Dans ces temps on ne rigole pas trop. Trébucher un jour de grisaille sur ce livre chez mon bouquiniste, m’a permis un petit moment drôleloufoquenoirinsolenemmentjouissif (plié en 2 soirées). La lecture reste un peu « vaine » mais apporte un plaisir qui actionne les muscles faciales – et titille un peu l’esprit (aussi).
Présentation de l’Éditeur :
A trop fréquenter la littérature, il arrive qu’on tombe dedans. Lecteur invétéré, époux d’une écrivaine nantie d’un petit renom, architecte en rupture de plans, le héros de ce premier roman n’est pas avare de confidences sur son grand projet : écrire un livre, lui aussi.
Mais son écran d’ordinateur ne se remplit que d’images qui ralentissent son travail tout en accélérant son flux sanguin…Les affres de la création deviennent de terribles compagnons dont on se distrait d’un poignet actif.
Alors, le jour où par ennui ou par dépit, notre homme commet l’incorrection de parcourir le journal intime de sa femme, il en est puni par une découverte qui porte un nom : Léon, et par une révélation : c’est un amant hors normes.
Affolé, vexé mais stimulé, il se lance dans une enquête qui a tout d’une quête : pourquoi chez lui sexualité et littérature sont-elles autant liées ? Cet amateur de théories cocasses s’épanche et nous entraîne, l’air de rien, dans la dernière des grandes aventures : celle qui mène à soi.
Un livre réjouissant avec des hauts, débats, et quelques ébats.
L’Éditeur (je crois que je n’ai pas lu un seul livre de son catalogue) écrit sur ses pages FB (le 19 février 2018) : Depuis 2003, nous avons eu assez d’imagination pour donner des explications plus ou moins bizarres à notre curieux nom, au point que nous ne savons plus trop quelle est la bonne. L’important nous semblait d’éviter le pompeux et de manifester d’une façon ou d’une autre que nous avions le souci de nos racines, ce qui se traduisit très tôt par des rééditions d’auteurs plus ou moins oubliés ou méconnus. Depuis nous nous balançons d’une branche à l’autre, au gré de collections qui s’installent ou s’estompent, un œil vers le patrimoine, un autre vers ce présent qu’on ne parvient jamais à saisir, d’où un léger strabisme.
C’est ce « strabisme » que je retrouve dans ce livre même…
Donc prenons un ex-architecte-urbaniste (comme par hasard le métier de l’auteur) s’essaie à l’écriture d’un roman (ce qui permet à R.R. de faire des in-/excursions dans la littérature du côté de chez les Kafka, Kundera, Guyotat (c’est lui qui a – je l’apprends – écrit : « la branlée avec texte« ), Miller, Melville, Queneau, Tolstoï ou Toussaint ne sont pas loin non plus. Notre cher Raphaël (par ailleurs une réjouissante excursion sur la difficulté/facilité/importance de choisir les (pre-)noms des personnages sur les 4 premières pages) – choisira pour ce remplissage des pages blanches l’idée-théorie q’un « bon livre met en parallèle des choses qui n’ont à priori rien à voir et que l’art de l’écrivain est de se débrouiller pour rendre ça intéressant » (p. 17). Ces 2 choses qui n’ont rien à voir sont dans son cas à lui :
1. Un officier SS et 2. un pétomane (le crime contre l’humanité et le pet)…
Maintenant il faut des idées, un stimulus, une sève….Etant donné que « la sexualité est à l’écrivain ce que la diététique est au sportif » R.R. devra « entretenir un état d’excitation sexuelle présent mais non envahissant…. ouvrant les voies de l’imaginaire, tout en la canalisant dans la geste artistique... » Il passera donc des nombreuses heures sur des sites pornographiques (« jusqu’à être suffisamment bandé pour me lancer à l’assaut de la page blanche. Un cow-boy charge bien son six-coups avant d’aller sur la piste des indiens. » Un moyen comme un autre pour « méditer » et se mettre en transe pour écrire.
