Dans la série de mon soutien au cinéma français – vu ce film de Joachim Lafosse (à perdre la raison, nue propriété) qui nous propose un mélange de Sautet & de Pialat (facile la remarque : c’est Sylvie Pialat qui a co-produit ce film) …
Non, plus sérieusement, des plans de Sautet, l’amour des acteurs et parfois un côté brute, quasi-improvisé devant une caméra souvent plantée au milieu de l’habitation, parfois tout près des personnages….
Un couple se sépare après 15 ans de vie commune, deux enfants de 7-8 ans. Le film commence en pleine séparation, compliquée puisque les deux vivent encore sous le même toit… C’est que c’est elle (la « bourgeoise ») qui a mis (des années auparavant, quand il y ‘avait encore de l’amour) ses économies + un apport de sa famille pour l’acquisition du bien immobilier, c’est lui qui a tout rénové/reconstruit. Lui, il n’a pas d’argent, bosse quand il trouve un chantier, c’est elle qui travaille … L’heure des comptes a débuté, le procès-verbal des plus-values apportées de tout un chacun….. une vie commune réduite aux apports financiers de chacun…..
Pas de pathos, (presque) pas de larmes, ni hystérie (à part deux scènes ou le couple se crie dessus)… c’est, je dirais, presque désincarné malgré les deux acteurs parfaits (Bérénice Béjo et Cédric Kahn)…. quelques scènes seulement insufflent de l’émotion (un dîner – très Pialat-ien – auquel lui n’était pas convié, mais il s’installe quand-même à la table… le silence des invités, leur gêne…. – fort!), un moment de danse des deux filles avec leurs parents, ou Lafosse (nous) touche (très très) fortement – grâce aussi aux jeux des acteurs ou tout passe par les regards ….
Toutefois les phrases sur l’argent, les comptes, les accusations et moments de mauvaises foi (répétitifs, comme des perles brutes, alignés sans véritable crescendo, qqs ellipses) m’ont eu l’air (trop) écrits, un peu passe-partout aussi… avec une juxtaposition un peu mécanique de celui qui vient d’un milieu plus « pôvre » et d’elle d’une famille aisée…. (« à notre époque on restait ensemble, aujourd’hui on jette…Avoir du désir pour la même personne pendant toute une vie, c’est un mensonge…. » dit la mère d’elle…)
Question mauvaise foi : j’ai eu, en tant qu’homme (seulement ?) un peu plus de sympathie pour l’homme qui doit supporter à longueur de scènes une sorte d’humiliation au niveau financier (« elle exagère » je me suis dit)….
Ce qui est drôle c’est je traduis actuellement un (long) extrait des minutes de greffe d’un divorce de 1992 (!) – c’est Mössieur qui était parti pour une autre plus jeune…(donc cela n’a rien à voir, mais ce texte juridique m’a remué et ce film il en rajoute une petite louchée avec ce quasi huis-clos porté par les acteurs – sans oublier les deux filles – pour lesquels ce film vaut le déplacement, si on veut suivre la dialectique de la mort d’un couple).
Pour accompagner le quasi-mathématiquement inéluctable, Lafosse a choisi la musique de Bach – un film avec ce Bach-là ne peut pas être mauvais….
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