Histoire de la violence – Livre Inter 2016

Non, il ne s’agit pas du roman du film éponyme de D. Cronenberg (avec le grand Viggo Mortensen… non « Histoire de violence » est le 2e opus de Edouard Louis, l’auteur acclamé de  » En finir avec Eddy Bellegueule »

A14988 (1)

Roman qui par ailleurs a défrayé la chronique judiciaire aussi http://prdchroniques.blog.lemonde.fr/2016/03/18/eddy-alias-edouard-reda-alias-riadh-et-le-terrible-juge-bourla/, puisque l' »Histoire » qu’il nous conte est véridique – un viol perpétré sur lui par un homme rencontré par hasard dans la rue (Reda) et le temps d’après le viol.

Drame intime et mini-fresque sociale qui ne m’a – qui sait pourquoi ? – pas du tout touché. Pourtant il paraît, E. Louis l’a répété maintes fois dans les interviews que « dans ce livre, il n’y a pas une ligne de fiction« . (Interview)

Un Noël, avec un froid de canard. Edouard rentre d’une soirée chez ses amis (de beaux livres de la Pléiade sous le bras – Nietzsche, Claude Simon), rencontre le (beau) Reda dans la rue, l’invite chez lui, après des hésitations …(attention – belle phrase : « j’avais envie de prendre son souffle entre mes doigts et de l’étaler sur mon visage. Pourtant je ne répondais pas à son sourire. » (p.53) .

Ils vont faire l’amour, discuter…jusqu’à ce que Edouard constate que son téléphone a disparu…Reda, accusé et acculé va essayer d’étrangler  E., sort un pistolet et le violera avant de s’enfuir avec un « Je suis désolé. Pardon » sur les lèvres.

E. va – après de longues hésitations – déposer plainte au Commissariat – les policiers sont bien entendu homophobe et racistes sur les bords (et il constatera que c’est difficile de raconter les faits …. »je ne comprenais pas ce soir-là comment mon récit ne pouvait ne plus m’appartenir (c’est à dire qu’à la fois j’étais exclus de ma propre histoire et que j’y étais inclus de force puisqu’on me forçait d’en parler, continuellement, c’est à  dire que l’inclusion est la condition de l’exclusion... » (p.54))

E. Louis aurait pu raconter cette histoire de manière linéaire…. non en surdoué de la littérature il rajoute une couche : il a raconté le tout, en détail, à sa sœur…. Cette dernière la racontera à son tour à son mari (et E. écoutera à la porte et constatera que sa sœur ne raconte pas toujours comme il lui a pourtant dit… d’ou des interjections de sa part….). Pour corser le tout, E. Louis (l’auteur) va jouer sur deux niveaux de langues (comme dans « Eddy Bellegueule ») – sa sœur  presque parlé, pas sophistiqué, lui par contre parle « comme un livre »…

J’ai toutefois noté un passage dans lequel, à mon humble d’avis, E. Louis met dans la bouche de sa sœur des mots qu’elle n’aurait peut-être pas (au jugé des passages antérieurs) utilisés (je parle des mots « luire » et « humidifier ») :

« il avait la bave qui humidifiait son visage entièrement, tu vois le truc, et qui lui faisait des petites gouttes brillantes dessus, et l’autre qui disait Qu’est-ce que tu me parles, il braillait et le visage d’Edouard il luisait de sa bave moi j’en aurai vomi. » (p.126)

« OK je sors » comme dirait l’autre. J’ai un a priori négatif (pendant et ) après la lecture. Et même si A. me dit d’avoir beaucoup apprécié « l’humanité que  le livre dégage » moi je n’ai pas marché.

J’ai par ailleurs deux remarques à l’éditeur qui a mal fait son boulot : « il a saisi de nouveau du pistolet » (p.157) et « ils avaiant décidé »  (p.41)

Sinon pour arrondir les angles – j’ai bcp aimé l’expression citée plus haut (« prendre son souffle… ») ainsi qu’un passage du monologue de sa sœur sur « la beauté naturelle » (p. 63) – drôle, méchant et tendre.

Enfin, une scène du livre – (les détails d’un cauchemar : E. se voit enterré et ses amis arrivent en retard à la mise sous terre et déposent une gerbe) m’a fait re-feuilleter « L’Acacia » de Claude Simon – (un des cadeaux offerts par les amis) – cela à une autre gueule quand-même :

« comme le contenu d’une de ces boîtes en cuir sombre qu’ouvre un joaillier, dévoilant soudain l’impitoyable et glacial éclat des pierres, comme une apothéose minérale, l’ultime et triomphal avatar du carbone, des forêts englouties depuis des milliers et des milliers d’années, répandant sa coupante odeur d’éther, d’ozone, comme ces entêtants et coûteux parfums qui s’exhalent des fleurs, des gerbes accumulées dans les chambres mortuaires et qui semblent les émanations mêmes, subtiles et macabres, de ces blocs de neige carbonique disposés contre le corps des défunts préservés quelques heures encore avant d’être abandonnés aux vers et à la décomposition ». (Acacia – p. 138-139)

 

Fin – j’ai lu les dix livres et vais devoir réfléchir lequel des dix je défendrai ….!

A propos lorenztradfin

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7 commentaires pour Histoire de la violence – Livre Inter 2016

  1. CultURIEUSE dit :

    Bon, celui-là non. Mais je n’ai pas vu de chronique sur Echenoz? Jusqu’à présent, c’est 7 qui m’intéresse le plus (en me basant sur tes chroniques).

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  2. Ping : Livre Inter 2016 – Liste des livres | Coquecigrues et ima-nu-ages

  3. Yv dit :

    Pas très tenté par ce titre, je n’étais pas tenté non plus par le premier de l’auteur, je ne suis pas sûr que raconter son viol sous forme soit-disant littéraire soit réparateur, mais je suis sûr que ça ne m’intéresse pas

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  4. Oulah décidément, rien que le titre me donne pas envie/

    Aimé par 1 personne

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