En panne un jour il tombera sur les journaux de sa femme et y trouvera entre une multitude de « banalités » une entrée qui le perturbera hautement : « Ai revu Léon. Il m’a prise deux fois sans débander. Sa queue est plus grosse que celle de Raphaël. Je n’avais jamais fait attention à cette question de taille. Maintenant, je comprends. Il me pénètre mieux, plus vigoureusement, plus profondément » (p. 30)
Passage qui, on s’en étonnera point, donnera suite à une « recherche » (vive Proust), enquête et « vengeance » esquissée et de réflexions qui perturberont son travail qui avance donc peu (tant il réfléchit aux relations entre la relation littérature/sexe »et qui en appellent « même » à Lacan ou Ovide (drôle d’histoire de Tirésias, Zeus et Héra – que je n’ai jamais lu sous l’angle de la querelle sur le plaisir sexuel).
Vaudeville littéraire et presque-pornographique par moments (même pas 3% sur les 200 pages – mais avec un passage documenté sur le « squirt » (la giclette) en mode érudit)…. La légèreté faisait du bien. Avec une fin un peu en « vit de poisson » comme si Raphaël Rupert essayait de copier son personnage : « … je constatais que le caractère trop fini de mon roman me gênait et je cherchais un moyen de l’inachever mieux. »
« Il y a deux jouissances hétérogènes, deux quêtes de soi et non de l’autre. Je passais tous les jours chez Béatrice. Alors que je ne la désirais plus, je bandais quand même en la voyant. Elle m’attendait sr son lit dans sa chambre froide. Elle ressemblait à ces femmes peintes par Hopper, des tableaux qui pourraient avoir comme titre « Femme seule dans chambre vide ». Et moi, qui étais-je à présent ? Sa robe passait au-dessus de sa tête et elle ne portait rien en dessous. Je m’asseyais sur le bord du lit. La lourde hanche, les seins lourds s’avançaient vers moi, le regard plein de ce contentement métaphysique qu’est le désir. Elle effectuait un dessin obscène avec sa hanche que je caressais pour mieux la tenir à distance. Hier, elle jouissait dans les bras, en redemandait aujourd’hui. Et demain ? (p. 145)
Donc c’est un plaisir de lecture germano-pratin sans conséquences (et s’évaporant vite une fois le livre fermé) …. mais qui se déguste comme un bon petit vin (un petit Mercurey Château Garnerot – Domaine Dureault ou un Rully « Sans Nom » de Michel Sarrazin ? et on en garde un petit souvenir de parfum ou plaisir olfactif mariant avec des accords ambrés, épicés, boisés pas innocent pour un rond… ) et fait réfléchir aux mécanismes du désir (d’écrire et/ou de faire l’amour) – élément absolument nécessaire pour avancer !
« Ecrire c’est mentir, chaque lecteur en est conscient et l’accepte implicitement lorsqu’il ouvre un livre. Mais il ne veut pas le savoir, encore moins en être complice. » (p.14)
Quel billet original pour un livre sans pareil… Je vais aller voir de plus près. Merci Lorentz et joyeuses fêtes 🙂
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Merci Elisa – lire ça de ta plume à toi fait plaisir dans cette grisaille ! Joyeuses fêtes à toi aussi. Bernhard
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Sur Hopper et l’étirement du temps : https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/lattente-44-edward-hopper-peindre-le-temps-qui-setire
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J’ecouterai ça lors de mes étirements…. merci
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hihihi, moi, c’est en ramant…
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Je ne sais quelle forme de curiosité m’a conduit vers ce plaisir de lecture germano-pratin mais je dois confesser que cette découverte m’a mis en appétit. Trop tard pour le mettre sous le sapin de cette année malheureusement.
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L’intérêt pour l’urbanisme et l’architecture certainement !
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Tout ce qui renvoie à l’habitat urbain, c’est sans doute cela. 😉
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