
Présentation de l’Editeur (Folio – 4e de couv’)
Au cœur du Cantal, dans la chaleur de l’été 1914, les hommes se résignent à partir se battre, là-bas, loin. Joseph, tout juste quinze ans, doit prendre soin de la ferme familiale avec sa mère, sa grand-mère et Léonard, vieux voisin devenu son ami. Dans la propriété d’à côté, Valette, tenu éloigné de la guerre en raison d’une main atrophiée, ressasse ses rancunes et sa rage. Et voilà qu’il doit recueillir la femme de son frère, Hélène, et sa fille, Anna, venues se réfugier chez lui. L’arrivée des deux femmes va finir de bouleverser un ordre jusque-là immuable et réveiller les passions enfouies.
Des hommes absents à la guerre, 3 femmes, dont une de la ville, donc point faite pour la vie d’une agricultrice (« Je fais ce que je peux. Faudra faire plus. Ici, ce que tu peux, ça suffira pas« ), un vieux, un adolescent et une adolescente, un âne, ainsi qu’un homme méchant (pervers et inquiétant) à la main atrophiée, le père Valette qui n’a pas pu aller à la guerre (« pour prouver sa valeur »).
Entre roman noir, chronique paysanne et récit d’un garçon qui doit vêtir les habits d’un adulte pour remplacer le père au front….Et qui va découvrir l’amour dans un monde dans lequel la Nature est un acteur omniprésent.
« Plus loin, un loriot chantait, invisible. Un autre lui répondait, tout aussi invisible. Toutes ces vies simples, aux fonctions si évidentes, donnaient en temps normal la sensation à Joseph d’être l’envers d’un homme, une forme directement reliée à la nature et, maintenant que son père était parti, elles ne lui apparaissaient plus comme telles, et il prenait conscience qu’il allait devoir apprivoiser différemment l’univers amputé de la part tendre de l’enfance. Devenir un homme avant l’âge d’homme. »

Une formidable tragédie ancrée dans les paysages du Cantal, qui prend son temps au début et n’est pas avare en rebondissements, en tension et – une sorte de trop-plein de malheurs, qui sont toujours annoncés, par petits bouts ou par des métaphores de la nature.
La lune y est souvent ….
« La lune ressemblait à une assiette en porcelaine blanche trônant sur une nappe noire pleine de trous« . ou aussi « La lune piaffait derrière les nuages filandreux, nimbant la nuit d’une intense lumière irisée…«

Ce que j’ai aimé particulièrement, à part le fait que l’intrigue est conçu comme un véritable « page-turner », c’est que le tissu narratif lie parfaitement les différents personnages dans un contexte historique bien précis (et reconnaissable) et que leur entrelacement rend difficile de s’imaginer « couper » un personnage, chacun a sa place, devient soit deus-ex-machina, soit simple pion, dans un monde cruel trop grand et complexe. Chacun aura ses raisons d’agir de tel ou telle manière et tout se tient, comme dans du granit. Ou du bois sec.
« Irène ouvrit la porte, et un vent glacé s’engouffra dans la remise. Elle sortit en laissant la porte ouverte. Valette la regarda s’éloigner, et un sourire étira son visage, comme une large encoche dans du bois sec«
Je disais un peu plus tôt qu’il y a une sorte de « trop-pleine » – c’est à mon avis une marque de fabrique de F. Bouysse : Il noircit ses pages souvent avec un zeste à la limite de l’abjection distillé pour dessiner ses personnages ou événements (un petit haut le cœur quand le père Valette, sexuellement frustré, se satisfait avec une vache, la description de l’accouchement de sa femme, ou aussi lors de l’égorgement d’un cochon…. – mais c’est que je n’ai pas grandi ni dans la rudesse du Cantal…. et cela m’a juste rappelé mon évanouissement lors de la 1ere visite d’un abattoir (j’étais interprète d’un groupe d’agriculteurs allemands) ….

« Les roulements du tonnerre devinrent de plus en plus distincts, faisant comme des mots se carambolant dans une même phrase dénuée de ponctuation, répétée à l’infini ».
C’est le 3e roman édité par Franck Bouysse (dont un nouveau roman fait partie des romans de la rentrée 2020 (« Buveurs de vent« )) – et pour moi, après 5 livres lus de lui le 2e préféré (après « Né d’aucune femme« )
Celui-ci sur fond de Grande Guerre m’intrigue. Les extraits, la description que tu en fais me montre le chemin vers ce Cantal d’antan, pays perché, austère et rugueux mais sans doute fascinant.
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J’aime beaucoup la sculpture aux pieds d’argile et d’éléphant.
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