Roman de Liliana Lazar
Roman conseillé par le libraire Marc Behue (Paris XIIe bd Diderot) devant laquelle je suis passé, assoiffé de mots nouveaux … et avec l’assistante duquel j’ai longuement discuté du roman d’Echenoz (nous partagions l’enthousiasme)
Bon conseil – et davantage hors l’autoroute des grands noms que prends le Prix du Livre Inter . L. Lazar nous vient de Roumanie, mais elle écrit en français. Son 1er roman « Terre des affranchis » a reçu – si je lis bien la 4e de couv’- une dizaine de prix.
Ce n’est pas tout gai sur les 269 pages qui commencent comme un « il était une fois » dans les années 70 à Bucarest.
« Dans son logement de misère, Elena avait appris à tout relativiser, des odeurs nauséabondes qui remontaient le long des canalisations jusqu’aux blattes dont l’immeuble était infesté et qu’elle tenait à l’écart de ses vingt mètres carrés à grands coup d’eau de Javel. Même son célibat forcé ne lui pesait pas autant qu’on aurait pu le croire. Toujours vierge à un âge ou d’autres attendaient leur cinquième rejeton, la seule chose qui la tourmentait vraiment était de ne pas avoir d’enfants. Et si elle avait renoncé à l’idée de se marier, elle ne désespérait pas de devenir mère un jour. (p.13)
Elena (une sage-femme) travaille dans une maternité (le lecteur assiste à qqs jours types – tristes). Quelques pages plus loin (les ellipses sont fort bien réussies) elle mettra « la main sur » un bébé (d’une femme qui venait pour avorter (interdit) et qui contre une somme d’argent va aller jusqu’à son terme) …. Elena va, après qqs années (heureuses) à Bukarest fuire la ville (la vraie mère va plusieurs fois re-apparaître) pour se réfugier dans un petit village (Prigor) près de la frontière russe pour « cacher » l’enfant et le garder pour elle toute seule. Elle y occupera les foncions de sage-femme mais aussi d’infirmière. Elle crée là-bas un orphelinat (nous sommes dans la période des Ceausescu – la politique nataliste exige de toute femme de faire – un maximum – d’enfants)…
Description de la vie dans cet orphelinat (faim, froid, violences – sexuelles aussi), mais du quotidien dans ce village sous la férule du maire Miron Ivanov, qui sera son deus-ex-machinae. Une intrigue multiple se déclenche au centre duquel il y a aussi une petite Laura et englobe une période d’une douzaine d’années : Tchernobyl, la mort des dictateurs, la souffrance, les silences des personnages – une fin percutante….Liliane Lazar nous brosse un portrait de cette période sans pathos et proche d’une tragédie grècque.
J’ai souvent pensé au style de Agota Kristof (Le grand Cahier, Le troisième mensonge) simple, un peu rugueux parfois aussi, une touche de mystère…
C’est un court roman noir, psychologique, social et historique aussi qui réveille les images terribles qui ont fait le tour du monde après la mort du père de la Nation. Roman qui vaut le détour.
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