Livre Inter – 6 – Le Météorologue (O. Rolin)

« J’hésite à rapporter ce trait lamentable, (…) Je préférerais qu’il soit intraitable (…) je préférerais l’admirer, mais il n’est pas admirable ».

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Ainsi parle Olivier Rolin du météorologue Alexeï Féodossiévitch Vangengheim, premier directeur du service hydro-météorologique d’URSS, déporté en 1934 (comme saboteur – des récoltes mauvaises soit disant dues aux mauvais pronostics des météorologues ) aux îles Solovki et tué en 1937.

Ce météorologue se trouve au centre du livre – qu’on peine à appeler un roman – et donne un visage aux dizaines (centaines) de milliers de victimes de la répression – et ou l’élimination systématique de tout opposant réel/potentiel/imaginaire….  (débutée en 34 mais trouvant son pic dans la Grande Terreur (1937).

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O. Rolin décrit les dernières années de ce spécialiste des nuages, victime de  l’horreur des purges staliniennes, et tellement homme ordinaire (malgré ses racines généalogiques dans la noblesse) notamment à travers les lettres adressées par Alexeï à sa femme.

« Ma confiance dans le ¬pouvoir soviétique n’est pas ébranlée. Il écrit d’une petite écriture serrée, difficile à lire, sur des pages de cahiers d’écolier que lui envoie Varvara, sa femme. Le bas des pages 3 et 4 est réservé aux dessins ou aux herbiers pour sa fille, de façon que Varvara puisse le plier et le couper pour le donner à Eléonora. Elle lui fait croire que son père est parti pour un long voyage d’exploration dans le Grand Nord. (…) J’ai été reconnu comme appartenant à la troisième catégorie sanitaire (il y en a quatre, sans compter les invalides), mon travail n’est pas difficile, quand j’ai du temps libre je fais des mosaïques avec des éclats de pierre. Il est vite extrêmement habile dans cette technique qu’il utilise à des fins inattendues : il fait des portraits de Staline. » (p. 100)

On voit bien l’exemple de ce mélange de citations et des pensées, remarques, précisions du narrateur/auteur.

C’est presque un « Le Royaume » – Olivier Rolin avait milité dans les années 1970 dans le mouvement maoïste et observe donc son héro avec le questionnement sur la place qu’on a dans la société, quel avenir construire, avec quels moyens, sur le quand de la perte de la croyance en le système, son attachement au parti (qui pourtant le lâche – comme tant de milliers d’autres), de la perte ou non ( ?) de l’idéal révolutionnaire, le questionnement de sa croyance de construire le socialisme……. Il reste presque subjugué de cette foi inébranlable de Alexeï

Ecriture précise, sans fioritures (il est loin du style que son frère applique dans « Les Evenements »), phrases courtes, parfois d’une sécheresse observatrice dure  :

«On le traîne dans une salle où sont déjà allongés d’autres corps ligotés, certains ensanglantés. Lingots de chair humaine. «L’homme est le capital le plus précieux», a écrit le camarade Staline. Lorsque le chiffre est atteint, une cinquantaine, on les jette dans la benne de deux camions. Les gardes les tassent à coups de botte, étendent sur eux une bâche, s’assoient dessus, les camions démarrent. Corps nus, collés les uns aux autres, entravés, piétinés, sanglants, tremblants de froid et d’horreur : voilà la fraternité incontestable dont a accouché la Révolution. Ce genre de pensée lui traverse-t-il l’esprit ? Pense-t-on à quelque chose lorsqu’on est mené, lié, à l’abattoir ? On est au début de novembre, sans doute la première neige est-elle tombée, le lac doit être en train de geler.» (p.180)

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Toutefois je dois dire que la lecture ne m’a pas particulièrement touché/ ému. Je saisis bien entendu son approche qui cherche à donner un visage aux milliers d' »enfants de la révolution » dévorés par la révolution – tous les bourreaux, juges et accusateurs d’Alexeï seront également balayés par la vague violente, broyés par la machine de terreur folle stalinienne, je comprends aussi les réflexions de Rollin en fin du livre…..  mais il me manquait un peu d’empathie pour le personnage (intelligent mais un peu « falot » à mon goût, ce que Rollin constate aussi, voir  ma citation du début d’article). De même, lecteur de Alexandre Soljenitsyne (notamment Une journée d’Ivan Denissovitch) dans les années 70, les faits décrits n’étaient pas nouveau pour moi, ni la vie dans le camp, ni les « surprises » de la réhabilitation (En 1940, 1,5 million d’affaires sont révisées: 450 000 condamnations sont cassées, 128 000 dossiers refermés, 30 000 personnes libérées de prisons et 327 000 des camps – Wikipedia).

Pour compenser voici deux critiques (très) enthousiastes :

http://www.telerama.fr/livres/le-meteorologue,116220.php

http://la-marche-aux-pages.blogspot.fr/2014/12/une-histoire-du-mauvais-temps.html

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5 commentaires pour Livre Inter – 6 – Le Météorologue (O. Rolin)

  1. culturieuse dit :

    L’Histoire n’est qu’un éternel recommencement…Quand donc l’Homme apprendra-t-il de ses erreurs???

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  2. lorenztradfin dit :

    en effet….. on dirait que tout est inscrit dans les gènes de la gente humaine.

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  3. Laure Micmelo dit :

    C’est dommage que l’on ne ressente pas grand chose, j’aime être touchée quand je lis un livre, même si la référence à Une journée d’Ivan … fait tilt, car j’ai un très bon souvenir de ce roman.

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    • lorenztradfin dit :

      …. dommage que « moi » je n’ai pas été touché. Comme le montrent les liens aux deux critiques (quasiment choisie au hasard) d’autres ont davantage été sensibles à ce « roman ». E comme toi, moi aussi j’ai un vague souvenir de bouleversement à la lecture de Ivan …. – seulement c’est si si si loin…. des tonnes de mots se sont déversées dessus depuis….. Bizzz

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