Merci à la Bibliothèque Internationale de Grenoble (merci B.) – grâce à elle j’ai pu lire en allemand le premier roman de Dörte Hansen – dont « Mittagsstunde » m’avait tant touché.
Là ça « marchait » également – elle est douée cette Dörte Hansen.
Printemps 1945. Vera a 5 ans lorsqu’elle arrive au bras de sa mère dans une vieille ferme entourée d’un immense verger. Elles ont quitté la Prusse orientale et traversé à pied un pays ruiné par la guerre. Cette terre isolée sera leur halte, cette maison qui n’est pas la leur, leur refuge. Un lieu dont Vera ne repartira jamais. Soixante-dix ans plus tard, Vera voit arriver sa nièce Anne, son fils Leon sous le bras. Les deux femmes, que tout semble opposer, vont devoir apprendre à se connaître et cohabiter. Comme d’autres avant elles, entre ces murs ayant abrité des générations de femmes fortes et solitaires. Au contact l’une de l’autre et unies par la même détermination, Vera et Anne trouveront le chemin de la reconstruction.
Une belle histoire de vies, de musique, de la beauté de la nature, de solitude(s), de vieillesse, de la guerre et ses horreurs ainsi que de l’amour (aussi). Le lecteur qui est à la recherche d’action(s), de développements et twists sera déçu… même déconcerté certainement par un récit tout en finesse et beaucoup de non-dits (et ellipses). Un peu en mode « understatement » typique pour les habitants de cette partie du Nord d’Allemagne ou on ne s’attarde pas sur de longues descriptions, mais se contente de quelques phrases ciselées pour camper un caractère. D. Hansen se contente de nous raconter en mode « rapide » mais précis les biographies sur trois générations (quasiment 70 ans de l’histoire allemande quand-même)…. sans alourdir le tout par des excursions dans l’Histoire ou la politique… et en se contenant de portraits de femmes…..
S’ajoute à cela une description (sans filtre à la Hamilton) de la vie à la campagne comparée à celle en ville, une sorte de choc des « cultures » et la difficile adaptation/acceptation des « bobos » néo-ruraux « verts » par les habitants « historiques » du village.
« Les maisons comme celle-ci, les pères les construisaient pour leurs fils, et les fils les entretenaient et les conservaient pour leurs fils à eux, et jamais un fils ne s’était demandé si c’était ce qu’il voulait, lui. Quand est-ce que ça avait commencé, cette histoire de vouloir ? Quand s’était glissée l’erreur ? Quand avait surgi ce malentendu, cette idée que les fils de paysans pouvaient choisir leur vie ? Opter tout simplement pour celle qui semblait agréablement variée et confortable ? »
Un zeste de nature métaphorique (les nuages, le vent, les champs et parfois la pluie deviennent vivant…. contrastant ainsi avec les gens du Nôôrd finalement peu lyriques, un peu rude, lents (contrairement au rythme du récit qui « galope » – vive les chevaux…)
Les Hommes (les mecs) sont des personnages secondaires finalement dans ce voyage à travers trois générations. Soit il sont morts (pour la patrie) à la guerre ou en sont revenues brisées. La génération suivante est elle, poussée par les femmes qui souhaitent emprunter après la guerre l’ascenseur social, à faire carrière. La génération d’aujourd’hui, est assise dans les cafés, l’ordi portable devant eux, le mug de café à côté, travaille dans une start-up ou quelque chose de créatif et laisse tomber leur femmes, quand l’enfant vient de trouver sa place dans un jardin d’enfant/dans une crèche et/ou quand ils rencontrent une plus jeune ==> pour faire (contre leur gré (?) un autre enfant avec la nouvelle. Trois générations = presque sept décennies de la République Fédérale d’Allemagne et Dörte Hansen nous en livre un joli tableau (avec certes quelques clichés mais avec des accents de vérité (ironique).
Ce qui est fort, et peut-être difficile à comprendre par un français, c’est la difficile intégration des réfugiés allemands de la guerre – ceux qui viennent de l’Est, de la Pomeranie, de la Prusse (aujourd’hui Lettonie et/ou la Pologne) – (le « Altes Land » du titre = « vieux pays ») fuyant les russes, le front et qui venaient souvent/parfois de famille très riches, de grandes exploitations agricoles , de domaines, habitués à la richesse, à donner des ordres à une nuée de petit personnel et agriculteurs travaillant pour eux et qui arrivent dans ce Nord d’Allemagne, épuisé et mal accueilli (ça vous rappelle qqchose ?)
De plus le roman donne envie de faire un tour en Allemagne du Nord (Stade, Elbe…)
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