Un petit intermède littéraire – avant de poursuivre Le Voyage dans le Nôôôrd…..

Nevache en août 2013
« Qui descendrait, s’il avait le choix ? » (p. 232)
Lu le Prix Medicis Etranger 2017 de Paolo Cognetti – traduit par Anita Rochedy – dans le cadre de ma participation au jury du Prix Caillé. Le livre se trouve dans « notre » short-list. Je ne parlerai pas de la traduction ici, et toute opinion sera personnelle et n’exprimera en rien l’opinion du jury. Le livre faisait partie de mon « arsenal » de lecture de vacances (aussi).
J’avais, il y a un peu plus d’un an assez aimé (sans être enthousiaste) le « Le garçon sauvage » – là, je dois avouer que j’étais touché (au cœur ? comme dit la 4e de couv’ citant Sophie Pujas du Point ?) par
a) l’histoire b) la mélancolie sous-jacente c) les descriptions des montagnes d) les question(nement)s du narrateur.
4e de couv (et présentation sur le site de chez Stock)
Pietro (« Berio ») est un garçon de la ville, Bruno un enfant des montagnes. Ils ont 11 ans et tout les sépare. Dès leur rencontre à Grana, au coeur du val d’Aoste, Bruno initie Pietro aux secrets de la montagne. Ensemble, ils parcourent alpages, forêts et glaciers, puisant dans cette nature sauvage les prémices de leur amitié.
Vingt ans plus tard, c’est dans ces mêmes montagnes et auprès de ce même ami que Pietro tentera de se réconcilier avec son passé – et son avenir.
Dans une langue pure et poétique, Paolo Cognetti mêle l’intime à l’universel et signe un grand roman d’apprentissage et de filiation.
Roman initiatique (environ 30 années – 1984 à 2014) en trois parties de quatre chapitres chaque fois….: l’enfance entre Milan et les étés à la montagne (de la Grana) avec son père et sa mère; la construction-restauration d’une baita (barma) héritée par Pietro à la mort de son père (avec plus qu’une simple aide de la part de Bruno); le vagabondage de Pietro dans le Monde (notamment dans le Himalaya, tandis que Bruno, duquel Lara (une ex-amante de Pietro devenue la compagne de Bruno et la mère d’une fille) dira « face à la montagne, ni elle, ni Anita, ni ce qu’elle croyait avoir construit avec lui là-haut ne faisaient le poids. » (p.269)
C’est écrit-raconté calmement (en mode « je »), avec un souffle de randonneur, régulier, dans une prose parfois poétique et pourtant simple et d’une force évocatrice avalancheuse. Et c’est comme si on les voyait les névés, mélèzes, rochers, cairns, lacs, sonnailles, solitudes, pierrailles, brouillards,….

Pralognan – 2017
« Il n’y a rien de mieux que la montagne pour se souvenir. » (p. 181) Les moments d’introspection, les moments de re-civilisation (= la surprise de se retrouver après qqs jours « en montagne au milieu de voitures en moins de deux heures de marche…. », je les ai souvent connu, même en tant que randonneur principalement dominicale. Je parle moi-même très peu lors de randonnées, même accompagné de mes amis, observant plutôt la nature, ouvrant l’oreille aux « silences », prenant parfois des photos, essayant de prendre une toute minuscule place dans la grandeur de la nature, en toute humilité….
« ...plus rien ne bougeait à cette heure-là, sinon mes jambes et le torrent, qui continuait de gronder et de gargouiller pendant que le bois dormait. Dans le silence, sa voix se faisait cristalline et je pouvais distinguer les nuances de chaque méandre, rapide, cascade, plus doux sur le coussin de végétation, et plus sec sur la pierraille... » (p. 218
Touché j’étais aussi de ce narrateur qui après la mort de son père va monter sur les sommet que son père a grimpé, seul alors – puisque son fils ne voulait (plus) l’accompagner – et y trouvera dans les petits carnets qu’on met parfois à disposition aux randonneurs, la trace de son père…. et de constater qu’il a dû faire un « détour » par l’Himalaya pour (re-) trouver son père ou plutôt un (autre) père qu’il n’a pas connu. « chaque fois …. j’avais l’impression de revenir à moi-même, au lieu où j’étais moi-même et où je me sentais bien… » (p. 238)
« Les pluies de fin août arrivèrent. Elles non plus je ne les avais pas oubliés. Ce sont les jours qui, en montagne, apportent l’automne, parce que après, quand il fait de nouveau beau, ce n’est plus le soleil d’avant, et la lumière est devenue oblique, les ombres plus longues. Ces bancs de nuages lents, informes, qui engloutissent les sommets, me disaient autrefois qu’il était temps de partir, et j’en voulais au ciel que l’été ait duré si peu.... » (p. 184)

Vue de la Chartreuse sur le Vercors (11.2017)
Bien d’autres éléments m’ont saisi : le pin cembro – déplacé et qui tient à peu près… -,la question de savoir qui aura le plus appris? Celui qui aura fait le tour des huits montagnes ou celui qui sera arrivé au sommet du mont Sumeru ? » (Mandala, Népal) ….
Une bien belle lecture (poétique et plus métaphorique qu’il n’y parait à première vue.
Un livre qui respire, dans tous les sens…!
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