« Schade » – le dernier mot qu’aurait-dit Paula Modersohn-Becker, la peintre allemande ( 1876 – 1907) qui a fait l’objet en début d’année d’une exposition-rétrospective à Paris (expo que j’ai « raté » – mais pendant mes Etudes j’avais la chance d’avoir fait plusieurs voyages dans le Nord d’Allemagne et d’avoir vu ses œuvres à Bremen). Schade – Camillieri
Je viens de lire le petit livre que Marie Darrieussecq
« Etre ici est une splendeur » pol-editeur – être ici
à consacré à cette artiste (méconnue – au moins en France) subjuguée parait-il par la découverte de cette artiste. « Et par toutes ces brèches j’écris à mon tour cette histoire, qui n’est pas la vie vécue de Paula M. Becker mais ce que j’en perçois, un siècle après, une trace« . (p. 50) MD a eu, se dit le lecteur, accès à des tonnes de documentations (notamment les lettres et journaux de Paula). Ce qui lui permet dans un style assez impressionniste de retracer la courte vie de PMB:
Ses rencontres avec le poète Rainer Maria Rilke, ses relations avec sa meilleure amie Clara Westhoff –
(les 3 forment un trio à la Jules & Jim – impressionnant et pour une année Clara et Rainer-Maria seront mariés – ahh ce RM et ses conquêtes !! – MD laisse entendre que Rainer Maria et Paula se cherchaient tout leur vie… – [Quand Rilke aimait Clara et Paula (Die Zeit – en allemand) ], la vie autour la colonie d’artistes de fin siècle Worpswede Worpswede – artistes (en allemand) – sous la houlette de H. Vogeler) (ce Barbizon allemand ), son mari Otto (qui lui peut vivre de son art et vend parfois deux ou même cinq tableaux pour 2000 mark chacun) – il dira admirativement un jour (1902 à la vue d’un portrait de sa fille dans le verger : « Les écailles me sont tombées des yeux […] : ce sera la course, entre elle et moi ». Son sens de la couleur l’éblouit surtout, mais il regrette que l’indépendance voir la vanité de sa camarade entravent parfois ses devoirs d’épouse. » (p. 72) »
Et parfopis Paula semble être en avance de son temps : On dirait un mélange de Matisse et de Cezanne, non ? Peint en 1906 !
Mais ce n’est pas pour ce tableau qu’elle est particulièrement connue. PMB, allemande, adorait Paris et y séjourna plus souvent que je ne pensais. Elle quitte assez rapidement le domicile conjugal (Otto lui envoi parfois de l’argent et viendra même la voir à Paris – n peu à contre-cœur) pour vivre sa vie d’artiste, à la recherche de « soi ». Résolument moderne, elle est – dit Marie D. – la première femme à se peindre nue et enceinte. Ses tableaux nous interpellent soubent, ils ne sont pas beaux et lisses et parfois, par ce regard intense, nous mettent un peu mal à l’aise aussi, à cause de coup de pinceau aussi ?
C’est justement cela que les autorités allemandes vont, en 1935, citer pour classer ses tableaux comme « entartete Kunst ».
Ce tableau nous invite à plus d’une interrogation. L’artiste s’est représentée le haut du corps dénudé et visiblement enceinte. C’est de toute l’histoire de la peinture le premier tableau à représenter un tel sujet, à briser un tel tabou. On ne peut imaginer aujourd’hui l’audace d’une telle oeuvre peinte au début du XXème siècle par un artiste, femme qui plus est, sinon à comparer cet acte avec celui de Dürer se représentant comme le Christ. Enceinte en mai 1906, PMB ne l’est pas. Que peut bien donc signifier une telle démonstration ? Nous serions tentés de la situer entre Désir et Annonciation. Mais à qui s’adresse le “ message” ? A elle-même ? Au mari ? enceinte-espoir
MD nous rappelle par ailleurs que Klimt, en 1907, peint une femme enceinte – qui soulève les ires.
C’est, parait-il le tableau ci-dessous qui a déclenché en MD l’envie de savoir plus sur cette femme. L’auteure (également psychanalyste), qui a mis en branle son envie de voir sur place (Bremen, Worpswede, Essen – Folkswang-Museum) et de se pencher sur cette vie courte et hors du commun. N’oublions pas que Paula va quitter l’Allemagne (et « même » son mari Otto) pour suivre des cours de peinture à Paris (à Berlin les écoles d’art étaient fermé aux femmes jusqu’en 1919… et je lis en détour d’un article sur Kandinsky que ce dernier a fondé avec G. Münter, sa compagne, une des 1eres écoles d’art ouverte aux femmes en 1902 – Phalanx Schule).
Paula montre ce qu’elle voit.
« Les femmes dans l’oeuvre de Modersohn-Becker ne sont ni aiguicheuses (Gervex), ni exotiques (Gauguin), ni provocantes (Manet), ni victimes (Degas), ni éperdues (Toulouse-Lautrec), ni grosses (Renoir), ni colossales (Picasso), ni sculpturales (Puvis de Chavannes), ni éthérées (Carolus-Duran). Ni « en pâte d’amande blanche et rose » (Cabanel, moqué par Zola). Il n’y a chez Paula aucune revanche. Aucun discours. Aucun jugement. Elle montre ce qu’elle voit. » (p. 118)
Le Musée Paula Modersohn-Becker à Breme
Le livre peut parfois agacer par son écriture – mais permet de combler un trou, que dis-je une crevasse dans l’Histoire de l’Art vue de la France pour rendre ce qui est à Paula…. 146 pages malheureusement sans illustration(s) mais qui donnent férocement envie de voir de soi-même et de se mettre dans la peau d’un bon boute de femme vouée à l’art quand cela n’était pas du tout accepté.
Oui, le Klimt a un cadre noir. Tu as trouvé de belles reproductions.
J’aurais aimé voir l’expo, c’était clairement une sorte d’avant-gardiste. Quelle puissance dans sa peinture!
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et ce côté avant-gardiste M. Darrieussecq le présente de manière convaincante et éblouie je trouve.
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Bien sûr, mais globalement le lyrisme de sa prose ne me plaît pas. Je l’ai lu pour PMB. En fait, on me l’a offert.
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