Félix sexique

C’est Yv  qui m’a donné envie de lire ce livre de Marcus Malte

« Le Garçon » chez  zulma

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roman qui désarçonne, étonne, emporte, transporte et touche. De roman d’aventure, initiatique autour d’un garçon muet mais expressif, le récit se mue en roman d’amour (intemporel et charnel aussi) pour nous plonger ensuite dans la folie guerrière et une fin triste, apaisée et rapide (les 22 dernières années du garçon sont traitées en  81  sur 534 pages)

Présentation de l’Editeur

Il n’a pas de nom. Il ne parle pas. Le garçon est un être quasi sauvage, né dans une contrée aride du sud de la France. Du monde, il ne connaît que sa mère et les alentours de leur cabane. Nous sommes en 1908 quand il se met en chemin – d’instinct. Alors commence la rencontre avec les hommes : les habitants d’un hameau perdu, Brabek l’ogre des Carpates, philosophe et lutteur de foire, l’amour combien charnel avec Emma, mélomane lumineuse, à la fois sœur, amante, mère. « C’est un temps où le garçon commence à entrevoir de quoi pourrait bien être, hélas, constituée l’existence : nombre de ravages et quelques ravissements. » Puis la guerre, l’effroyable carnage, paroxysme de la folie des hommes et de ce que l’on nomme la civilisation. Itinéraire d’une âme neuve qui s’éveille à la conscience au gré du hasard et de quelques nécessités, ponctué des petits et grands soubresauts de l’Histoire, le Garçon est à sa façon singulière, radicale, drôle, grave, l’immense roman de l’épreuve du monde.

J’avais un peu de mal à rentrer dans le livre (le début = 1908 …. la mort de la mère) pour me laisser emporter ensuite par ce torrent de mots toujours adapté au contexte (lyrique, emphatique, sec, dur, doux) – et la présentation de l’Éditeur ne rend – à mon avis – que partiellement justice au mille-feuille littéraire que constitue ce texte d’une richesse insoupçonnée.

Il y a au moins 5 romans dans ce volume – (décomposé en 1908 -mort de la mere; 1909-1910 – vie dans un petit village perdu dans (les Cevennes?) – 1910-1914 (le roman d’amour magnifique); 1914-1915 (la I. guerre mondiale  dans une écriture que Céline n’aurait pas niée -aérés par quelques – très belles – lettres écrites par Emma à Félix);  1916-1938 )

« …Mon amour, jamais je ne me suis sentie aussi seule ! Je me rends compte que je ne savais pas ce qu’est la solitude. Et c’est une chose terrible. C’est une pierre lisse et noire et dure. Plus dure que le granit. Plus dure que le marbre. Une pierre compacte, sans la moindre fissure. C’est un monolithe que rien ne semble pouvoir briser. Et qui pèse, qui pèse, qui vous écrase.C’est que la nuit est si longue. La nuit n’en finit pas. C’est vrai que j’ai l’impression de devenir folle. J’attends. Je tourne en rond. La chambre. Le tapis. Je marche. Il faut tenir. Tenir. Je prends la plume pour empêcher mes mains de trembler. J’ai peur. J’ai froid. Quand la colère retombe, mon sang se glace. J’ai tellement froid, si tu savais. Marcher, écrire, quel autre choix? Je compte mes pas, je noircis des pages pour tenir jusqu’à l’aurore, jusqu’à tomber, m’écrouler sur mon lit. Il faut bien passer la nuit. Celle-ci et celle d’après. Et celle d’après. Et celle d’après. Combien encore?  Mon amour, encore combien de nuits? E. » » (p. 366/67)

