Week-end à 2 films : « Neruda » (de Pablo Larrain) & « Live by night » (de Ben Affleck)
Etant donné que le premier cité est (de loin) le meilleur film des deux, je me permet de débuter par un poème que Pablo Neruda a écrit (en 1924), loin loin avant sa fuite du Chili et l’écriture de son « Canto General » lors de cette fuite-exile qui se trouve au centre du film.
Cuerpo de mujer, blancas colinas, muslos blancos,
te pareces al mundo en tu actitud de entrega.
Mi cuerpo de labriego salvaje te socava
y hace saltar el hijo del fondo de la tierra.
Fui solo como un túnel. De mí huían los pájaros
y en mí la noche entraba su invasión poderosa.
Para sobrevivirme te forjé como un arma,
como una flecha en mi arco, como una piedra en mi honda.
Pero cae la hora de la venganza, y te amo.
Cuerpo de piel, de musgo, de leche ávida y firme.
Ah los vasos del pecho! Ah los ojos de ausencia!
Ah las rosas del pubis! Ah tu voz lenta y triste!
Cuerpo de mujer mía, persistiré en tu gracia.
Mi sed, mi ansia sin límite, mi camino indeciso!
Oscuros cauces donde la sed eterna sigue,
y la fatiga sigue, y el dolor infinito.
Corps de femme, blanches collines, cuisses blanches,
l’attitude du don te rend pareil au monde.
Mon corps de laboureur sauvage, de son soc
a fait jaillir le fils du profond de la terre.
je fus comme un tunnel. Déserté des oiseaux,
la nuit m’envahissait de toute sa puissance.
pour survivre j’ai dû te forger comme une arme
et tu es la flèche à mon arc, tu es la pierre dans ma fronde.
Mais passe l’heure de la vengeance, et je t’aime.
Corps de peau et de mousse, de lait avide et ferme.
Ah! le vase des seins! Ah! les yeux de l’absence!
ah! roses du pubis! ah! ta voix lente et triste!
Corps de femme, je persisterai dans ta grâce.
Ô soif, désir illimité, chemin sans but!
Courants obscurs où coule une soif éternelle
et la fatigue y coule, et l’infinie douleur
[Traducteur : ??]
Pas étonnant que les femmes se sont jetées à ses pieds, non ?
Mais revenons au film de Pablo Larrain (dont – honte sur moi – je n’ai encore vu aucun film) qui porte le titre « Neruda ». Loin d’être un biopic (genre « Dalida » ou « »Jacky »), il se limite aux deux ans de fuite de Neruda avant son arrivée en Europe. Nous sommes en 1947 (après l’élection de Gonzalez Videla – qui mènera une politique de droite (dure) et veut éradiquer les communistes sur le sol chilien). Neruda, sénateur, (joué par Luis Gnecco) va devoir contre son gré fuir, aidé en cela par le parti communiste et ses amis. D’abord avec sa 2e femme Delia del Carril (une artiste-peintre incarnée par Mercedes Moran) ensuite seul. Le scénario du film « invente » la poursuite de Neruda par un policier (Oscar Peluchonneau fils d’une prostitué) joué par Gael Garcia Bernal… (par ailleurs davantage un « aimantage mutuel » qu’une poursuite)
Drôle de film : un peu biopic picaresque teinté d’humour, un peu de film politique , une sorte de western aussi et enfin un zeste de film philosophico-poétique – j’en sortais avec l’impression d’avoir vu un opéra (d’images et de mots mis en musique*) – avec « en soubassement » la voix off du policier poursuivant (« je suis la page blanche à la recherche de l’encre noir ! » …. sachant qu’à la fin l’encre noir deviendra rouge sang….- belle dernière image). Oui, on en prend plein les oreilles et des yeux dans ce mélange de genres.
