Pike – Un Whitmer pas Benjamin du tout

 

Premier roman de cet auteur américain (Ohio) publié en 2010 par Gallmeister (traduit par Jacques Mailhos ( !!) en 2012) et ressorti en poche en 2017 (c’est dans cette version que je l’ai lu). C’est S. avec son article sur le dernier livre de Whitmer (Evasion) paru ces jours-ci qui m’a donné envie de voir un peu…. Et me voilou conquis….

4e de couv’

Douglas Pike n’est plus le truand qu’il était autrefois. De retour dans sa ville natale des Appalaches proche de Cincinnati, il vit de petits boulots et tente de combattre ses démons du mieux qu’il peut. Jusqu’au jour où il apprend sa file, depuis longtemps perdue de vue, vient de mourir d’une overdose. Et où il découvre par la même occasion l’existence de sa petite-fille âgée de douze ans. Tandis que la gamine et lui tentent de s’apprivoiser, un flic brutal et véreux commence à manifester un intérêt malsain pour la fillette.

Cette petite « mise en bouche » laisse inaugurer un triangle tragique, mais en réalité ce petit roman (280 pages – avec des chapitres courts de 4-5 pages max…) et un roman multi-bande…. Douglas Pike est accompagné par Rory, qui caresse le rêve de se payer un jour un vrai entraîneur de boxe et qui, en attendant, s’enfile de petits tournois miteux…. Il y a une faune bizarre et crasseuse autour de Derrick (le policier « véreux »)…. Dana, la copine de la fille décédée de Pike…. Tout un planétarium de blessés, malades de la vie…

Whitmer est futé en distillant progressivement les pelures d’oignon de la vie chahutée de Pike qui donnent une explication pour ses actions…. (…les souvenirs ont leur propre moteur…)  Il n’oublie pas non plus de le parer d’une « tare » : la lecture (et pour parfaire le tableau : Wendy, sa petite-fille, lit également bcp…. )

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Wendy qui, tout au début du livre lit du Edgar Allan Poe discute avec Rory qui sort victorieux d’un match de boxe :

« T’es aussi grave que ton grand-père, dit Rory. – Comment ça ? demande-t-elle en se replongeant dans son livre. – Lui non plus y a pas le moyen de le sortir de ses livres. C’est pour ça qu’il n’a pas d’ami. Il passe son temps à lire des livres bizarres. Ou à insulter ceux qui ne les ont pas lus.

Les yeux de Wendy se tournent furtivement vers Pike. – Ça m’étonnerait qu’on lise les mêmes, dit-elle. – Moi aussi, ça m’étonnerait, dit Rory. Personne lit les mêmes livres que Pike lit. J’ai fait l’erreur d’en ouvrir un, une fois. Je me suis réveillé deux jours plus tard allongé sur le sol, avec le mal de crâne d’un type qu’on aurait assommé à coups de démonte-pneu. Je me rappelle même plus de quoi ce foutu truc parlait. – Je t’imagine facilement te retrouver K.-O. à la simple vue d’un truc à lire, dit Wendy (p. 36)

Sachez que ça dépote, ça cogne, saigne, c’est assez violent parfois (j’ai eu deux-trois fois un petit hoquet), mais l’ensemble est mâtiné d’une tristesse/mélancolie sous-jacente que la traduction de Jacques Mailhos transpose formidablement (faudra lire l’original pour savoir la part de re-création dans cette traduction).

Il y a un côté « Léon » ou « Taxi Driver » dans la relation entre Pike et sa petite-fille surprise … en effet, la tendresse peut cohabiter avec une violence inouïe… mais parée d’atouts poétiques.

Mathilda-Léon-peluche-portrait

Ainsi un « le soleil gris lâche un unique soupir puis meurt derrière le Green Frog Café » (p.70) peut être suivi de phrases du genre : « ….pour voir une brunette en jean moulant s’effondrer, avec du sang qui jaillit de son crâne comme une tête d’arrosage automatique… » (p. 244)

Je ne vais pas vous insulter à la Pike si vous ne lisez pas ce livre, mais si vous avez l’estomac bien accroché et zêtes ouverts à un auteur (d-)étonnant très bien traduit – allez-y pour ce voyage que les frères Cohen (époque Corman McCarthy) n’auraient pas refusé.

 

 

 

 

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10 commentaires pour Pike – Un Whitmer pas Benjamin du tout

  1. CultURIEUSE dit :

    McCarthy, tu veux dire? J’adore les « pelures d’oignon de la vie »!

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  2. princecranoir dit :

    Tu as l’art de trouver les références propres à aiguiser mon intérêt pour ce roman dont le pitch en quatrième de couverture a suffit à me séduire. Je me mets en chasse séance tenante.

    Aimé par 1 personne

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