Livre lu dans le cadre du Prix Pierre-François Caillé 2017*. Je parle ici en mon propre nom et aucunement ni au nom du Jury ni de celui de la SFT.
Lecture pour la pré-sélection 2017 :
« Psychiko » de Paul Nirvanas alias Pétros Apostolidis (1866 – 1937) journaliste, poète, médecin militaire et romancier grec. Le roman publié par Mirobole Editions a été traduit par Loïc Marcou (Le Roman policier grec (1953-2013). Essai sur les enjeux littéraires et socio-historiques d’un genre en Grèce, Paris, éd. Pétra) et peut être considéré comme le tout premier polar grec (L. Marcou écrit une belle postface sur le roman policier).
« Psychiko » (la traduction du titre donnerait « Le crime de Psychiko ») nous relate les « mes-aventures » de Nikos Molochantis, jeune rentier un peu perdu, à la recherche de « son quart d’heure de célébrité » (avant l’heure). C’est qu’il va s’accuser d’un meurtre qu’il n’a pas commis en pensant qu’après avoir dégusté les feux de la rampe et les manchettes (l’intérêt de la presse et de l’opinion publique pour sa belle gueule d’ange et son crime) il s’en sortirait aisément au dernier moment en avouant que c’était une imposture (et en produisant des preuves de son innocence)…. mais rien ne se passera comme initialement prévu.
Il va finalement passer par tous les stades de l’adulation à l’oubli (selon les bons vouloirs de la presse – qui – déjà vautour – n’a rien à envier à ce qui se passe aujourd’hui, à la chasse de bons « sujets » (le « buzz ») et qui se détournera dès qu’il y a un autre sujet plus intéressant (à savoir plus « gore » ou plus « tire-larmes »)… S’ajoute à cela une police pas très au top non plus, un ami traître, un peu d’amour aussi….
Le roman est une véritable curiosité – de notre point de vue ancré dans le 21e siècle – publié à l’époque en feuilleton (ce qui se ressent dans sa structure en chapitres égaux)… critique donc de la presse, de la bonne société hellénique aussi (ahh les femmes visiteuses de prison, souvent argentées friandes du parfum d’un « bad guy » – plutôt présentable, même s’il s’avère effacé et pas aussi « excitant » que la presse et la rumeur ne laissait attendre), un zeste d’ironie et de décalage, un soupçon de « télé-réalité » avant l’heure, l’amusement (du lecteur, abreuvé d’outils sophistiqués de la criminologie d’aujourd’hui) devant le manque d’outils des policiers et investigateurs, une absence de rythme palpitant aussi (ça avance doucement, par grands pas vers la fin), une langue un peu désuète (collant parfaitement avec la période et le style des feuilles de choux) – sous l’influence de Oscar Wilde, Freud et Poe….ou Conan Doyle et Gaston Leroux…
« Après lui avoir offert ces présents (c.à.d. le livre « Mes Prisons » de Silvio Pellico et du « De Profundis » d’Oscar Wilde – nda), les dames et demoiselles de la bonne société athénienne lui demandèrent en échange quelques souvenirs de prison : deux ou trois mots choisis pou un autographe. Elles lui promirent ensuite de repasser le voir puis le saluèrent avec chaleur et quittèrent les lieux, non sans avoir laissé auparavant de généreux pourboires aux geôliers et aux autres membres du personnel pénitentiaire. » – p. 97)
*Décerné depuis 1981 par la Société française des traducteurs (SFT) en coordination avec l’École Supérieure d’Interprètes et de Traducteurs (ESIT), le prix Pierre-François Caillé de la traduction récompense chaque année un traducteur d’édition en début de carrière (ayant à son actif au maximum trois ouvrages traduits et publiés). Pour l’édition 2017, les éditeurs sont invités à proposer des œuvres littéraires de fiction ou de non-fiction (y compris des ouvrages de poésie, théâtre, bande-dessinée, vulgarisation scientifique et technique) traduites en français et publiées en 2016.
Intrigant ! Merci pour ce partage 😀
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