Noura rêve ou Divorce à la tunisienne

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Sur l’affiche de ce film une citation de S. de Beauvoir « Personne n’est plus arrogant envers les femmes, plus agressif ou méprisant, qu’un homme inquiet pour sa virilité. »  Phrase qui donne le La à un petit film de Hinde Boujemaa très bien ficelé, avec une Hend Sabri (la « Julia Roberts égyptienne ») qui écrase tout le monde à l’écran (les hommes sont/restent palots à côté d’elle).

Synopsis (qui ne dit rien sur le scénario qui nous réserve – malgré qqs côtés démonstratifs mineur – plus de surprises que ne laisse attendre ce petit résumé amuse-gueule)

« 5 jours, c’est le temps qu’il reste avant que le divorce entre Noura et Jamel, un détenu récidiviste, ne soit prononcé. Noura qui rêve de liberté pourra alors vivre pleinement avec son amant Lassad. Mais Jamel est relâché plus tôt que prévu, et la loi tunisienne punit sévèrement l’adultère : Noura va alors devoir jongler entre son travail, ses enfants, son mari, son amant, et défier la justice…. »

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Le film commence avec des très beaux grands plans sur la bouche souriante d’une femme, téléphonant à un homme, comblée… avec ces gros plans, on se dit:  une femme de la haute ou de la classe moyenne parlant à un amant…. Raté : la femme qui téléphone est ouvrière dans la laverie d’un hôpital.  Elle est mère, à trois enfants et son mari se trouve pour la n’ième fois en prison (vol, violences….). Elle a demandé le divorce (lui n’est pas (encore) au courant.  Elle a aussi un amant (qu’elle voit en cachette). Faut savoir qu’en Tunisie l’adultère (d’une femme) peut vous conduire en prison pour 5 ans….. (!), ce qui fait peser pas mal de danger sur ce couple fragile.

Le divorce doit être prononcé dans 5 jours (tout semble rouler… ) – une visite (avec les enfants) à la prison montrait au spectateur la réalité crue et dure du désamour….  – Malheureusement le mari vient d’être libéré de prison nettement avant terme – grâce présidentielle…. ! Chahutée entre les besoins (envie) de son mari, privé d’elle pendant des mois, les demandes incessantes de son amant de partir avec lui (il veut l’avoir pour lui tout seul, ne veut pas qu’elle touche son mari….!), la juriste de l’association qui a aidé pour la demande de divorce rajoutant quelques phrases bien culpabilisantes… et hop ! on se trouve dans un film marqué d’une urgence et de tsunamis de pensées contradictoires. J’ai pensé à un moment que finalement elle doit choisir entre la peste et la choléra…… ne trouvant aucun des deux hommes suffisamment « forts » pour cette femme de caractère)… et on n’a encore rien vu.

Les mensonges, les « vengeances » (petites et grandes) de la part des hommes, les petites scénettes dépeignant la corruption, insérées par ci-par là, une longue et forte scène d’interrogatoire (musclée et biaisée), font que le spectateur ne roule pas sur une autoroute moralisatrice ou accusatrice toute tracée, mais qu’il se trouve même dans une sorte de thriller (sociale) quelque part entre les frères Dardennes et Xavier Legrand (« Jusqu’à la garde« ), avec un zeste iranien (« Une séparation« )  et/ou aussi un accent de Lafosse (« Economie du couple »)….

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Beau petit film qui ne génère pas la même queue devant les guichets que « J’accuse » et/ou « Le traître » – et disparaîtra peut-être rapidement des écrans, mais que j’invite à voir pour réfléchir autrement de la condition de la femme, de voir un film ancré dans une réalité sociale à qqs encablures de la France ….

Notons que le mari ne frappe jamais sa femme….. la violence est sourde, plus vicieuse…. ce qui me fait penser à l’inscription que j’ai vu samedi sur un mur à Gré (invitant le week-end prochain à une manif’) :

74158289_10220160674708061_3940680567648944128_o Dans une interview avec France Culture Hinde Boujemaa indique :

« Si une situation rend malheureux, je pense qu’il faut s’en défaire quelles que soient les lois et quel que soit le regard des autres » –

Je vous souhaite une bonne semaine !

 

 

 

A propos lorenztradfin

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3 commentaires pour Noura rêve ou Divorce à la tunisienne

  1. princecranoir dit :

    Beau texte pour un film porteur visiblement d’un message fort, un message surtout essentiel.
    L’affiche est également très belle et dit bien la profondeur du dilemme que tu detailles dans la chronique.

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