« S’il nous manque quelque chose ? Sans aucun doute. Mais c’est pour ça qu’on lit, non ? Pour ça qu’on tisse un lien avec les autres ? Ça nous permet de nous faire une idée des vies qu’on ne peut pas vivre. »
Voilà une phrase que j’aurai pu prendre comme point d’ancrage pour une n’ième lettre de candidature pour le Prix du Livre Inter….. Simone, Nyctalopes et Viduité m’ont incité à interrompre ma lecture du premier livre « No-roman » que j’avale actuellement par épisodes (« Sapiens – une brève histoire de l’humanité » de Yuval Noah Harari) pour m’immerger dans le dernier né (en français) de James Sallis traduit par Hubert Tézenas : « Willnot » – en fait le nom d’une petite ville (imaginaire) aux States, ce qui laisse entrevoir que ce sera la ville ou plutôt ses habitants qui seront au centre de l’histoire.
Pour une fois les éditeurs n’avaient pas trop de mal à trouver un titre dans les langues respectives.
James Sallis est une « sorte » d’existentialiste parmi les auteurs des romans noirs /policiers nord-américains.
Certes, le roman commence avec une phrase très roman noir » Nous découvrîmes les cadavres à trois kilomètres de la ville, près de l’ancienne carrière de gravier. » pour nous éloigner du charnier et plutôt dresser le portrait de cette ville et de ses habitants (vu et entendus par le médecin Lamar Hale dont on suit le travail aussi bien de légiste, de médecine de ville dans son cabinet – avec sa gallérie de portraits comme Winkler avait pu le faire dans ses premiers romans – ou à hôpital de la ville….(« on a besoin de vous au bloc… »)).
« Le lundi fut un jour explosif : des hernies, des veines variqueuses en sang et le « grain de beauté » de Charlène Spencer, d’où c’était mis à suinter quelque chose qui ne ressemblait à rien tant qu’à du guacamole. « Pas bon ? me demanda Charlène. – Ça se discute. Le vert est parfait dans la nature, nettement moins à l’intérieur d’un corps » (p. 133)
La toute première phrase s’avère donc être moins le point de départ d’un « Mystery Thriller » dans lequel un héro va résoudre un crime cruel. Non, c’est plutôt la porte d’entrée vers un trou noir qui – comme dans un roman SF – transformera progressivement une ville et les sentiments de ses habitants en matière noire ou un « entre-temps »: Le narrateur (Hale) souffre de flashbacks remontant en son enfance – souvenirs d’une longue maladie qui l’a laissé sans défense face à la vie et/ou l’âme d’autrui : « les visiteurs » il les appelle.
Toutefois, le roman, malgré son soubassement « philosophique » ou peut-être à cause de ça avance de manière quasi non-chalante (« les jours s’écoulaient avec lenteur. Des miracles se produisirent à la lisière de nos vies, des destins restèrent endormis dans nos cœurs » (p. 149), avec une flopée de noms (qu’on croise parfois qu’une seule fois), d’ellipses aussi (il faut lire de manière concentrée, pour ne pas louper qqchose), et on se demande plus d’une fois si vraie intrigue il y aura ou quand cette noirceur du regard sur une ville pétrifiée (et une société…. : formidable idée de laisser le Dr. Lamar et son partenaire de vie (amoureux), Richard, parfois éteindre la TV et la radio pour ne pas entendre les bruits, catastrophes et autres violences du monde extérieur – ils appellent ça « un embargo sur les informations » (p. 149) ( « que se passe-t-il dans le cœur du pays ? – Du maïs. La bonne vie des années cinquante. Et de temps en temps une fusillade dans une école ou un carnage croustillant. »
La traduction rend parfaitement la concision de la langue VO – et les divers niveaux de lecture possible ……ainsi ce dialogue entre Lamar et Richard qui finit un mini-chapitre (p. 77) : « Je te connais peut-être un peu trop bien pour que tu me racontes des histoires. – Les histoires, c’est tout ce que nous avons, Lamar » Sa main effleura la mienne sur le comptoir. Nos regards se croisèrent. Mon cœur bondit dans sa cage. »
Fans de Wittgenstein, de Kierkegaard vous allez être comblés. Si vous voulez du sang, du rythme endiablé (genre B. Whitmer p.ex.) abstenez vous.
Un livre qui a bcp de portes d’entrées et est imprégné d’une noirceur souriante et que je conseille, comme le trio de blogueurs cités (avec lien) en début de mon article (ils parlent mieux que moi de ce livre…)
Moi je trouve que tu en parles très bien.😉
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Tu n’es pas objective….😘
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Mais si mais si !😀
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Bonne chance pour la candidature au jury du livre inter! Serait ravie pour toi !
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J’adore cette phrase!!! Je lis pour apprendre, pour me détendre, pour vivre d’autres vies, pour m’isoler, pour me réunir, pour appartenir à un groupe, pour rêver et être là 🙂
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