Le Ghetto intérieur

Ghetto intérieur

Ahh, ces liens invisibles qui mènent de mon tour au mahJ à ce roman qui n’a rien, mais absolument rien à voir avec le dernier que j’ai lu de cet auteur (à savoir le roman « clé » sur sa rupture d’avec J. Gayet…:  https://lorenztradfin.wordpress.com/2014/03/04/des-jours-que-je-nai-pas-oublies/)

On retrouve certes le ressassement qu’aime pratiquer l’auteur mais là on est sur un autre niveau /sujet : donc point de « comment parler de l’amour pour une femme qui est en train de choisir un autre » mais plutôt un « comment évoquer la Shoah « autrement » ? et tenter de répondre à la question:  « Qu’est-ce qu’être juif? »

Présentation de l’Editeur /4e de couv – P.O.L.

Buenos-Aires, 1940. Des amis juifs, exilés, se retrouvent au café. Une question : que se passe-t-il dans cette Europe qu’ils ont fuie en bateau quelques années plus tôt ? Difficile d’interpréter les rares nouvelles. Vicente Rosenberg est l’un d’entre eux, il a épousé Rosita en Argentine. Ils auront trois enfants. Mais Vicente pense surtout à sa mère qui est restée en Pologne, à Varsovie. Que devient-elle ? Elle lui écrit une dizaine de lettres auxquelles il ne répond pas toujours. Dans l’une d’elles, il peut lire : « Tu as peut-être entendu parler du grand mur que les Allemands ont construit. Heureusement la rue Sienna est restée à l’intérieur, ce qui est une chance, car sinon on aurait été obligés de déménager. » Ce sera le ghetto de Varsovie. Elle mourra déportée dans le camp de Treblinka II. C’était l’arrière-grand-mère de l’auteur.

Santiago H. Amigorena raconte le « ghetto intérieur » de l’exil. La vie mélancolique d’un homme qui s’invente une vie à l’étranger, tout en devinant puis comprenant la destruction de sa famille en cours, et de millions de personnes. Vicente et Rosita étaient les grands-parents de l’auteur qui écrit aujourd’hui : « Il y a vingt-cinq ans, j’ai commencé un livre pour combattre le silence qui m’étouffe depuis que je suis né ». Ce roman est l’histoire de l’origine de ce silence.

Vicente - grand père de Santiago Amigorena

Tout et rien est dit dans cette 4e de couv’. Le tout = le silence auquel Vicente se condamnera lui-même un jour (après la lecture de la dernière lettre de sa mère) et c’est avec retenue, une pudeur certaine, de l’émotion aussi qu’Amigorena met les mots sur ce qui incite Vicente à garder le silence.

« Vicente avait l’impression que sa tête allait exploser. Les mots se précipitaient les uns contre les autres, et si parfois ils composaient des phrases qu’il arrivait à comprendre, des pensées qu’il arrivait à suivre, le plus souvent ils se battaient et tombaient défaits sur le trottoir, formant de petites tâches sombres comme des cafards qui se mêlaient aux déjections claires ou verdâtres des pigeons. » (p. 91/92)

Amigorena joue habilement avec ce que nous savons de cette grande entreprise des nazis pour éliminer/ faire disparaître  les juifs, ce qu’on aurait dû savoir déjà en 1941/42 (il cite qqs articles de journaux – reçus par Vicente dans son exil en Amérique du Sud – parfois avec des semaines/mois de retard) dans une époque ou il n’y avait pas encore d’internet et une ubiquité des informations quasiment en temps réel.

« .Je comprends qu’il ne veuille pas parler de sa mère, mais pourquoi ne peut-il pas parler d’autre chose ? Pourquoi sa parole semble-t-elle le brûler comme si chaque mot qui pouvait sortir de sa bouche était une petite larme de lave ? Si ça continue, on va oublier le son de sa voix. » (p. 98 )

Ce n’est qu’à la fin du livre (sauf si on a lu la 4e de couv’ !) qu’on apprend que Vicente est le grand-père de S.H. Amigorena – ce qui dédouble l’émotion qui nous étreint face à cet homme croulant sous la culpabilité et la mauvaise conscience, dont le passé négligé (refoulé), cet homme qui voulait « même » être allemand dans sa jeunesse, qui fait travailler un temps un allemand chez lui, dans son magasin de meubles et qui dit en 1928 avant de partir pour l’Amérique du Sud «  » « Les Juifs me font chier. Ils m’ont toujours fait chier. C’est lorsque j’ai compris que ma mère allait devenir chiante comme la sienne que j’ai décidé de partir. »

Et pourtant le livre décrit sobrement la vie de ce juif qui a fui l’Europe, se crée une vie à lui, déconnectée de sa judaïté (qu’il découvre finalement tardivement), amoureux de sa femme Rosita (et de ses enfants) – avec « juste » un peu de remords de ne pas avoir fait venir se famille (mère et frères) restée en Pologne, à 12.000 km de Buenos Aires

« Peut-on penser l’impensable ? Peut-on comprendre l’incompréhensible ? Peut-on imaginer ce que personne n’a jamais vu, ce que personne n’a jamais cru que l’homme serait capable de faire ? Il y a des événements, de temps en temps, qui renouvellent ce que nous sommes capables d’imaginer, qui amplifient le domaine du possible jusqu’à des limites que personne auparavant n’avait supposé qu’on pourrait atteindre. »

« Au début, ça ne s’appelait pas. On parlait « d’événement », de « catastrophe », de « cataclysme », d’apocalypse. Mais au tout début, ça n’avait par vraiment de nom…..  » (p.130) d’autres mots (et euphémismes) ont été trouvé plus tard : holocauste, Shoah, génocide, solution finale même ‘crime sans nom’….

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Une manière certaine de parler de cette solution finale (après Kertèz, Grumberg….)

« La cuarta oleada inmigratoria de judíos hacia la Argentina comprende dos momentos: los primeros años de la década del 30 en la que llegaron refugiados de Alemania, Austria, Hungría, Polonia y Rumania, que escapaban del régimen nazi. El comienzo de la deportación de judíos a campos de concentración en 1938 y, un año después, el inicio de la Segunda Guerra Mundial dificultaron ya la llegada en masa. Si bien la mayoría se asentaba en centros urbanos, en 1936, la Jewish Colonization Association (JCA) creó la colonia Avigdor –la última fundada por la entidad filantrópica-, para dar cabida a judíos centroeuropeos que huían de Hitler.

En los años de la posguerra, y cerrando el ciclo migratorio judío, llegaron a la Argentina alrededor de 8.000 sobrevivientes de la Shoa. »

Texto extraído de la Exposición “Vida Judía en la Argentina” realizada en Londres.

« ...Et, comme le Concerto pour piano n° 24 de Mozart commençait, il avait fermé les yeux… (p.116)

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4 commentaires pour Le Ghetto intérieur

  1. Philisine Cave dit :

    Je n’arrive pas à être charmée par l’écriture des extraits (que ce soit pour ce livre ou son précédent). Merci en tout cas de ton avis très documenté.

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