Film d’une élégance rare – comme son affiche……
Synopsis de allociné :
Dans le Londres des années 50, juste après la guerre, le couturier de renom Reynolds Woodcock et sa soeur Cyril règnent sur le monde de la mode anglaise. Ils habillent aussi bien les familles royales que les stars de cinéma, les riches héritières ou le gratin de la haute société avec le style inimitable de la maison Woodcock. Les femmes vont et viennent dans la vie de ce célibataire aussi célèbre qu’endurci, lui servant à la fois de muses et de compagnes jusqu’au jour où la jeune et très déterminée Alma ne les supplante toutes pour y prendre une place centrale. Mais cet amour va bouleverser une routine jusque-là ordonnée et organisée au millimètre près.
Dès les premières minutes le spectateur est happé a) par le « ballet » matinales des ouvrières qui arrivent dans la maison Woodcock, b) un pdj typique de Monsieur pris avec sa sœur ET la copine du moment, c) le même Reynolds en contact avec « ses » robes et ses clients » (les vêtements crées sont inspirés, parait-il, par Balenciaga) ….avant d’assister un peu plus tard au jeu triangulaire entre Reynolds – joué par un Daniel Day-Lewis parfait, Alma (l’âme ?, càd une femme-fille (« sans seins ») dont on ne sait/saura pas grande chose à part qu’elle était serveuse dans un hôtel-restaurant et qu’elle deviendra l’égérie et bientôt femme mante de Reynolds, jouée par la luxembourgoise Vicky Krieps et enfin la sœur de Reynolds, Cyril, incarné ambigument par la majestueuse Lesley Manwhile. Pour moi, le film est tout simplement sublime de par une écriture subtile et nuancée, une mise en scène toute en sensualité, d’ellipses parfaitement maîtrisés et un jeu d’acteurs époustouflant.
Les avis sont toutefois un peu partagé – pas mal de spectateurs restent « en dehors » ou « de côté » : ainsi un spectateur critique sur allociné (Yves G) :
Quant au personnage principal, il est interprété par Daniel Day-Lewis, un des plus grands artistes contemporains, le seul à avoir jamais emporté trois fois l’Oscar du meilleur acteur (en 1990 pour « My Left Foot », en 2008 pour « There Will Be Blood » et en 2013 pour « Lincoln ») en attendant un quatrième peut-être pour ce « Phantom Thread » où il est nominé. Il est bien sûr terriblement séduisant dans le rôle du sombre Woodcock. Mais sa voix volontairement fluette et son jeu étonnamment monolithique – surtout si on le juge à l’aune de l’immense talent de cet acteur – finissent vite par lasser. Venons-en à l’essentiel : le propos du film. On lit qu’il s’agit d’une vengeance féminine. « Phantom Thread » serait l’histoire du renversement d’un lien de domination. Il est difficile de discuter du comportement d’Alma sans révéler top hardiment le contenu du film. Mais je puis dire que la décision qu’elle prend, et qu’elle prend à deux reprises, pour renverser ce lien de domination, est radicale et surprenante, pour ne pas dire dénuée de toute crédibilité. Quant à la réaction de Woodcock, surtout à la seconde occurrence, il faudra que des spectateurs plus perspicaces que moi – et plus versés dans les relations de domination au sein du couple – me l’expliquent.
Pour être honnête j’avais même un peu « peur » de voir ce film puisque depuis « There will be blood » (déjà avec DDL) je n’ai plus pu apprécier un film d’Anderson…. mais je n’ai regretté aucune seconde de ce film au-dessus du lot de la production cinématographique courante…
Il n’y a pas beaucoup d' »action » dans ce film, le récit avance par petits pas, il n’y a pas de scènes d’amours (ni de nu) – dans le sens classique…. en effet, ce sont les repas, les plats qui sont montrés de « manière quasi pornographique » (Cahiers du Cinema)…
Pour réagir à qqs remarques de Yves G. : pour moi DDL est loin d’avoir une voix monolithique – s’ajoute à la voix une présence et des regards parfois tendres, pétillants d’une justesse éblouissante (une personne de notre groupe a été comme hypnotisée par lui…!!!). Moi, je ne vois pas de « vengeance » dans le comportement de Alma, mais juste un souhait de voir Reynolds « infantilisé », en état de cette fragilité, qu’elle sent exister derrière ce monolithe de sévérité froide et de rigueur, absorbé par son travail….
