Lumière d’été, puis vient la nuit

Présentation de l’Editeur ((Grasset)

Dans un petit village des fjords de l’ouest, les étés sont courts. Les habitants se croisent au bureau de poste, à la coopérative agricole, lors des bals. Chacun essaie de bien vivre, certains essaient même de bien mourir. Même s’il n’y a ni église ni cimetière dans la commune, la vie avance, le temps réclame son dû.
Pourtant, ce quotidien si ordonné se dérègle parfois  : le retour d’un ancien amant qu’on croyait parti pour toujours, l’attraction des astres ou des oiseaux, une petite robe en velours sombre, ou un chignon de cheveux roux. Pour certains, c’est une rencontre fortuite sur la lande, pour d’autres le sentiment que les ombres ont vaincu – il suffit de peu pour faire basculer un destin. Et parfois même, ce sont les fantômes qui s’en mêlent…
En huit chapitres, Jón Kalman Stefánsson se fait le chroniqueur de cette communauté dont les héros se nomment Davíð, Sólrún, Jónas, Ágústa, Elísabet ou Kristín, et plonge dans le secret de leurs âmes. Une ronde de désirs et de rêves, une comédie humaine à l’islandaise, et si universelle en même temps. Lumière d’été, puis vient la nuit charme, émeut, bouleverse.

Un livre sur tout et rien – la vie quoi ! – qui nous vient du Nôôôrd et avec bcp de retard – le roman avait reçu en 2004 (!!) le Goncourt islandais.

Le ton laconiquement poétique de Stefánsson, son pouvoir d’observation précis et d’une acuité étonnante, rend parfaitement passionnante cette lecture, qui est un vrai ravissement (dans le sens aussi de nous enlever de la grisaille du mois de décembre, de notre environnement covidien).

Ma chère amie Simone en a parlé farpaitement (ici)

Très très beau livre, réjouissant, drôle, tendre, intelligent et que les accidents n’épargne pas non plus, dans lequel on sent une grande tendresse de l’auteur pour ses personnages. Un magnifique séjour dans ce village islandais, avec des femmes et des hommes qu’au final on aime tous. J’ai eu la sensation à cette lecture – et en revenant dessus pour écrire – que mon cœur battait plus vite, plus fort…Vraiment un livre qui fait du bien, un hymne à l’amour joyeux, une ode à l’amitié et à la vie, une invitation, une incitation à vivre de toute urgence et une foule de questionnements

et a souligné le mariage souriant de la philosophie, de la description d’un village, des amours et désamours de ses habitants, de l’ennui dans les paysages somptueux de l’Islande.

C’est parfois triste ET réconfortant, charnel aussi …

Quand je pense à Elisabet qui accueille Matthias – qui revient après 6 années de voyages dans le Monde pour fuir le trou qu’est le village (et pas que) avec ses mots – je souris encore:

« …c’est une bonne chose que tu sois revenu, j’ai grand besoin d’un amant et si tu n’as pas perdu la man, j’ai bien des raisons de me réjouir » (p. 196) pour rajouter plus tard (la conversation est drôlement exquises)  » « Tu sais, j’ai un peignoir de soie rouge très léger et suffisamment transparent, il dévoile tout autant qu’il voile, ce qui laisse la place à l’imagination, je ne porterai rien d’autre. » (p. 214)

C’est exactement ça qui rend le livre si réjouissant : il passe de l’ombre à la lumière, décrit parfois avec moultes détails un vêtement, des regards pour ensuite nous laisser « en plan » par une ellipse, une ambiance suggérée…

Personnages excentriques, des paysans, des personnes comme toi et moi, des femmes étonnantes …. tous composent ce tableau de l’Humanité, et interrogent, mine de rien, sur le sens, le pourquoi, le comment de la vie, de notre vie (et du Monde dans lequel l’Islande n’est qu’un petit îlot ….

Eric Boury rend justice à Jon Kalman Steffanson – trouve les mots qu’il faut, restitue la mélancolie joyeuse, les infidélités des uns, la solitude et les frustrations des autres…

Stefansson glisse dans son roman, récit à plusieurs voix (avec un « nous collectif  » aussi), des réflexions sur l’écriture, sur la vieillesse qui fait des grands pas…. comme chez Finnur qui veut écrire ses Mémoires…. Ses premiers mots sont « J’avais trente et un ans » …

« Il regardait ce qu’il avait écrit, ce bout de phrase ressemblait à un nuage de pluie au sommet de la feuille, un nuage lourd de souvenirs, lourd de trente-sept années, ce qu’est une vie d’homme, pensait Finnur….(…)… La lune grossissait et mincissait. Le clair de lune est blanc et parfois transparent, il fait naître des pensées, des sentiments que nous peinons à maitriser, certains tirent les doubles rideaux pour ne pas perdre la raison, à d’autres il pousse des ailes. Aucun mot ne pleuvait du nuage qui se desséchait peu à peu au sommet de la feuille, le soleil entrait par la fenêtre, l’encre palissait, ce qu’est la vie d’un homme. » (p. 80)

Vous vous imaginez aisément qu’avec mes 66 ans que je débute ces jours-ci et avec mon amour pour des textes sensuels bien écrits (traduits), je ne peux que me réjouir d’avoir pu lire une prose de ce type. Un cadeau d’avant Noël.

« ….ils s’entendaient bien. Hélas, l’être humain est comme il est, précisions avant de poursuivre que Kjartan était très amoureux de sa femme; il l’appelait son Soleil, son Bouton d’Or, sa Lumière, son Ciel, et le poète dit vrai, l’amour est la plus puissante des forces élémentaires, c’est l’énergie qui fait tourner la roue de la vie et nous empêche de sombrer tête la première dans une grisaille vide de sens. Or, bien que l’amour soit capable de tout transformer, de déplacer des pays et de tisser des liens entre deux existences, il n’a aucun pouvoir sur les choses aussi triviales que la chair et les désirs. La femme voisine de Samstadir, celle de Kjartan et d’Asdis, s’appelle Valpufa, c’est là que vivent Kristin avec son mari, leurs deux enfants et sa belle-mère. « (p. 138)

Je cite ce paragraphe puisqu’il inaugure le récit d’un adultère magnifique mais aussi parce qu’il contient le seul « truc » qui est parfois un peu « difficile » pour le lecteur franco-allemand que je suis : ce sont les noms propres islandais qui ont parfois un peu de mal à glisser doucement dans ma vieille tête…. mais ça fait partie de l’exotisme polaire.

Je recommande absolument !

A propos lorenztradfin

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9 commentaires pour Lumière d’été, puis vient la nuit

  1. n’est-ce pas que ce livre est extraordinaire? Merci du partage, camarade !

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  2. Il se passe un truc en Islande au niveau littéraire je veux dire : j’ai adoré son Asta et je suis super fan de Audur Ava Olafsdottir. Il y a une douce folie, une maîtrise du récit, quelque chose qui nous évade chez certains auteurs islandais.

    Aimé par 1 personne

  3. lorenztradfin dit :

    douce folie – bine vue,; s’est cocasse tout en étant profondément humain et touchant – et en effet ça nous permet de nous évader complètement sans nous perdre….

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  4. princecranoir dit :

    Ah, l’Islande… un micro-continent de littérature aux paysages inspirants. Nous voilà donc face à un bon guide. Tu as l’art de savoir dénicher les meilleurs. 😉

    Aimé par 1 personne

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