Après plus de 4 semaines sans avoir fait une toile dans une salle obscure j’ai fait ma rentrée cinoche avec une oeuvre française : « La belle saison » de Catherine Orsini (dont je n’ai vu jusqu’ici que « Partir » et « La nouvelle Eve ».
Beau film d’amour entre deux femmes – on pense par moments à « La vie d’Adèle » (Izia Higelin rappelle en effet parfois Adèle Exarchopoulos) – ancré aux années ’70 (dont la reconstitution ad minima est plutôt très réussie).
Une fille de paysans (dans le Limousin) va monter à Paris pour y travailler. Elle rencontrera une prof’ d’espagnol qui vit avec un homme et est très active dans le mouvement de libération de femmes (« les excitées » qui souhaitent le même salaire que les hommes, la pilule, le droit à l’avortement… mais oui, c’était il y a 30 ans seulement….)
La prof’ (Carole) est jouée par Cécile de France – que je n’aime pas particulièrement mais qui dans ce rôle est absolument épatante. La jeune paysanne va tomber amoureuse d’elle – un lien crédible et convaincant les unit. Toutefois un jour le père de la « paysanne » a un AVC et elle doit – en absence de frère – reprendre les rênes à la ferme, retourner dans le Limousin…. Cecile va tout plaquer et la rejoindre là-bas….
Fini la description de la lutte des Femen avant l’heure, de la naissance d’une passion et des difficultés du conjoint de Cecile (très ouvert pour cette période giscardienne) d’accepter la bi-polarité de Cecile et de ses choix). Le spectateur assiste maintenant à la difficulté de vivre une homosexualité cachée dans un monde « machiste » ( « c’est déjà beau que la femme puisse puiser dans le salaire de l’homme, non?! »), catholique et traditionnel dans lequel une lesbienne est forcément le diable…..(Noémie Lvovsky – la mère – m’a scotché dans deux scènes d’une intensité formidable)….
La mise en scène est parfois un peu trop visible (on a des fois deux pas d’avance – et les métaphores appuyées n’y sont pas pour rien – orage, le verre qui tombe…), mais j’ai oublié vite ces « faiblesses » puisque j’étais touché par la grâce des actrices.
Izia Higelin est d’une justesse bourrue et tendre qui fend le cœur, Cecile de France irradie l’écran (on oublie qu’elle n’a plus vraiment l’âge de son rôle) – son interprétation de lesbienne est à des km lumière de sa prestation du même bord dans « L’auberge espagnol » – et Noémie Lvovsky est parfaite en épouse/mère – le moment ou elle se doute que la copine parisienne est davantage pour sa fille – ainsi que la confrontation avec Cecile de France sont des moments bien forts.
J’ai passé un formidable moment avec cette histoire-romance qui m’a beaucoup touchée par sa résistance aux normes d’une époque et de la difficulté de rester entier…. (et vue la résistance aux mariages gay je pense que certaines des réactions, réflexions et interrogations des protagonistes sont d’actualité encore aujourd’hui)….. – ainsi que par les négociations perpétuelles entre convictions et vie intime dans un monde bête et pleine de conventions….
Pas un grand film (Télérama dit « qu’on tourne en rond » et Cahiers du Cinéma concluent : « …Difficile alors, dans une écriture aussi balisée, d’offrir à son héroïne sans cesse ballottée entre deux choix de vie, de vrais moments qui échappent à la prédestination sociétale et scénaristique ») , mais un film touchant avec ses petits maladresses et des actrices au meilleur de leur forme.