Asta

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Magnifiquement traduit par Eric Bourré

Présentation de l’Éditeur :

Reykjavik, au début des années 50. Sigvaldi et Helga décident de nommer leur deuxième fille Ásta, d’après une grande héroïne de la littérature islandaise. Un prénom signifiant – à une lettre près – amour en islandais qui ne peut que porter chance à leur fille… Des années plus tard, Sigvaldi tombe d’une échelle et se remémore toute son existence : il n’a pas été un père à la hauteur, et la vie d’Ásta n’a pas tenu cette promesse de bonheur.
Jón Kalman Stefánsson enjambe les époques et les pays pour nous raconter l’urgence autant que l’impossibilité d’aimer. À travers l’histoire de Sigvaldi et d’Helga puis, une génération plus tard, celle d’Ásta et de Jósef, il nous offre un superbe roman, lyrique et charnel, sur des sentiments plus grands que nous, et des vies qui s’enlisent malgré notre inlassable quête du bonheur.  

[Le livre se trouve dans la 1ere séléction du Prix Médicis Etranger 2018]

Sensuel, mélancolique, fort – ce sont les trois adjectifs qui me viennent à l’esprit au moment ou j’essaie de mettre quelques pauvres mots, une fois l’ébahissement ressenti à la sortie de la lecture de ce roman estompé. Roman, qui est/aura été ce que d’autres dans la blogosphère nomment un « coup de cœur ». Honte à moi, je ne fais pas partie des lecteurs qui ont déjà fréquenté cet auteur, qui, pourtant me sied comme un frère et dont je vais certainement lire d’autres livres.

Le lecteur qui se penche(ra) sur ce roman (et si je comprends bien) sur les romans qui précèdent ce dernier opus, doit savoir qu’il n’y trouveras pas de linéarité, ni beaucoup de rationalité ou de logique de bon nombre d’évènements qui jalonnent le(s) récit(s) …. ce sont les émotions (et les mots – par associations) ainsi que les traces ou empreintes qu’ils laissent sur les personnages qui dictent les boréales que forment les phrases.  Jón Kalman Stefánsson lui-même l’a dit dans une interview :…il écrit comme il réfléchit – en mode éclaté donc nous ne pensons pas souvent de manière linéaire – et cette écriture renforce le ressenti (stimulant) chez le lecteur et le place devant un miroir brisé dans les éclats duquel il voit les personnages sous différents angles…..

Asta est certes le personnage central, même si je pense que son père (Sigvaldi) est quasiment aussi important. De toute façon le roman est peuplé par beaucoup d’autres (dont non négligeable le narrateur himself) ….et tous sont inextricablement liés/mêlés à cette femme).

Il y a tout d’abord Helga, la mère d’Asta – qui adore E. Taylor (et selon le dire des autres lui ressemble bcp.) et se dissoudra plus tard… ensuite son père Sigvaldi. Il y aura aussi Sigrid, une norvégienne, la femme avec laquelle vivra Sigvaldi quand ça ne marchera plus avec Helga. Il y a la nourrice de Asta ou sa soeur aussi… ainsi que Josef, Gudjon (l’étoile montante du journalisme), le narrateur-écrivain en train d’écrire le livre – et qui nous laisse regarder par son épaule ses drôles d’arrangements avec ses voisins…..et bien d’autres personnages encore… dont on apprendra des détails de leur vies liés ou non à celle de Asta.

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Le premier fil de cette toile de mots tissée en diverses temporalité sera, dans les premières pages, la conception de Asta (heureusement la table de cuisine était bien costaude) par cette même Helga et son mari Sigvaldi…. ensuite le narrateur-auteur « ne maîtrise plus rien » et il va reprendre son récit, pour le raconter autrement. Beaucoup beaucoup d’années après cette conception Sigvaldi – désormais vivant avec une autre femme (Sigrid) – tombera d’une échelle et il aura, étalé sur l’asphalt, le ciel bleu immense au-dessus de lui, des flashs de souvenirs (éclatés encore) … de quelques moments de sa vie – et on est page 18 (!) : » La meilleure manière de contrer la mort, c’est de se constituer des souvenirs qui, plus tard, auront le pouvoir de caresser doucement et d’apaiser les blessures de la vie »

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On suivra Asta à Vienne, à Prague, elle aura une fille (recueilli par son père et Sigrid), on la retrouve jeune adolescente « difficile » (quand elle va être envoyé dans une contrée loin de la ville et y rencontre Josef et une vieille femme qui perd parfois la mémoire et s’égare), et on la lit en femme âgée aussi (écrivant de belles lettres d’amour à un amant parti, on ne sait ou….ou peut-être que oui – des pistes il y’en a….). Et toujours le fil sera contre-balancé, lesté, allégé, densifié par les pensées de Sigvaldi, agonisant sur l’asphalte, « parlant » à une passante qui s’occupe de lui en attendant une ambulance.

Au moment ou j’écris ces quelques bribes je pense aussi à des substantifs qui regrouperaient la foule de sentiments qui parcourent le lecteur durant les 491 pages…: Solitude (probablement pas étonnante vu cette terre lointaine, Islande, de laquelle fuient les personnages du roman ?), Insatisfaction, Émotions (encore et encore), la Mort, la Mer/la Mère, poésie/poèmes, et Amour(s)….  états qui rendent bien compte des écorchures intimes que causent les petites phrases amères et blessantes décochées en fin de parcours amoureux comme celle-ci:  » C’est pourquoi je peux te consoler, vois-tu, je suis absolument certain que tu iras loin avec ta chatte. » (entre autres p. 401 ou p.471)

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D’autres phrases et paragraphes sont plus poétiques …

« En août, la clarté matinale est presque granuleuse, elle n’a plus l’assurance qu’elle avait en juillet, et moins encore celle de la lumière éclatante de juin. Elle porte en elle un soupçon de ténèbres et de fin qui, chez certains engendre mélancolie et force à la sincérité. C’est peut-être pour ça que Josef sourit si souvent à Asta ce matin-là, il va même jusqu’à lui dire, ou plutôt, ces mots lui échappent alors qu’ils sont tout près l’un de l’autre, occupés à rentrer le foin dans la grange : tes cheveux sont si beaux au soleil. » (p. 232)

Enfin, il y a l’amour sous toutes les formes dans ce drôle de (mélo-)drame nordique mâtiné de malheurs qu’on pensait révolues depuis Zola et/ou Dickens.

 

Le livre se trouve dans plusieurs listes de prix littéraires de cette rentrée, mérité à mon sens et comme je le disais plus haut pour moi c’est un coup de coeur absolu, grâce aussi à la traduction formidable de E. Boury (dont je ne critiquerai en tant que lecteur multilingue seulement le choix de mettre la traduction de titres et extraits de chansons anglaises (notamment de Nina Simone ( !) – mais il y a aussi Kind of Blue de Miles D., du Bach et bien d’autres –  qui accompagnent le récit directement après l’anglais – exemple : « Since I fell for you  Puisque je t’ai succombé….  » (p. 471) – j’aurai préferé des notes de page pour la fluidité…)

 

A propos lorenztradfin

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9 commentaires pour Asta

  1. très bel article, bravo ! tu m’as donné très envie de lire ce livre

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  2. princecranoir dit :

    J’ai aimé l’article mais j’avoue aussi que j’ai bloqué sur la photo ! 🙂

    Aimé par 1 personne

  3. lebouquinivre dit :

    Waouh! J’ai très envie de le lire, merci pour ce bel article!

    Aimé par 2 personnes

  4. CultURIEUSE dit :

    Alors là, tu es conquis et ça se sent. Pavé ou pas?

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