. Il répète qu’il dit y aller, qu’il a encore du travail. (p. 227)
Franchement, ce n’est pas l’intrigue qui est au centre mais bien la « peinture d’un monde à la dérive, face à un abîme ».
J’ai aimé le roman mais il m’a rendu triste – ce qui montre bien la force du tissage de mots/maux proposé par Le Corre.
Nyctalopes : Le Corre, mieux que tout autre, écrit, décrit la souffrance avec toutefois cette pudeur préférant la grandeur du propos à la démonstration de la déchéance et de la bestialité. Pourtant ce roman est très dur, malgré une plume qui se préfère parfois très discrète, c’est noir, ça pue la peur, le désespoir, la folie et la mort.
J’en suis à un peu plus de la moitié, je ne te lis pas, comme je n’ai pas lu Nyctalopes, mais quel écrivain, quelle noirceur, quelle atmosphère. La suite quand je serai arrivée à en parler ! bises camarade
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Désolée de ne pas avoir plus insisté sur la nuit traversée… c’est vrai que ce n’est pas un roman qui est à lire pour prendre une dose d’optimisme ! C’est sombre, très sombre, mais écrit au cordeau, ce qui est rare dans les polars (à mon sens) : cela m’a surprise et donné envie d’en parler de cette manière. Ravie de t’avoir incité à le découvrir en tout cas.
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J’ai lu « Tango parano » plutôt marrant et surtout « Dans l’ombre du brasier », formidable roman dans le cadre de la Commune. Je crois que je vais laisser de côté ce Traverser la nuit car je sors d’un roman parfaitement déprimant et que je n’aime pas trop ça. Bon dimanche !
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Je pense que j’y reviendrai vers cet auteur;;;mais pas dans les temps qui courent….(et entre nous, j’ai préféré ce dimanche (et ce Lundi aussi) faire de la luge avec mes petits enfants….!
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Dis donc, y a de la joie dans ce canevas sordide signé Le Corre ! J’aime assez cette écriture échevelée, qui ne compte pas ses mots/maux. Pas sûr que ce soit mon humeur du moment néanmoins.
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en effet, bien écrit….mais ça pèse, et moi aussi j’ai davantage besoin de romans qui donnent de l’oxygène.
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