Gabacho

Lu dans le cadre de ma participation au jury du Prix Caillé 

Je parle ici dans mon nom et n’exprime bien entendu aucunement l’opinion du Jury.

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Présentation de l’Editeur

Liborio n’a rien à perdre et peur de rien. Enfant des rues, il a fui son Mexique natal et traversé la frontière au péril de sa vie à la poursuite du rêve américain. Narrateur de sa propre histoire, il raconte ses galères de jeune clandestin qui croise sur sa route des gens parfois bienveillants et d’autres qui veulent sa peau. Dans la ville du sud des États-Unis où il s’est réfugié, il trouve un petit boulot dans une librairie hispanique, lit tout ce qui lui tombe sous la main, fantasme sur la jolie voisine et ne craint pas la bagarre… Récit aussi émouvant qu’hilarant, Gabacho raconte l’histoire d’un garçon qui tente de se faire une place à coups de poing et de mots. Un roman d’initiation mené tambour battant et porté par une écriture ébouriffante.

La traductrice Julia Chardavoine est la lauréate du Grand Prix de Traduction de la Ville d’Arles 2017 pour cette traduction de l’espagnol (Mexique) – décernée en novembre 2017.

Livre réjouissant qui pour moi se scinde en deux parties : une partie qui décrit la galère d’un jeune mexicain qui à traversé comme tant d’autres le Rio Grande et s’apparente à un récit d’initiation (notamment à la littérature et la langue) avec un zeste de roman d’amour (les moments amourachés de Liborio pour Aireen sont tout simplement magnifiques dans leur ton naïvement-poético-réaliste).

« Dans ces romans de merde que je lisais sur la mezzanine ou dans le parc Wells, l’amour, ça commençait pas comme ça ; c’était toujours plus rationnel, une sorte de casse-tête élaboré par l’écrivain pour en faire une construction fictive et véridique, où dès la la première ardeur, les amants finissaient par s’embrasser. Franchement, la littérature, ça ressemble en rien à cette chienne de vie. En ce moment bouillant, tandis qu’Aireen dissipe mes douleurs, j’ai la poitrine qui s’ouvre en deux pour accuillir les paroles au plus profond de moi « Je crois qu’on va devenir de good friends, tous les deux, you know. »  (p. 144)

Dans la 2e partie (c’est moi qui dit « partie ») Liborio se trouve dans un centre d’accueil de jeunes et ira trouver sa place (dans la société et parmi les Hommes) comme boxeur hors-pair, ce qui transforme le récit, qui au début, malgré son côté picaresque, est empreint d’un regard dur sur la réalité de migrants (et de la société qui les tolère quand cela les arrange) deviendra progressivement un conte, genre « A star is born », optimiste, moins jouant sur le décalage de la dureté du passé (et de la sur-vie de Liborio ) avec une langue métissé, inventive que nous offrant une belle histoire (story telling) « positive » (comme assagie par la littérature.

Une (toute) petite idée du mélange d’argot mexicain, de « spanglish », de mots anciens, de mots inventés… :

« Pourquoi y a presque pas de femmes écrivains dans les rayons, Boss? – Bonne question, le pédoque mononeuronal. J’en sais rien; peut-être parce qu’elles savent mieux embrasser que nous et qu’elles ont pas besoin de cette connerie de littérature pour se libérer de tous leurs complexes, de toutes leurs putasseries. » (p.305)

ou plus violent :

 » Je me tords le cou pour voir qui est en train de me toucher l’épaule. Et là, c’est un poing cuivré que je vois s’approcher de ma pommette à vitesse grand V. Même pas le temps de scaphandrier mes yeux. Je me fais éjecter du banc, halluciné, le cul au sol. Des étoiles. Puis du sang qui coule de ma bouche sur mon torse.
 » Sale peau-rouge « , continue ce vagapéteux, ce gros kéké. Il est raide dingue de la gisquette et la suit partout comme un clébard.  » On va voir ce que tu as dans le ventre, choureur-de-culs, tafiole ! Qui t’a dit que tu pouvais défendre un cul qui n’est pas à toi, hein ?  » «  Grosse bastoooon « , crie la grande gueule qui rapplique avec sa meute quand il me voit étalé sur le pavé plein de mole.  » On va le défoncer à coups de batte cet enfoiré.  Je sais pas combien ils sont. Ils sont tous agglutinés, à me fusiller à coups de pied. J’ai l’impression de me faire défoncer de tous les côtés par une armée de fourmis chevelues. Je me couvre la face et rentre dans ma coquille histoire d’occuper le moins d’espace possible entre leurs pieds. J’aperçois encore les voitures rouler, et puis soudain, plus rien, plus que des coups de pied. Un, deux, trois, quatre, mille, huit mille. » (p.18)

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Par moments, notamment vers la fin (apprentissage de – et succès avec la boxe), le roman m’a fait penser à « Fief » (de David Lopez)  (qui par rapport à ce Gabacho est presque du Proust)….. et ce qui est « drôle » (pardon) c’est que le sort des immigrés aux Etats-Unis (et celui des migrants en Europe) résonne comme une ligne de basse lourde sous-jacente ….

[Calle 13 – une musique que Liborio adôre…]

 » Cette saloperie de musique, ça m’a toujours aidé à calmer les sauterelles que j’ai dans la tête. Comme si ça assoupissait mon âme à l’oblique, comme si j’avais des ondes oléagineuses qui s’imprégnaient dans le marteau, dans l’enclume, dans l’étrier, et cessait de m’appartenir. La musique, quand elle piaule, mélodique, dans les méandres de mon esprit, ça m’aide à arrêter de sauter dans tous les sens et à rester en place, somnolent, fixé à la surface de la chair.  » (p. 204)

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A propos lorenztradfin

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5 commentaires pour Gabacho

  1. MALS dit :

    Pour moi ce ne sont pas deux parties mais deux niveaux d’écriture, et ceci me fait avoir des réserves sur le livre.

    Aimé par 1 personne

    • lorenztradfin dit :

      On voit/dit – avec une perspective différente la même chose…. faudra en effet lire la VO pour voir si là aussi – dans la 2e partie – il y a cet « apaisement » dans l’écriture reflétant l’autoroute que prend la vie de Liberio….. Merci d’être passé – et dans l’espoir qu’on se recroisera (bientôt et en bonne santé) ….

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  2. MALS dit :

    … cet apaisement…

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