Deux femmes, deux films d’hommes. Deux récits et approches qui ne pourraient guère être plus divergents. Deux bases littéraires diamétralement opposées
« Julieta » de Pedro Almodovar (d’après 3 nouvelles de Alice Munro – Hasard, Bientôt et Silence)
Les couleurs/douleurs « habituels », fils d’histoires imbriqués, relations mère enfant (ici mère-fille), la mort, la culpabilité, (pour une fois peu de religion), et tout cela toujours sur un fil tenu au-dessus d’un abîme de « too much« … Almodovar en mode tragique :
Julieta, femme-mère – dont la fille est partie à ses 18 ans et qu’elle n’a plus vu depuis – envisage de quitter l’Espagne pour le Portugal avec son compagnon. Elle rencontre par hasard une amie d’enfance de sa fille qui lui confirme qu’elle a vu récemment sa fille….Julieta abandonne son compagnon (qu va durant toute la durée du film a la surveiller de loin, comme un ange gardien) et s’installe dans l’immeuble dans lequel a vécu quand sa fille était encore avec elle…..et va écrire le récit de sa vie, son odyssée à elle (elle est prof’ de littérature) : La rencontre du père de sa fille dans un train, la vie avec lui, sa mort,…
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Va-et-vient donc entre la Julieta d’une vingtaine d’années et celle dans la cinquantaine (seule – pas tant que cela finalement grâce à la compréhension de son compagnon…. – et une belle volte-face de sa fille par l’intermédiaire d’une lettre bien belle…).
Un peu de Hitchcock (ah ce train, ses tunnels, l’amour qu’on y fait si bien ; la bonne méchante (Rossy de Palma la campe formidablement bien) rappelle « Rebecca » – on sent tout de suite qu’elle ne sera pas nette…..
Une scène bouleversante pour moi :les cendres de son mari disparaissent dans les vagues écumantes de la mer de Galicie). Un bon crû almodovarien avec peut-être un peu moins de pathos mais une tristesse qui va sous la peau.
« Elle » de Paul Verhoeven (d’après le roman de P. Djian « Oh »)
Paul Verhoeven (« Robocop », « Basic Instinct » et le formidable et méconnu « Black Book ») s’est attaqué à un roman de P. Djian et permet à Isabelle Huppert d’étoffer encore plus sa galerie de femmes borderline. (A lire : Les Cahiers de Cinéma ont publié un long entretien avec I. Huppert dans leur n° 723 – et ont longuement interviewé P. Verhoeven dans le n° 722)
Drôle de film, maîtrisé de bout en bout , voguant entre Hitchcock et Chabrol avec cette touche verhoevenienne si particulière.
I. Huppert joue une femme « forte », chef d’entreprise. Un jour un homme s’introduit chez elle, masqué, la viole et s’en va. Toute douleur, souffrance se tapira derrière une sorte d’impassibilité, jamais apparente de cette femme qui ne semble pas s’apitoyer sur son sort. (voir la scène dans un restaurant ou elle annonce lors de l’apéro qu’elle vient d’être violée comme si elle disait qu’elle vient d’acheter de nouvelles chaussures.
Les hommes, aussi bien son ex que son amant (le mari de sa meilleure copine et co-dirigeante de leur entreprise commune) et encore plus son violeur qu’elle démasquera assez rapidement sont vils, lâches, mesquins, faibles aussi ce qui rend encore plus fort et captivant le comportement de cette femme (comme lors de la lecture du livre je reste bluffé de ses actes) https://lorenztradfin.wordpress.com/2012/10/01/oh-lala/.
I. Huppert est sur quasiment tous les plans du films. Elle l’irradie quasiment. S’ajoute à cela une mise en scène d’une sobriété et quelques trouvailles formidables… I. Huppert assise sur le bord de sa fenêtre, se masturbant … et au moment du climax, en face chez le voisin une crèche de Noël va s’allumer, et un des rois mages la « regardera »…
Il y’en a pleine de petites idées de ce type qui jalonnent le film qui s’avère d’une fidélité surprenante du livre de P. Djian (bon nombre de dialogues restent inchangés – j’ai vérifié). Le malaise provoqué par l’idée du livre (une femme violée va chercher le contact et la « répétition du viol » en se rapprochant du violeur démasqué) et encore plus par certaines images (que certains jugent « une apologie du viol » (idée que je ne partage pas).
Un très bon thriller féministe.
Et un très bel article, ami Bernhard !
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Jolie conclusion! Des femmes cinquantenaires, enfin!
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J’ai beaucoup de mal avec Almodovar, je ne comprends rien de son cinéma et pour tout dire je m’y ennuie profondément…
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Je pense qu’avant d’aller voir Elle, certains pourraient lire Oh !!!! et comprendront que le réalisateur est parfaitement raccord avec l’écrivain… je parle en particulier de la « pseudo » apologie du viol. C’est hallucinant d’être c.n à ce point de l’imaginer ! C’était ma brève apparition de la semaine (assez ordurière, je dois le reconnaître)
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Toutafe d’accord avec toi! !!
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