Ramené d’Allemagne – le dernier né de Juli Zeh (l’auteure dont je vous ai parlé après la lecture de « Unterleuten » traduit en français sous le titre « Brandebourg »
https://www.actes-sud.fr/brandebourg/index.php#leLivre
Il y a quelques années Juli Zeh a avoué à Telerama son rêve : d »‘Ecrire un jour un roman qui inclurait tous ces points de vue, toutes ces questions ensemble. « En attendant, elle continuerait de regarder les sociétés contemporaines, et d’imaginer des fictions qui sont chacune comme un coup de sonde, puisque ce qui l’interesse de plus dans la littérature comme lectrice et comme auteure : qu’elle soit le miroir de notre temps, de ce que nous vivons.
Avec son nouvel opus, un thriller politique et dystopique de l’ère post-Merkel & Trump II (cela se passe vers 2025 surtout dans la ville de Braunschweig), J. Zeh nous relate, avec une langue simple d’apparence (très thrilleresque) mais plus dense et profond à 2e vue,
les « aventures » de Britta Söldner (le nom de famille en allemand = « mercenaire » (!) et de son ami (gay) Babak Hamwi atour de leur petite entreprise « Die Brücke » (le pont).
Britta, la pragmatique : » avec un visage qui est mignon mais ne reste pas longtemps en mémoire. Vêtements coûteux, mais sans effet de signal. Les cheveux blonds coupés trop courts pour vouloir plaire. Taille moyenne, moyennement mince, une femme sans vice et sans passion (l’allemand « Laster und Leidenschaften » – sonne mieux avec son allitération), qui mange en quantités modérées, qui aime modérément, pratique le sport avec modération. Une moyenne vécue… et ainsi de suite, une vie vécue sur une ligne droite, jusqu’à la fin…. »‘(p. 155 – traduction approximative par moi)….
Officiellement leur entreprise offre des stages thérapeutiques pour coacher/soigner des candidats au suicide… cependant ce n’est qu’une couverture, puisque grâce un algorithme et une série de tests (12 phases) les deux loustics poursuivent un business qui consiste à trouver pour des ONG, des mouvements politiques et ou écologiques, des personnes qui certes suicidaires, veulent mourir, avec conviction et sans regrets, pour une « bonne » cause … acteurs donc d’actes à haute visibilité médiatique (le code éthique de la boité dit cependant : pas de victimes collatéraux humains…)
Contexte socio-politique : Le mouvement des Citoyens Inquièts (Besorgte-Bürger-Bewegung – BBB) a gagné les élections et le gouvernement adopte un « pack efficience » (Effizienzpaket) après l’autre et réduit à vue d’œil les droits fondamentaux, sans que cela semble susciter des remous chez les électeurs, qui de toute façon s’adaptent, ne s’intéressent plus à la politique, et ont perdu tout espoir d’un avenir meilleur. Ah oui, le gouvernement a par ailleurs introduit un revenu de base inconditionnel…. (« Le BBB n’est peut-être pas très démocratique, mais quelques idées sont vraiment pas mal, non ? » (p. 221)
Avec l’avènement d’une entreprise « concurrente » la vie ordonnée de Britta (et de sa famille – en effet, elle est marié, a une enfant) éclate en mille morceaux…..
(c’est comme ça que je me me présentait la maison de famille de Britta)
Au début je pensais « même » lire un n’ième thriller avec un zeste de portrait acide de la bonne mittelklasse (classe moyenne) supérieure allemande – bien persiflée… avant de comprendre que son roman, comme tous ses livres, est une construction qui permet de traiter des questions actuelles en y offrant l’occasion à toutes parties prenantes de s’exprimer (ou d’y trouver leur expression).
Sur certains aspects il y a un peu de Houellebecq (le sexe en moins), un cuillerée de Yasmina Reza, mais tout tellement ancré dans la société allemande que je m’imagine mal que ce livre, dans sa version française, aura bcp de succès dans l’Hexagone.
Des fois des métaphores/images qui font mouche et/ou rire :
« le bois de Ölpe n’est pas très vaste, mais luxuriant et abondant, une réserve née par hasard entre ville et autoroute, idéale pour sortir son chien, pour le trafic de drogues ou le premier baiser » (p. 175)
Dans l’ensemble une agréable lecture passe-temps (et presque page-turneresques) qui se rapproche (dans son écriture) souvent d’un scénario d’un film, avec un martèlement (toutefois pas trop gênant) de quelques messages au lecteur qui hésiterai encore dans son choix entre « machine à laver » ou « droit de vote » (76% des interrogés choisiraient la machine à laver) Un de ces messages à retenir serait donc : « Nous sommes responsables de notre avenir et devons faire qqchose sinon ça deviendra encore pire… »
J’attends la traduction avec impatience. Pour le succès, sait-on jamais…
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T’auras une médaille !
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