*Grieg (entre autres Peer Gynt mais aussi Mélodies norvégiennes), Mendelssohn (Meeresstille), Penderecki, Webber et Ives pour ne citer ceux que j’ai retenu…
Le metteur en scène avait après un 1er montage un film de 3h45 (et trois fins possibles – dixit dans une interview dans les Cahiers du Cinema) – il dure 1h48 à l’arrivée (mais restait ainsi encore bcp trop long pour A. qui s’attendait à un film du genre « Il Postino/ Le Facteur » (également autour d’un épisode de la vie en exil de P. Neruda) et reprochait la relative froideur du film, le manque d’émotion. Et c’est vrai que Neruda tel qu’on le montre n’a rien à voir avec la bonhomie d’un P. Noiret.
A l’arrivée, en mon sens, une oeuvre magnifiquement déconstruite au rythme changeant (les premières 20 minutes ont été pour moi simplement éblouissantes), baignant dans une lumière sublime et ou le mot est roi. Les Cahiers du Cinéma concluent cependant dans le n° 729 leur critique du film(p. 36-37 suivi d’une interview) ainsi : « Le brio de Larrain est indéniable, mais ses coutures sont aussi apparentes. Sans doute manque-t-il de quelques « changements de voix« * pour crever sa propre bulle de cinéma qu’il fétichise peut-être à outrance. » [* ils font référence à une scène dans laquelle Neruda, à la demande de sa femme, lit un tract politique avec des intonations de la poésie …]
Une autre voix sur ce film sur un site que j’aime bien :
https://camillesefaitdesfilms.com/2017/01/14/neruda-de-pablo-larrain/
Ils vivent la nuit + Live by night
C’est en juillet 2013 que j’ai lu le roman éponyme de Dennis Lehanne qui sert de base de scénario du dernier film de Ben Affleck.
https://lorenztradfin.wordpress.com/2013/07/10/ils-vivent-la-nuit/
Je disais à l’époque « Pas aussi dense et riche (en partie sombres) que n’était Un pays à l’aube (ou un roman de James Ellroy), mais toutefois un livre qui ne prends pas la tête et constitue une bonne lecture de plage (ou d’alpage). »… et ceci vaut également pour ce film à mon sens.
C’est un bon film du dimanche soir à la télé, une sorte de lettre aux films des années 40 avec un Ben Affleck qui ne veut pas être un gangster et va devoir se repentir (Ben Affleck est ce grand haricot au visage maussade sur lequel on n’aurait pas parié un cent à ses débuts. http://www.letemps.ch). Reconstitution pas aussi visible que dans « Les Alliés », les méandres de l’ascension du petit escroc de Boston qui va devenir grand en Floride (et tomber amoureux d’une belle cubaine ce qui endormira son jugement), cela se laisse regarder sans déplaisir (mais j’ai même consulté un SMS pendant la vision – ce qui veut tout dire sur le degré d' »emprise »). Il était une fois en Amérique, Les Incorruptibles, Scarface, sont quand-même d’une autre trempe.
Les Cahiers du Cinéma quant à eux ne « sauvent des eaux » que 10 minutes de ce film feuilletonesque long de 128 min (sans intérêt).
Neruda cette semaine pour moi. L’autre, je passe. J’ai lu le livre, mais c’est vrai qu’il ne vaut pas – et de loin – Un pays à l’aube. On est d’accord
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ahh quand les esprits se rencontrent….!
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Neruda je dis oui car j’adore l’oeuvre de ce poète, ses livres me suivent depuis mon adolescence, c’est dire…Mais Ben Affleck, j’ai du mal, beaucoup de mal alors tu es le 2ème avis très tiède que je lis, on va attendre qu’il passe à la télé ! 😆 Et encore c’est pas dit ! 😉
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Chtadore !
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Neruda, non, j’ai regardé le téléphone (sms et montre 🙂 tous les quarts d’heure, je devais être trop fatiguée ce jour-là je pense ; j’ai trouvé la fin forte, mais trop long et lent. Je n’ai pas vu le second, à priori pas trop mon style de film mais j’avais adoré Argo alors …
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