« Tu sais, Catherine, les gens ont quand même une vie intérieure »
Oraison funèbre et « réparatrice » de Catherine Cusset qui s’est trouvé sur la « short-list » du Goncourt. Mon premier livre lu en mode « électronique » (Merci Babette !) – expérience plus fatigante qu’en mode papier (après une journée de travail sur écran PC).
Le sujet est « Thomas Bulot » un homme charmant qu’elle rencontre quand elle a 26 ans (et lui 18 !). Il deviennent rapidement amants (c’est une « amitié érotique » et non pas l’amour). Ce sera rapidement terminé, mais les 2 resteront amis.
Thomas B. s’est donné la mort et Catherine Cusset s’adresse à lui à la 2e personne :
« J’ai eu le temps de me rendre compte qu’il n’y avait aucun ami que j’aimais davantage, personne qui me fasse sentir plus vivante, et que cela était dû à quelque chose d’exceptionnel en toi qui t’illuminait. Le rire. »
Thomas est donc beau, (très) intelligent, brillantissime même – par ailleurs, n’ième clin d’œil, il porte le même nom que le narrateur de Insoutenable légèreté de l’être (Kundera) – voir p. 71) , séducteur paré d’un côté de « looser » (qui s’expliquera – sorry pour le spoiler) par une bi-polarité qui sape(ra) tout (toutefois : 2 lectrices de notre Club disaient qu’elles auraient bien aimé le connaitre ce mec, et voyant ma mine déconfite elles ont rétorqué : « Bernhard, tu ne peux pas comprendre, c’est un truc de filles« ).
C. Cusset parle ainsi elle-même de son travail dans un entretien accordé au « poulailler » :
« Les soixante dernières pages ont toujours été là, c’est d’elles qu’est sorti le roman, je ne les jamais retravaillées. En revanche, les cent pages que j’ai écrites il y a huit ans sont celles sur lesquelles je suis le plus revenue. Au fil du temps, je suis passée d’un projet à un autre : raconter une amitié, écrire un livre de deuil, et enfin, écrire le roman de la vie de Thomas. » http://le-poulailler.fr/2016/10/lautre-quon-adorait-ou-la-loi-de-la-gravite-entretien-avec-catherine-cusset/
Ce livre est donc : raconter une amitié, un livre de deuil, et enfin, le roman de la vie de Thomas ou l’archéologie d’un désastre annoncé, écrit par une personne qui dit d’elle-même (p. 173): J’ai un certain talent pour la description (ou aussi p. 32: « j’enseigne déjà en fac. Je suis normalienne, agrégée de lettres classiques. Je viens de passer deux ans à Yale. Ça, c’est mon CV. »
Texte riche en Sade, Proust (Thomas écrit une thèse sur lui), métaphores en masse, des moments de presque-roman-de-gare harlekinant, réhaussé par un zeste de David Lodge (et ses « campus novels » – genre « changement de décor »), un peu de sexe aussi (sans effet sur la libido, je vous rassure), parfois certes fascinant, mais quand même un peu cyniquement nombriliste et auto-fictionnel ou vu par les lorgnettes de personnes bien assises dans leur tour d’ivoire (eh ben….quand elles se racontent leur vie entre les States et la France…. ).
(contrairement à Thomas B. je ne voyage pas fréquemment entre NY – les States & la France – photo prise en avril 2013)
Léo Ferré joue également sa musique: Avec le temps donne une ligne pour le titre et résonne ailleurs, avec le Jazz et l’Opéra (Wagner/Parsifal) et l’iPod :
L’autre qu’on adorait qu’on cherchait sous la pluie
L’autre qu’on devinait au détour d’un regard
Entre les mots entre les lign’s et sous le fard
D’un serment maquillé qui s’en va fair’ sa nuit
Avec le temps tout s’évanouit
Il y a des moments qui nous touchent un peu, d’autres sont moins prenants et presque « énervants » car répétitif aussi. Je dirais rétrospectivement que C. Cusset sait plutôt bien « décrire » la naissance d’une relation, ce moment ou tout bascule, ou on se perd et exalte (et Thomas en a connu de ces « histoires » là – Sybille, Elisa, Ana…. – liste longue comme celle des films vus et musiques entendus par cette « élite » …. .mais à la longue c’est Le Monde qui le dit bien (à mon avis): « ….portrait de Thomas, les deux cents premières pages se consacrent à la description des goûts, modes de vie et agaceries des normaliens et affiliés. Une sorte de « Normale-Sup porn »comme il existe sur les réseaux sociaux du « foodporn » ou du « nailporn »…..le dernier tiers du livre, qui relate la dépression du héros, est heureusement plus habité, humain, s’astreignant à comprendre de l’intérieur le désespoir de son personnage, pour se terminer par un appel épicurien à la vie : « J’ai eu le temps de comprendre à quel point je t’étais inférieure, avec mon esprit rationnel et pratique. Mais au moins, je fais : la page blanche ne m’arrête pas ; je n’ai pas peur de la médiocrité. » Ça doit être cela, en effet, qui nous a tout du long manqué : un peu d’empathie pour le sentiment tragique de la vie. (Eric Loret – 27.10.2016)
Finalement le livre comporte déjà sa propre critique dans ses pages :
« Tu les connais, ces romans écrits par des khâgneux : ça se veut intelligent, ça se regarde le nombril, c’est chiant. Mieux vaudrait s’abstenir… « (p. 36)
Oh ! Que j’aime cet article sur un livre que je vais soigneusement éviter ! Sourire du matin, merci Bernhard !
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Hah….de toute façon ce n’est pas du tout le genre de livre que tu lis « d’habitude » (et moi je ne l’aurais pas ouvert sans notre « challenge » du Livre Inter) – je l’avais feuilleté à la rentrée et avais opté contre…… (avis confirmé !)
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