Peter Stamm – Lectures et vies parallèles & doubles

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« La douce indifférence du monde » (Die sanfte Gleichgültigkeit der Welt) – très bien traduit par Piere Deshusses

Pour une fois un « exercice » un peu particulier.

La Bibliothèque Internationale de Grenoble a bien voulu me prêter (merci B. !!)  le « dernier né » de Peter Stamm dont la version française traduite par P. Deshusses fait partie des sorties de la rentrée d’automne 2018.

J’ai donc lu le livre (en allemand svp) et chaque fois quand je me suis dit/demandé « alors, tu traduirais ça comment ? » j’ai regardé/vérifié sur les pages françaises …. sans que cela m’aurait gêné  dans le processus de lecture (le(s) livres sont assez courtes 142 p frç et 156 p all).

Présentation de l’Éditeur (4e de couv’) :

Un homme donne rendez-vous à une femme prénommée Lena dans le grand cimetière de Stockholm. Cette femme est une inconnue, mais elle rappelle intensément au narrateur la jeune femme dont il a été très amoureux il y a une vingtaine d’années. Cette dernière s’appelait Magdalena, était comédienne, elle aussi avait joué Strindberg. Après leur rupture, le narrateur a écrit un livre sur les trois années qu’ils ont vécues ensemble et il veut en donner les détails à l’inconnue de Stockholm.
Ce récit de Peter Stamm ciselé en 37 petits chapitres, dont le titre rappelle « la tendre indifférence du monde » évoquée par Albert Camus à la fin de L’Etranger, est d’une vertigineuse intelligence.
Peter Stamm décrit avec des mots simples, étudiés, ce moment de tourbillon fondamental où le sens de notre identité vacille, un théâtre de l’intime où le trouble règne.

J’ai cru lire une variation de « Le désert de miroirs » (Mein Name sei Gantenbein)  de M. Frisch et ressentais une proximité avec son »Montauk » (le « vieux » qui rencontre une jeune femme…) .

L’homme est un écrivain (raté) qui croit reconnaître dans une femme-actrice vue au théâtre la femme qu’il a aimé (et quitté) dans son passé. Et vu que peu avant il aura rencontré son « double »n, en plus jeune, il va être convaincu que sa propre vie se répété (avec des variations). … ce qui offre au lecteur un narrateur qui écrit un livre devenant réalité, une réalité qui se superposera sur un passé réellement vécu (et que parfois on souhaiterais changer/modifier/revivre).

Il raconte – lors d’une promenade notamment sur le cimetière de Stockholm – cette livre-vie à l’inconnue, qui elle va lui raconter « sa » vie (intime), les deux constatent qu’ils ont vécu les mêmes choses (avec des variations)… mais c’est lui seulement qui saura comment tout terminera pour Madame….

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Dans un récit hyper-construit – peut-être même trop – Stamm rabote, réduit littéralement la langue jusqu’à ce qu’il ne reste plus que la réalité nue, dépourvue de toute fioriture…. en effet les adjectifs ou rajouts adverbiaux verbieux ne sont pas légion chez lui…

Un livre pour remplacer un cours de philosophie sur l’Amour et/ou pour jouer avec les possibilités infinies que la vie (vécue ou imaginée) offre à des amoureux…

La part du hasard lors de la « naissance » des sentiments ? Quelle est la part la direction dans laquelle un des deux amoureux veut diriger/pousser le couple ? Quel est le degré de la liberté de chacun ? La part de la prise de pouvoir sur l’autre (diffus, ouvert, sous-jacent, inconscient…) …. Se pose ainsi p.ex. la question autour du constat suivant :

« ..Das sei die reinste Liebe, wenn man jemanden besitze. Weil die Liebe dann kein Gegengeschäft sei, weil man dann nicht liebe, um geliebt zu werden…

…que c’était l’amour pur quand on possédait quelqu’un. Parce que l’amour n’est alors pas un commerce all) 

Un livre qui parfois touche à la marge, les abîmes d’un Kafka et parfois sont d’une telle limpidité d’évidence qui mènera à la question « What if…/ Was wäre wenn….? » et « si ma vie était un mensonge, une invention…? »(p. 93)

La traduction rend parfaitement le récit imprégné de mélancolie, regrets, pente de la vie, la mémoire (et ses défaillances – et les ré-écritures que cela amène)…

Peu de phrases que j’aurai souhaité changer (en français) :

« Er schreibt über Sie, nicht wahr?, fragte ich. Und wenn?, sagte Lena. (p.41)

« Il écrit sur vous, c’est ça? Et alors? dit Lena. (p. 38)

Le « alors » personnellement je ne sens pas qu’il dit « et si c’était le cas ? » mais je peux me tromper.

P. Deshusses gomme parfois des « légèretés » telles que

« Ich fand viele Klassiker….. aber auch neue Sachen, zerlesene Taschenbuchausgaben… » (p. 66) 

Il y avait beaucoup de classiques… mais aussi quelques parutions plus récentes, des éditions de poche toutes écornés…(p. 58)  

« Parutions » est nettement plus « élégant » que «  »trucs » et « écorné » un terme simple pour « mon » choix  : « usée à force d’avoir été lue et relue »…

Mais ce n’est rien par rapport à un formidable travail qui mérite bcp de lecteurs.

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Vu que des (détails d’) œuvres de la peintre E. Peyton se trouvent sur les deux versions (all & frc) j’en met deux ici (tirés de :….https://www.widewalls.ch/artist/elizabeth-peyton/

Elizabeth Peyton – Dreamt Baroque Masterworks, 2014 – image via gladstonegallery (Left) / Parsifal (Jonas Kaufmann and Katarina Dalayman), 2013 – image gladstonegallery (Right)

A propos lorenztradfin

Translator of french and english financial texts into german
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