« Dis veux-tu qu’à nous deux nous la séduisions ? » (Acte II, scène x)
Cyrano de Bergerac
Quel spectacle, que dis-je, quel monument…..
L’année dernière j’ai pu assister à la version décalé – et touchante de Dominique Pitoiset avec P. Torreton. https://lorenztradfin.wordpress.com/2013/03/27/il-est-fou-ce-cyrano-que-dis-je/ A cette fin janvier j’ai vu la version de Georges Lavaudant. J’ai « découvert » Lavaudant avec sa pièce et mise en scène « Terra Incognita » (déjà avec Pineau ET la grande et trop rare Anne Alvaro) et ai eu le plaisir de voir encore quelques’unes de ses mise en scènes (dont « Fil à la patte » de Feydeau) ….
Hah, quelle différence avec Pitoiset….
Georges Lavaudant nous la joue comme un rêve ou un conte dans un jardin fantastique (avec un « arbre » immense – transformable en « balcon »* – plutôt moche), qui rappelle par moments et de loin Tim Burton (la musique entre les scènes aurait pu être tiré d’un film de lui, ou d’un film de cape et épée….). C’est « classique », parfois avec des scènes écourtées, accelerées, coupés (bataille – boulangerie), les costumes comme souvent chez Lavaudant indatables…..(ou plutôt jouant sur toutes les époques… )
Je ne vais/peux pas faire une comparaison des deux approches – ce serait fastidieux tellement les deux mondes de metteurs en scène divergent – toutefois, certaines scènes (notamment la « tirade du nez ») je les ai préféré joué, mis en scène par Torreton/ Pitoiset – surjoué? moins bien déroulé ? chat dans la gorge?…. Il manquait du panache, c’était plutôt cabotin chez Lavaudant….
* ROXANE
Eh bien ! si ce moment est venu pour nous deux,
Quels mots me direz-vous ?
CYRANO
Tous ceux, tous ceux, tous ceux
Qui me viendront, je vais vous les jeter, en touffe,
Sans les mettre en bouquets: je vous aime, j’étouffe,
Je t’aime, je suis fou, je n’en peux plus, c’est trop;
Ton nom est dans mon coeur comme dans un grelot,
Et comme tout le temps, Roxane, je frissonne,
Tout le temps, le grelot s’agite, et le nom sonne !
De toi, je me souviens de tout, j’ai tout aimé
Je sais que l’an dernier, un jour, le douze mai,
Pour sortir le matin tu changeas de coiffure !
J’ai tellement pris pour clarté ta chevelure
Que, comme lorsqu’on a trop fixé le soleil,
On voit sur toute chose ensuite un rond vermeil,
Sur tout, quand j’ai quitté les feux dont tu m’inondes,
Mon regard ébloui pose des taches blondes !
Par contre, la scène de mort de Cyrano …. vous allez rire, j’ai eu des larmes aux yeux….. la brisure de voix de Patrick Pineau quand il dit « par cœur » les lignes qu’il avait écrit 14 ans auparavant, lignes supposées être lues la première fois par lui….. ça c’était du grand art.
Pitoiset misait entièrement sur Torreton, Lavaudan laisse un peu plus de place à la troupe (Gilles Arbona – De Guiche) Olivier Cruveiller (Ragueneau) – et Pineau ne l’écrase pas…..
« Le panache n’est pas la grandeur, mais quelque chose qui s’ajoute à la grandeur, et qui bouge au-dessus d’elle. C’est quelque chose de voltigeant, d’excessif, — et d’un peu frisé. […] Le panache est alors la pudeur de l’héroïsme, comme un sourire par lequel on s’excuse d’être sublime », une grâce frivole de« l’esprit qui voltige », « belle victoire sur la carcasse qui tremble » selon Edmond Rostand (1868-1918) dans son Discours de réception à l’Académie française en 1903.
Magnifique dossier pédagogique ici
http://www.legrandt.fr/sites/default/files/dossier_pedagogique_piece_demontees.pdf