Amine est de retour chez lui, dans le sud, Languedoc (Sète dit le dossier de presse). Ce qui est sûr, c’est au bord de la mer : il y retrouve ses amis, sa famille et la belle Ophélie… qui cependant sera « avec » Tony, tout en étant fiancée Benjamin (qu’on ne verra jamais)….
Quelle entrée en matière…. soleil, vélo et Mozart….. Amine passe devant la maison d’Ophélie, voit la moto de Tony (c’est son cousin), et sera témoin (voyeur, avec ses yeux de cameraman/photographe) de débats charnels : Ophélie est en train de faire l’amour avec Tony…. elle aura des jambes tous flagada après…..
Kechiche s’est librement inspiré du livre « La blessure, la vraie » (de François Bégaudeau), mais n’en a gardé que l’ossature (des jeunes en vacances estivales, mer, bars, boîtes et émois amoureux) et y a rajouté un zeste autobiographique (c’est lui, Amin) et s’applique à transcrire en images les émotions, les corps (jeux dans l’eau, en train de danser dans les bars et discothèques) et des âmes.
Point de véritable intrigue dans ce film, Kechiche pose sa caméra et filme « la vie », peint un hymne au désir, au « naturel » (pas seulement à travers les dialogues – souvent d’une vérité frappante), , mais aussi celui de la nature comme le montre une double mise bas de brebis… « miracle de la vie »)….
Le rapport à l’événement et son impact culmine dans une séquence merveilleuse où Amin attend l’accouchement d’un agneau qui se retrouve justement jeté au monde par sa mère. La patience documentaire avec laquelle filme Kechiche vient tout d’abord invalider le cliché « naturaliste » qui colle à son auteur, puisqu’elle montre dans la dramaturgie même comment l’événement n’est pas subordonné au récit mais bien que le récit est subordonné à l’événement : il nous est ainsi distinctement dit que Amin attend la mise au monde le matin et, pourtant, c’est bien de nuit que l’accouchement, en tant qu’événement documentaire, se produit – et c’est bien ensuite comme un fait nocturne qu’il sera évoqué dans un dialogue entre Ophélie et le héros. Outre ce rapport au réel, ce qui se joue entre l’expérience et son impact ne s’affirme désormais plus comme binaire – la frontière du champ-contrechamp qui sépare le photographe de son sujet se retrouve même abolie quand la brebis, à la surprise d’Amin, fait une embardée vers lui pour jeter au sol un second agneau – mais comme circulaire : Kechiche ne filme au fond que ça, des allers et retours entre ce qui se passe et la manière dont Amin absorbe ce qu’il regarde. (www.critikat.com)
Morceau qui passe au moment de la mise bas ….:
…. Kechich laisse courir/ fait durer ces instants, rajoute une B.O. intéressante et très très variée : Classique : Laudate Dominus (avec C. Bartoli), « Sonata n°1 in G minor (Bach), Disco & Dancfloor (bcp de scènes de danse : « Fly Away With Me », Tom Walker, « Pump Up The Volume (M/A/R/R/S) , « Sing Hallelujah » – Dr. Alban…) une louchée française « Osez Joséphine » – Alain Bashung et l’hymne … »San Francisco » – Scott McKenzie…. Enfin du Raï….
Melting pot parfait dans un monde (encore presque parfait, ou les touristes filles vont encore facilement avec des Français de souche tunisienne… )… je dirais au regard de l’évolution de notre société un rêve, une utopie des années post soixante-huit, un monde avant le cloisonnement…. Le film crée chez des spectateurs de ma tranche d’âge un regard presque mélancolique sur les émois d’une jeunesse que nous gardons dans la tête (le cœur) mais qui s’est évanouie, il ne faut pas se voiler la face. J’ai pensé d’un coup à mes étés de jeunesse (Interrail, le monde des possibles, le soleil d’Espagne ou de la Côte d’Azur…. ) De plus, Amin m’a rappelé mon comportement d’alors, plus proche du sien que de son cousin Tony…. le film a déclenché des résonances, donnés des envies d’été…
Ce qui n’empêche pas que je le trouvais (malgré tout) trop long ce film, malgré des acteurs sympathiques… Théoriquement je comprends l’approche de Kechiche (notamment quand du point de vue d’Amin il observe la danse d’Ophélie en boite (curieuse hauteur de la caméra scotchée sur ses belles courbes – Verhoeven y rajoutait qqchose en plus dans « Showgirls » ) – je ne suis pas loin de penser comme Michel Ciment :
Libération a très bien dit que c’était un film avant tout sur le cul des femmes et même sur le cul en général, qui moi m’a véritablement gêné. Il y a les pages société dans les journaux, et les pages culturelles. Dans les pages société on a depuis cinq mois des revendications féminines certainement souvent très justifiées sur le regard masculin, et là dans les pages culturelles, ça ne gêne absolument plus qu’une caméra filme des fesses en permanence ! Abdellatif Kechiche se défend en disant « en peinture, il y a des vénus callipyges* » – oui mais un tableau on le regarde dix minutes, pas trois heures…
Je sors donc du film partagé – bluffé par la capacité de Kechiche d’enregistrer le naturel des jeunes, mais freiné dans mon enthousiasme par une volonté trop appuyé de faire durer les scènes, sans qu’il y ait toujours une situation nouvelle qui en est générée….
*
« Du temps des Grecs, deux sœurs disaient avoir
Aussi beau cul que fille de leur sorte ;
La question ne fut que de savoir
Quelle des deux dessus l’autre l’emporte :
Pour en juger un expert étant pris,
À la moins jeune il accorde le prix,
Puis l’épousant, lui fait don de son âme ;
À son exemple, un sien frère est épris
De la cadette, et la prend pour sa femme ;
Tant fut entre eux, à la fin, procédé,
Que par les sœurs un temple fut fondé,
Dessous le nom de Vénus belle-fesse ;
Je ne sais pas à quelle intention ;
Mais c’eût été le temple de la Grèce
Pour qui j’eusse eu plus de dévotion. »
— La Fontaine : Contes et nouvelles en vers – Conte tiré d’Athénée.
J’hésite, j’hésite…
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je comprends…. mais saches qu’il y a de beaux moments « instantanés » comme captés dans le réel…. vas-y un jour de pluie…. il offre bcp de soleil !
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J’appréhende de le voir. Je crains que ce soit une épreuve même si ton « soleil et Mozart » est aguichant. Je vais essayer de me forcer un peu pour me faire ma propre opinion.
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Ca y est, je l’ai vu. J’ai davantage aimé que ce à quoi je m’attendais, même si j’ai quelques réserves. 🙂
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… en effet, il y a des moments « lumineux captés sur le vif » et avec du « souffle »…. impatient de lire ton article…
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Je l’avais déjà écrit. 😉
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