Personnellement, mais cela ne vous étonnera pas, j’étais particulièrement « scotché » par les pages 254 à 314 (notamment les 1ères pages  – anthologiques pour moi : quand sur fond de Verdi, Giuseppe, Emma et le garçon font la vaisselle et vont se toucher la première fois  « entre clapotis et les tintements du verre et les frottements de l’éponge« , elle qui avec son tablier  « tient de la soubrette et de la mariée »  se trouve face au « minuetto aquatique des couverts et des casseroles. Les bulles. Elle lave, il rince. Et cela pourrait se clore gentiment ainsi, mais non. Les choses basculent soudain et la vie s’emballe » (p. 256/257)   ….sur fond de Verdi et son  Bella figlia delle amore avec des pages sur l’amour physique qui sont tout simplement magnifiques. Et les « ahh » et « ô » ne m’ont pas – comme chez bcp de lecteurs fait penser à V. Hugo mais plutôt à Albert Cohen et son « Belle du Seigneur » (la noirceur en moins)….même typologie des monologues et pensées… plus convenu la partie « sexique » (dérivé de sexe et de lexique et la « découverte du berceau de l’humanité…rose ton sur ton » et autres braquemart et mastroquet….

Mais il n’y a pas que du Verdi, nous « entendons » Liszt, Mendelssohn;

Romances sans paroles

il y a du Hugo (et son Quasimodo)… toujours par la bouche de Emma, cette fille-femme-mère immense (et inoubliable).

Parfois Marcus Malte nous insère des pages permettant situer le déroulement du récit dans l’Histoir (avec un grand H) – avec notamment les pages 441 – 452 (de fait une liste de gens tombés pour la patrie … » …..Azza Rafaël, né le 27 mai 1981 à Constantinop^le en Turquie, tué le 28 septembre 1915 à Souain. Azzi Joseph, né le 14 février 1875 à Dosala en Italie, disparu le 28 septembre 1915 à Souain… etc... » ou page 249 : « Cette année-là le %Montenegro et ses alliés de la Ligue balkanique déclarent la guerre à l’Empire ottoman. Cette année-là prend fin la guerre entre l’Empire ottoman et l’Italie.Cette année-là le Nouveau Mexique devient le 47e état des Etats-Unis d’Amérique…. »  – et au mot guerre je pense au tableau d’Orlan : « L’origine de la guerre » – illustration que FB a censuré sur mes pages…

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Encore une sorte de roman totale pour tous les goûts, peut-être parfois avec un trop-plein de mots (mais il faut remplir le vide laissé par un muet, non ?). Je remercie encore une fois Yv pour sa critique qui m’a donné envie….et ceci d’autant plus que j’ai commencé un policier de Marcus Malte (selon ce que j’ai vu dans le net, c’est plutôt dans les romans noirs et la littérature de jeunesse qu’il s’est fait un nom – j’ai commencé : « Garden of Love » – critique à suivre)

Post-scriptum (28.10.2016) :

Marcus Malte a reçu le prix Femina 2016 pour son livre – et pour le plaisir voici un lien vers une critique (avec d’autres liens vers des grands lecteurs) :

https://leslecturesdasphodele.wordpress.com/2016/10/27/le-garcon-de-marcus-malte-%E2%89%A0-mrl2016-avec-priceminister/

 

 

A propos lorenztradfin

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11 commentaires pour Félix sexique

  1. Lecture prévue, bientôt ou plus tard, mais je le lirai

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  2. CultURIEUSE dit :

    Ah c’est d’Orlan! extra ce tableau et surtout son titre…

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  3. Lecture programmée aussi, je garde un excellent souvenir de Garden of love, alors très bonne lecture !

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  4. Asphodèle dit :

    Je viens de le recevoir et je me réjouis à l’avance car je suis fan de Marcus Malte, aussi n’ai-je pas lu ton billet (trop complet il me semble) pour qu’il me reste quelques surprises ! 😀 J’avais adoré Garden of Love mais j’avais dû le reprendre et le lire d’une traite car c’est une lecture trèèès déstabilisante ! J’ai aimé aussi « Les Harmoniques » mais moins et adoré également un recueil de nouvelles « Intérieur Nord »…et d’autres dont je n’ai pas forcément parlé mais cet auteur a tout d’un grand !

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  5. Yv dit :

    J’arrive un peu tard, mais je suis ravi de t’avoir donné cette très bonne idée de roman qui m’a scotché de bout en bout. J’avais déjà lu pas mal Marcus Malte, dans ses polars notamment dont le très alambiqué et maîtrisé Garden of love, mais là, je crois qu’il est encore meilleur.

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