J’ai lu le 1er livre de l’auteure du Prix Goncourt 2016 (« Une chanson douce ») pour savoir si je devais m’intéresser ou pas au Goncourt.
Le livre s’est averé une drôle d’aventure de lecteur.
Adèle, l’héroïne vit une vie bourgeoise, travaille dans un journal, son mari Richard est chirurgien, ils ont un enfant, il ignore tout de sa double vie que nous découvrons assez rapidement (les premières phrases du roman : « Une semaine qu’elle tient. Une semaine qu’elle n’a pas cédé. Adèle a été sage…… Mais cette nuit, elle en a rêvé et n’a pas pu se rendormir« ).
Joli tableau mensongère donc : elle pourrait être heureuse (selon les standards lambda)….mais elle est presque en mode automatique dans cette vie, le couple fonctionne sans passion, le mari n’est pas trop porté sur le sexe… le boulot de journaliste ne la passionne non plus, par ailleurs, son fils pas vraiment non plus… et pourtant elle se dit qu’elle l’aime ce fils, comme elle dit d’aimer son mari.
Le « problème » – elle est nymphomane. Il y a là une compulsion, une urgence, une sorte de vertige en elle qui, on dirait, l’aspirent vers les hommes (beaux, laids – elle s’en fout – pourvu qu’ils prennent possession d’elle, vite-fait-bien (?)- fait, sans paroles si possible, et hop qu’ils disparaissent de sa vie… sauf quelques’uns. Cette « débauche-là » n’apporte toutefois pas de jouissance réelle, ne remplit pas sa vie….
Belle idée de mettre sur cette édition de « Dans le jardin de l’ogre » une photo (soft) du sulfureux Antoine d’Agata, même si en fin de compte on ne saura
rien de cette petite mort que l’on recherche dans le sexe, de l’oubli qu’il peut y avoir aussi au moment de la jouissance….
Ceci dit, voyeurs, curieux d’une explication du mystère du désir ou de la femme tout court, passez votre chemin. Certes, il y a quelques passages un peu crûs (p. 126 suivantes étaient pour moi du côté d’une violence qui dépasse largement mon entendement de petit bourgeois), mais Leïla Slimani ne dit quasiment rien de ce que pense le personnage central, Adèle, Mme. Bovary X 2015, et se limite à décrire – sobrement, cliniquement – ce qu’il/elle fait. Ce qui nous confronte, nous les lecteurs, avec un style sec, sans affect, qui titille et maintient une certaine tension dans ce court roman (de 228 pages – en version poche).
Je vous avoue, je suis parfaitement resté en dehors de l’histoire (inspiré de l’affaire DSK dit l’auteure) – le style qui ne permet pas d’empathie y est certainement pour quelque chose. Par contre, je me sentais davantage touché par le moment (et ses suites) de la découverte par le mari du « jardin secret » de sa femme – ahh ces téléphones et SMS… (son envie de savoir et pas savoir), son (in-)capacité de faire le deuil ou de pardonner réellement ….
« Richard a envie d’elle. Tout le temps. Un désir violent, égoïste. Souvent, il voudrait faire un geste, tendre la main vers elle mais il reste là, stupide, immobile. Il pose sa main sur son sexe, comme on met la paume sur la bouche d’un enfant qui s’apprête à hurler. Il aimerait, pourtant, sangloter sur ses seins. S’accrocher à sa peau. …et la laisser le consoler de son grand amour trahi. Il la désire, mais il entend. Les allées et venues des hommes qui ont marché sur elle. Ça le révulse, ça l’obsède. Ce va-et-voient qui ne veut pas cesser, qui ne l’emmène nulle part, ces peaux qui claquent, ces cuisses flasques, ces regards révulsés.… »(p. 226-227)
Roman d’amour (trahi, à l’envers, pervers). Je ne sais finalement pas exactement quoi penser de ce roman, mais il m’a donné envie de lire le Goncourt qui semble promettre une description fine de la psychologie aussi bien de la nounou que des parents des enfants assassinés. Il y a une précision de scalpel dans l’écriture qui m’intrigue.
Pour clore encore une photo de A. d’Agata à propos:
(Antoine d’Agata)
Une photographie qui grince. Elle ne craque pas, elle ne crie pas: elle gémit. Le mouvement n’est pas sec mais continu. Il est arrêté en plein. Sur le vif. La prise est comme une déflagration dont la photo se fait écho. Elle résonne. Ce qui est figé continue à jamais d’être à l’endroit où la chose a été, c’est-à-dire dans l’image. Finalement on comprend, la réalité n’a pas eu lieu: elle a été piégée, saisie et remplacée par un reflet plus bouillonnant qu’elle. Ce que l’objectif a happé ne fait pas partie de l’expérience du monde, n’appartient pas à l’usure de la vie, mais est entré au panthéon de cette banque d’images dont on ne sait lorsqu’on les voit si elles nous apprennent un quelque chose qui apparaît enfin sur l’écran de notre esprit ou si elles révèlent un endroit, un déjà là qui n’attendait qu’à être éclairé. En somme, l’accomplissement n’a pas éteint la flamme. Le fantasme a effectué un glissement à l’endroit de sa révélation. https://www.boumbang.com/antoine-dagata/
Je ne suis pas (encore) du tout attirée par cette auteure et les sujets traités ! Son style ne me déplairait pas je pense mais pour l’instant, pas tentée ! 😉 Cela dit, avec la PAL pleine à ras-bord que j’ai, ce n’est pas comme si je manquais de lectures ! 😀
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Je te comprends bien…. plus je prends distance de ce livre plus je me dis qu’il y a quelques chose de vain, il manque un chouia de je ne sais quoi…. (à part l’émotion tellement absent dans ce livre)
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Intrigantes et belles, ces monstrueuses photos…
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N’est-ce pas ? Je pense que ce photographe provocateur aussi ferait un bon article sur ton blog…. pour moi, il y a une approche bacon-ienne (si on oublie les sujets …)
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Tu as raison, elles m’ont fait cet effet aussi.
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on a beaucoup vu et entendu Leila Slimani, mais je ne suis pas tenté plus que cela par sa lecture
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