Par ailleurs, la reconstitution des années 50, de la vie dans une maison de couture – et le travail qui y est réalisé et surtout ensuite la mise en place du récit avec des ellipses temporelles qui parfois permettent d’installer une ambiguïté (on se demande ainsi un moment si on ne se trouve pas dans un thriller – du côté de « Rebecca »), se pose des questions sur le comportement de Alma (dont on ne sait rien, tandis qu’on sait « presque » tout de Reynolds…
Pour moi, passionnant … et d’une beauté fulgurante…. mon premier coup de cœur cinématographique cette année !
L’excellent blog de Newstrum n’est pas loin de partager mon enthousiasme – avec une réserve (notamment sur la musique – qui ne m’a pas dérangé, puisque multiforme – et sur la scène qui perturbe pas mal de monde si j’en crois aux remarques glanées à gauche et droite et qui fait dire aux Cahiers du Cinema : « Film plus déstabilisant que bouleversant » :
newstrum.wordpress.com/phantom-thread-de-paul-thomas-anderson-fil-fantome/
Mais quel plaisir de voir un travail d’orfèvre – allez, pour comparaison, voir « Retour d’un héro » (avec votre/notre Dujardin national…. ) : ….vous verrez la différence ente un film « au sabots de plomb » ou fait « à la truelle » et un film d’une élégance étrange et rare ! – Par ailleurs, je ne ferai même pas de compte rendu de ce navet …. pourtant vu pour me détendre ….
PS
Ce qui n’a (presque) rien à voir, mais j’ai eu un coup de foudre pour …..le manteau porté (dans plusieurs scènes du film) par Daniel Day-Lewis.
Ce qui m’a permis de lire qqs articles (fort intéressants) sur le(s) soin(s) apporté à la reconstitution (historique) et sur le travail du costumier … j’y apprend aussi que je peux faire une croix sur le manteau …
Lastly, we have Reynolds’ blue herringbone overcoat. He wears this with everything, whether it’s over his suit or with his country attire (seen above). It appears as a standard three button coat, but upon closer inspection you’ll see that it has a raglan sleeve and big patch pockets, perfect for stuffing your hands into….
https://streetxsprezza.wordpress.com/2018/01/18/the-style-of-reynolds-woodcock-in-phantom-thread/
Film passionnant ,acteurs éblouissants ,en effet J’ai adoré
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« passionnant » – en effet un adjectif que j’aurai pu utiliser aussi !
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Ohlala lala ! Sur ma liste d’indispensables, parce que quand même DDL…irrésistible, magnifique, un des plus grands de sa génération, enfin moi il me fait craquer totalement . L’idée que ce soit son dernier film me rend triste. Merci Bernhard de ce partage, j’ai hâte de voir ça.
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…. et c’est vrai qu’il est craquant (quand il sourit ! et « te » regarde….). Sache que notre amie commune Martine fait partie des spectateurs/-trices qui sont « resté(e)s au bord du chemin » .
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Merci pour le lien ! C’est sûr que c’est au-dessus du lot de la production actuelle en général, a fortiori d’un film sans prétention comme Le retour du héros. Un film admirable par bien des aspects, mais que j’ai plus admiré qu’aimé passionnément.
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Comme les Cahiers donc ! Merci pour les rafraîchissements cinématographiques. … ton article sur Johnny guitare donne envie de le revoir. ….
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De rien, c’est le but !
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Voilà un article à l’enthousiasme communicatif dans lequel je me retrouve parfaitement !
Je trouve que sur ce coup, les Cahiers sont un peu bégueule (et les Inrocks, j’en parle même pas). Mieux vaut lire ce qu’en pensent les critiques de POSITIF, dans trois superbes articles très pertinents.
Evidemment, je valide l’ensemble des points positifs sur ce film admirable, d’une précision remarquable, de la haute-couture cinématographique.
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