Très beau film (mélancolique et somptueux) de Todd Haynes (« Loin du Paradis », « I’m not here » « Mildred Pierce ») avec Cate Blanchett et Rooney Mara….
Le scénario de base tient sur un papier de cigarette (Nous sommes dans les années 1950 à NY :deux femmes – une (Carol) en instance de divorce – et une autre (Therese) vendeuse dans un grand magasin avant de travailler comme photographe dans un journal – vont tomber amoureuses (deux regards qui s’accrochent…., celui de la femme au cœur meurtrie (bleu) … et celui de la femme-fille à peine sortie de l’université (vert)….
Le récit sera épaissi par les scènes avec le mari de Carol, les débats dans un cabinet d’avocat (Qui aura la garde de la fille des deux époux ?), un voyage des deux femmes …..un réveillon magnifique entre les deux femmes, la période pendant laquelle les deux femmes seront séparées (on se demandera si c’est pour toujours ?).
Film de photographe, d’ambiance mais de gestes aussi… les petites gestes (la main qui se touche (par hasard), la main sur une épaule, légère comme un papillon et lourde de signifiant… film de regards surtout – et si souvent à travers des vitres (pleins de gouttes d’eau… embuées) ….Ed Lachmann (images) a fait un travail époustouflant.
Le n° 7118 des Cahiers de Cinema publie un entretien avec Todd haynes qui tourne autour des choix de la photo et propose « même » le « Carol Image Book » que Haynes a concocté avec des photos, captures d’écran, pages de magazines d’époques – matériaux pour affiner ses recherches esthétiques et de reconstitution de l’époque ( Frank Paulin, Saul Leiter, Ernst Haas !!)
(Haynes s’inspire de cette photo de Saul Leiter pour des scènes dans lesquelles un élément des vêtements de Carol éclatent d’un rouge ou d’un jaune)
Rooney Mara a reçu le prix d’interprétation féminine à Cannes – je l’aurai donné ex-aequo aux deux actrices…. et quand je pense au dernier regard jeté par Carol sur la jeune Therese…. j’en ai eu les larmes aux yeux….
Photo de Saul Leiter – dont le grain, la couleur « sale » se trouve souvent dans le film de Haynes. – je l’adore « Laenesville »)
Fin de la critique de Critikat :
….La recréation du New York désenchanté de 1952 est à cet égard saisissante. À l’optimisme à marche forcée des années Eisenhower, qui s’apprêtent à débuter, Haynes et son chef opérateur Edward Lachman opposent un espace urbain en forme de huis-clos. Les tonalités désaturées de la palette chromatique et l’image granuleuse du Super 16 mm projettent sur les deux amantes l’ombre du film noir sans que rien de la séduction et du mystère associés au genre n’en subsiste à l’écran. Les surcadrages accentuent la claustrophobie diffuse qui sourd d’intérieurs faits de passages, d’embrasures et d’enfilades de pièces semblables à de tristes dédales. Ce formalisme trouvera sa justification ultime dans le tressaillement d’un plan final, bouleversant, auquel le cinéaste nous aura minutieusement préparés : une épiphanie qui advient au beau milieu d’un restaurant, par la grâce d’une caméra subjective aux élans de transport amoureux.
Pour y croire, il fallait aussi deux interprètes à la hauteur d’un tel sentiment. Avec ses yeux fixes de poupée tout droit sortie du grand magasin où elle officie au début du récit et ses joues rosies par l’hiver new-yorkais, Rooney Mara est absolument parfaite, toute entière retranchée dans un mutisme prédateur. Ce visage encore marmoréen se veinera bientôt d’émotions qui culmineront dans une très belle scène charnelle. Mais seule une actrice d’une plasticité hors-norme pouvait faire miroiter les multiples facettes de Carol. Cate Blanchett lui prête son prodigieux talent, tout en modulant sa virtuosité proverbiale, et c’est un bonheur de la voir se risquer ainsi à la vérité de son personnage plutôt que de se livrer à une simple performance. L’alchimie de leur rencontre naît de frôlements et de regards, transactions érotiques reconduites de champ en contrechamp et dont la sensualité réchauffe chaque plan d’un feu qui brûle longtemps après la fin du générique. « No other love can warm my heart/Now that I’ve known the comfort of your arms », chante Jo Stafford dans l’un des standards retenus pour la bande originale. Entêtant refrain qui pourrait leur tenir lieu de viatique.
http://www.critikat.com/actualite-cine/critique/carol.html
Frank Paulin : Reflections
Bande son magnifique aussi (Georgia Gibbs, Billy Holliday, The clovers, M. Withing etc…..).
Je conseille absolument à voir ce film qu prend aux tripes si on est sensible aux frémissements et non pas aux « coups de massues tire-larmes » – ici tout se passe derrière une belle façade qui craquelle et des aspérités qui osent se montrer. « Loin du paradis » était plus « facilement » mélo (la femme qui tombe amoureuse de son jardinier noir, le mari étant homosexuel) que « Carol » (davantage centré sur deux femmes seulement – et à travers des vitres/ reflets – comme pour démultiplier les personnages (?) – Il ne faut pas non plus s’attendre à une analyse du background sociologique des deux femmes… il faut prendre cet amour qui « tombe du ciel » tel quel et se laisser porter par des images d’une sensibilité hors normes.
Saul Leiter : New York Reflections
Et voici un diaporama de photos de Saul Leiter
https://www.youtube.com/embed/ue3ycZ1K6To« >
Aaaaargh ! Je dois être une vilaine fille avec un coeur de pierre…Vu hier. Je l’ai trouvé très propre sur tout, l’image très belle, le son impeccable, les comédiennes, formidables…Mais ça ne m’a pas touchée. C’est vrai, c’est un film tout en finesse, mais en fait au cinéma ( et même dans les livres, je crois ) je ne suis pas très sensible aux pures histoires d’amour. Par « pures » je veux dire sans rien autour – ou presque – qui vient enrichir l’histoire. Ici, il y a bien un vague contexte d’époque, l’ébauche d’un aperçu de la bourgeoisie et de la jeunesse plus populaire, mais rien de fracassant. Bon, ce n’est pas le sujet, c’est vrai, mais enfin rien qui ne vienne vraiment contrarier cet amour, et le film finit bien. Mais j’aime ton article, tu le défends bien, ce film ! 😉
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Ton opinion tranche avec les remarques de deux (femmes) avec lesquelles j’y étais – en effet, j’étais plus conquis par le film que les deux… mais tu vois, c’est justement le « manque de « autour » ressenti par mes amies que je n’ai pas éprouvé, parce qu’il était juste effleuré, tapi derrière les images … tout est dit dans le sous-texte (tu te rappelles de la scène de Therèse travaillant au journal ? Elle est photographe mais se promène avec un bloc-note et le travail de choix, de discussion est fait par les mecs…. (tout est dit – nous n’avons pas plus besoin d’explication et/ou de scènes…. Pareil pour le boulot de Therèse dans le grand magasin…. (il parait que T. Haynes a coupé des heures de scènes décrivant les relations avec les collègues… passé à la trappe, pas besoin…). Les relations de Carol avec sa nounou,femme de ménage ou que sais-je …deux regards, deux répliques….tout est dit. Les deux scènes au cabinet d’avocat…. pas de longues expositions, explications… moi, ça me bluffe, me prend au tripes d’épurer un film ainsi (contrairement au Sirk-ien « Loin du paradis »)
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